DOOM Eternal est épuisant.
Véritablement épuisant, physiquement, psychiquement.
A chaque fois que je finis d'y jouer, j'en ressors lavé, lessivé, vidé. A ce moment là, je vais me prendre un doliprane, un supo et au lit, tant ce jeu me crève. Là normalement vous vous dites que c'est un mauvais jeu puisqu'il me fait souffrir.
En vérité je vous le dis, DOOM Eternal est un bijou. Un diamant, taillé à coup de marteau par Morgoth lui même et ciselé par Satan en personne. J'ai apprécié presque chaque instant des deux runs que j'ai fait à travers sa campagne, et je suis encore sur le cul de l'exploit accompli par ID Software. Donc quoi ; Torture ou Merveille ? Allez, on va essayer de résoudre l'équation.
La mocheté plus belle que jamais
Autant le dire tout de suite, DOOM Eternal a de la gueule ; Vraiment, de la gueule. Une sale gueule, une ignoble tronche de sang, de boyaux, de dents acérées et de torrents de lave infernaux, mais absolument sublime : Tout est merveilleusement détaillé, ça tourne aux petits oignons sur une config Mid-High tier et le tout baigné dans un bain de sons délicieusement dégueulasses, à l'image des gros sploch quand le double shotgun explose une tête bien remplie.
De ce point de vue, ce nouveau jeu reprend aisément le flambeau laissé par son grand frère de 2016, qui m'avait déjà laissé une tonne d'images ancrées dans la rétine. Ici, beaucoup moins d'environnements cleans, de couloirs aseptisés façon 2001 l'Odyssée de l'espace : On plonge dans le gothique le plus glauque et le plus baroque, quitte à revenir largement aux fondations de la saga. Le choix peut dérouter au début mais quand on voit son premier titan démoniaque empalé sur une lame de mécha-chevalier du futur, on perd assez vite ses réticences.
RIP and Tears
Là où je n'attendais pas DOOM Eternal, c'est dans son gameplay.
J'avais adoré la proposition de 2016 : Une remise à neuf du Fast FPS à l'ancienne, à rebours total des modes actuelles, mais avec quelques idées prises à gauche et à droite pour éviter l'archaïsme. Je m'attendais donc à une suite prudente, faisant un peu évoluer la formule pour pas trop brusquer.
EH BAH MON COCHON.
La réalité c'est que ID Software a pris son reboot, et il l'a rebooté. Avec 10 fois plus d'adrénalines et plus aucune limite de vitesse. Certes, il y a des constantes ; certaines armes qui sont restées plus ou moins les mêmes, la mécanique des glory kills... En un sens, au début, on a l'impression d'avoir à faire à une évolution modeste.
Et puis on chope le lance-flamme. Et le double dash. Et le blood punch. Et les nouvelles grenades. Et les nouvelles armes... Et ainsi, niveaux après niveaux, le jeu nous envoie toujours plus de nouvelles mécaniques à intégrer, ingérer, et vomir sur des hordes d'ennemis toujours plus énervées. A vrai dire, n'espérez pas une seule seconde de répit : DOOM Eternal est infiniment plus corsé que son prédécesseur, et les démons qui vous avaient fait trembler en 2016 sont le bas du panier de ce qui vous attend ici. Tout va plus vite, plus fort, plus violemment. On enchaîne les kills avec d'autant plus de rythme que beaucoup d'ennemis sont là uniquement pour vous donner les ressources nécessaires à un combat qui ne relâche jamais la pression. Et c'est là que DOOM est le meilleur : Parce que là où un gameplay rigide rendrait l'expérience frustrante, celui de DOOM reste la machine à trucider qu'il a toujours été : une valse de balles, de dash, de sauts et de gros-poing-dans-ta-gueule qui font toute la jouissance du jeu.
Plaisir et souffrance
La révolution DOOM Eternal, elle tient dans ce mélange entre d'un côté une exigence parfois absurde (Restez 2 sec de trop au contact d'un ennemi un peu violent et c'est la mort) et de l'autre une richesse incroyable dans la manière de surmonter les épreuves. J'avais déjà écris une critique sur le reboot de 2016 en soulignant la jouissance que le joueur pouvait tirer de la sensation de maîtrise totale que procurait le jeu, à travers son tourbillon de violence frénétique. DOOM Eternal procure cette sensation, au centuple. En vous rendant plus fragile et en multipliant les menaces, le jeu vous place constamment au bord du gouffre, face à la nécessité absolue de prendre LA bonne décision qui vous évitera la mort, et que vous devrez prendre une fraction de seconde.
D'où la salvation apportée par le lance flamme qui permet de récolter de l'armure sur les ennemis exécutés, qui participe donc d'un mouvement permanent et cyclique de mise en danger et de récompense. On se lance dans la mêlée, on arrache des tripes jusqu'à être mal en point et alors on passe sur la défensive jusqu'à trouver le kill qui nous permettra de repartir à l'assaut. Et tout le jeu distille savamment ses ennemis, et construit ses arènes, pour créer cette sensation d'angoisse féconde pour le joueur. Honnêtement, lire dans certaines critiques que le gameplay est "brouillon" révèle simplement que certains n'ont rien compris, ou même n'ont pas essayé de comprendre la logique du gameplay : Run, Kill, Evade. La recette est ancienne, mais visiblement, pour certains, l'ignorance est un argument solide.
La limite à tout cela
Le problème avec tout cela, c'est que DOOM Eternal va vite. Très vite. De plus, il demande une concentration dingue, de chaque instant, pendant plusieurs heures si vous êtes absorbé dans son histoire ou dans un des contenus supplémentaire déblocable. Et là où je n'avais aucun problème à suivre le rythme de DOOM de 2016, son petit frère m'a largué une ou deux fois.
Impossible de le reprocher au jeu ; C'est plus un problème de limite personnelle qu'autre chose mais je me dois de vous prévenir : Si les FPS ne sont pas votre truc, et si le fast FPS vous donne des nausées, SURTOUT faites attention avant de vous lancer dans DOOM Eternal, surtout dans les difficultés qui imposent leur rythme.
Pour tous les autres et pour ceux, comme moi, déterminés à souffrir pour prendre leur pied, DOOM Eternal est une gemme, un gros cadeau que fait ID Software à tous ceux qui s'ennuient dans le FPS moderne, qui veulent de la démesure autant dans le décor que dans le gameplay, le tout sur une bande son de génie qui pourrait servir de référence pour tout le médium à l'avenir.
DOOM Eternal ne ressemble à aucun autre jeu, et c'est tout ce qu'on pouvait en espérer.
Le meilleur FPS de l'Histoire à mes yeux.