Faudra penser à nettoyer l'siège arrière quand j'serai descendu
Épisode tardif d'une série qui a façonné l'un des genres les plus populaires du jeu vidéo, Doom 3 a surtout été l'occasion pour Id Software de se réaffirmer en tant que pionnier de l'évolution graphique et de l'optimisation. Une dizaine d'années après la sortie du premier opus, la série prit une tournure survival horror qui déplut à beaucoup.
Vous êtes donc un Space Marine affecté à la base martienne de l'Union Aerospace Corporation. Alors que vous êtes en mission, des créatures envahissent le complexe et vous finissez par vous retrouver seul... le diable au cul (la digue, la digue).
Bon, d'habitude, l'horreur et l'épouvante, c'est pas vraiment mon truc... j'avais déjà lancé une partie il y a cinq ans, mais il me fallait du temps pour me remettre de la campagne Marines d'Alien versus Predator 2 et de Farcry. Après quelques recommandations et fort d'une pilosité un peu plus développée, j'ai eu envie de le terminer une bonne fois pour toutes.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que le jeu a très bien vieilli. Si certaines textures semblent parfois floues, la plupart s'en sortent très bien, et le bump mapping est plutôt efficace et discret. Mais là où Doom 3 impressionne, c'est surtout sur la gestion dynamique des ombres et de la lumière. De nos jours, il tourne évidemment sans problèmes tous niveaux de détails au maximum. La bande son est impressionnante de qualité et impeccablement glauque. On se retourne, croyant avoir entendu un cliquetis ou un murmure, on stresse en entendant le vrombissement des machineries, guettant l'approche d'un monstre...
Sur le plan de la jouabilité, Doom 3 a de très grandes qualités, mais aussi beaucoup de défauts. Le début de l'aventure est terrifiant, notamment grâce à l'impossibilité de pouvoir tenir la lampe torche en même temps qu'une arme, un détail à la fois ridicule (les soldats d'élite du XXIIème siècle ne connaissent pas la lampe frontale ; nom de Zeus !) et génial (les salles et couloirs obscurs du complexe en sont d'autant plus angoissants). L'ambiance de Doom 3 est très réussie, surtout au début du jeu : on ne se sent pas en sécurité, l'éclairage se résume au strict minimum, voire au néant, et des bruits sinistres se font entendre dans les couloirs métalliques et froids de la station. Pour couronner le tout, les quelques PDA que vous trouvez, et qui contiennent des informations inquiétantes ou des journaux audio ne sont pas là pour vous rassurer (c'est d'ailleurs un des éléments du jeu que je préfère, j'adore tracer la chronologie d'un univers en récupérant des pièces de puzzle ; le scénario de Doom a beau être ce qu'il est, basique et irréel, cette chasse aux courriels et aux journaux est une excellente méthode de narration et renforce l'ambiance – c'est ce qui rend l'ambiance de Deus Ex et de Bioshock si uniques, par ailleurs).
Où j'en étais, déjà ? Ah oui, l'ambiance. Cette dernière, particulièrement stressante au début du jeu, tend malheureusement à s'estomper à partir de la fin du premier tiers du jeu : le joueur commence à connaître le gros du bestiaire et ses faiblesses, les gros flingues (TRONÇONNEUSE !) font leur apparition et, surtout, les scripts sont si gros et si prévisibles qu'on finit par voir des écriteaux « ce pan de mur va s'ouvrir dès que t'en approcheras » ou « ici, ça va être une arène » placardés aux bons endroits. Peu de surprises viennent bousculer le joueur qui prend ses précautions avant d'ouvrir une porte, et autant de mécanismes systématiques n'encouragera personne à revivre une aventure à l'identique. Les décors finissent aussi par lasser. En effet, la plus grande partie du jeu se déroule dans des laboratoires maculés de sang et jonchés de cadavres qui auraient, je pense, gagnés à être un peu moins longs pour céder un peu de temps aux excellentes excursions en enfer et dans les ruines. Sur les douze ou treize heures qu'a duré ma partie, je pense qu'un tiers a été de trop.
Malgré un changement radical sur le plan de la jouabilité, le bestiaire de ce troisième volet reste fidèle à celui de la série. On retrouve même quelques anciens objets remaniés comme la trousse berzerk, et un son très familier lorsqu'on ramasse une carte d'accès. Les monstres les plus puissants, assez rares, sont présentés sous forme de mini boss, dont le Mancubus (je me suis surpris à rire en entendant son gargouillis caractéristique remis au goût du jour). On reconnait également très bien les Imps, Cacodemons et autres Revenants. D'autres ont subi un petit lifting, comme le Demon, le Baron of Hell et l'Arch-Vile. Mais il y a aussi quelques petits nouveaux, notamment des chargeurs, des bébés-libellules (qui ne vont décidément pas m'aider à me débarrasser de mon aversion pour les mioches) et... des saloperies d'araignées !
L'armement est lui aussi respecté puisqu'on retrouve presque toutes les armes qui faisaient le charme de Doom 2, les deux grands regrettés étant la carabine et le fusil à double canon, tous deux supplantés par un fusil à pompe à la dispersion ridiculement élevée (probablement pour éviter qu'on s'en serve tout le temps). Les affrontements sont plutôt variés, la distribution de munitions aussi, et on se retrouve à changer régulièrement d'arme. Un bon point du côté de l'équilibrage.
Cependant, si la bande son est irréprochable, le son des armes ne l'est pas. Aucune n'émet un son jouissif, que ce soit le fusil à pompe, le minigun, le lance-roquettes, ou les autres. Le petit « bziiiii » du fusil à plasma qu'on recharge est sympathique, mais ne parvient pas à faire oublier ces armes sans recul, sans sensations, sans saveur. C'est triste à dire, mais sur ce point-là, les deux premiers titres s'en sortent mieux.
Je n'ai pas non plus aimé la direction artistique du jeu. A vrai dire, je n'aime pas la direction artistique d'Id Software depuis Quake, et ça ne va probablement pas changer avec Rage : ici, les armes ressemblent à de gros cubes gris et les monstres ne me terrifient pas ; je les trouve simplement moches. J'éprouve même parfois de la pitié pour certains, comme ce zombie au bras extensible ou ce Cacodemon à l'inertie telle qu'il est infoutu de me cibler correctement.
C'est un peu hors sujet, mais j'aurais probablement été plus indulgent envers Duke Nukem Forever juste après avoir joué à Doom 3. Pas au point de le considérer meilleur, ni même aussi bon, mais d'une certaine façon, DNF ressemble à Doom 3 : évolution scriptée et scénarisée dans des couloirs, écrans de chargement très longs, clins d'œil aux prédécesseurs (bornes d'arcade), armement fade, replay value égale à zéro, cutscenes inopportunes, boss inintéressants... le Gardien et le Cyberdemon ont beau être impressionnants, je me suis bien emmerdé à les affronter, à peu près autant que le Cycloid Emperor et l'Assault Commander de DNF.
Mais dans l'ensemble, je trouve que Doom 3 est un excellent jeu. Il propose une aventure poignante et intéressante qu'il serait dommage de louper, surtout si vous avez l'intention de vous mettre à Doom 4 un jour.