De la schizophrénie des Dragons anciens dans la cosmologie moderne.
Bon, c'est rien de le dire, et c'est pas comme si ça avait pas été dit, répété et rabâché à toutes les sauces, mais la première chose à savoir AVANT d'y jouer, c'est que NON ce n'est pas la suite de DAO. Nous avons affaire au même univers, mais le titre n'a rien à voir, il ne poursuivra pas la trame initiée dans le premier, et ce ne sont pas du tout les mêmes protagonistes (hormis Anders, mais un Anders plutôt changé). Toutes les critiques négatives qui ont plu sur le titre en clamant haut et fort qu'on les avait spolié de leur DAO 2.0, et bien... Ils avaient raison. Je ne les blâme pas, la déception a pu être cruelle, et ceci explique certainement en partie la vindicte contre Rise to Power. Nonobstant ceci, je les remercie, car cela m'a permis de faire mon deuil du premier opus, et d'aborder le second avec un esprit plus ouvert (car je ne cache pas que moi aussi, j'attendais une suite). Et sans doute que l'expérience aurait été différente si je n'avais pas été prévenue.
Ce fameux dragon age est au final bien curieux, un mélange de génie à la partition parfaitement maitrisée et de travail technique bâclé, à la limite du foutage de gueule. Nous ne saurons jamais quelles ont été les "raisons" qui ont poussé Bioware a nous livrer un titre partiellement inachevé, pression du distributeur, désir d'atteindre un plus large public à moindre frais etc... Quoiqu'il en soit, ils nous livrent un titre pour le moins ambigü.
Côté pile, la réalisation technique. Des graphismes qui sans être moches, ne sont pas extraordinaires, des cartes globalement vides et ne rendant absolument pas l'atmosphère de la ville (qui constituera 90% du terrain de jeu), et surtout, SURTOUT, le manque absolu de renouvellement dans les lieux visités, tout au long des chapitres nous n'aurons accès qu'aux mêmes parties de la ville, et à 3 ou 4 zones se battant en duel dans les alentours, toujours resservies à l'identique, sans parler des intérieurs copié-collés... A la place de Bioware j'aurais franchement honte de livrer un travail aussi chiche et clairement rogné aux entournures. Bref, vous l'aurez compris, côté dépaysement, c'est pas la joie. Heureusement, les cartes restent quand même jolies, mais il faut faire un gros effort d'imagination et faire abstraction de ces décors que l'on aura vu 1000 fois à la fin pour encore apprécier de s'y promener.
Entre les deux, une interface qui a fait un sacré lifting, pour ma part en plus de la trouver plutôt esthétique (globalement noirs transparents ourlés de rouges), je la trouve plus pratique et ordonnée, même si elle fait entorse au sacro-saint foutoir que l'on se DOIT d'avoir dans tout inventaire de RPG qui se respecte, y compris toutes les merdes qui ne servent à rien et qu'on revend direct au marchand, oui monsieur! Plus sérieusement, même si elle n'a plus le charme désuet auquel on est habitué, j'la trouve bien sympathique.
A noter qu'ils ont aussi fait quelques efforts niveau garde-robe, des skins globalement plus variés que dans le premier (même si il y a encore trop de skins génériques à mon goût). Un bon point aussi pour l'armure "fixe" de nos compagnons, ça m'aurait fait mal au coeur de nipper Isabela avec une vielle armure en cuir toute moche, ou Fenris avec une boite de conserve, même si ne pas avoir certains bonus bien pratiques m'a un peu frustrée des fois (à quand le skin fixe mais avec n'importe quelle armure? quoi, on me souffle à l'oreillette que c'est pas Roleplay, mince...). Un petit détail qui a son importance à mes yeux aussi : on peut désactiver l'affichage du casque !!! Et ça, c'est cool.
Les combats ont aussi pris un sacré coup de boost, n'en déplaise aux vieux ronchons, c'est quand même vachement plus chouette à regarder, et quant à l'aspect tactique, certes le friendly fire n'est dispo qu'en mode cauchemar, mais il est toujours là si vraiment il vous manque !!!! On va dire en gros que le niveau difficile correspond au niveau normal de DAO, mais c'est pas forcément un mal, car le mode normal était plutôt difficile pour les joueurs non avertis justement! Moi ça ne m'a pas dérangée, j'étais déjà familière du truc et donc j'ai pris mon pied, mais pour un novice, dur dur l'entrée en matière. Bref, on retrouve un niveau de difficulté acceptable pour les vieux briscards en difficile, friendly fire en moins, et perso, même si j'ai fait avec dans DAO, ben je préfère sans, na. Gros, gros bémol cependant, la vue tactique version 3D iso n'est pas disponible, et ça c'est méga chiant, on reste scotché au personnage contrôlé sans pouvoir "prendre de la hauteur", alors quand on est dans un mur, c'est pas triste! Je comprends pas pourquoi ils l'ont viré ça par contre, question budget ça aurait pas fait péter le truc j'pense mais bon...
De même l'arbre des compétences a été revampé, organisé en "roues" beaucoup plus intuitives visuellement, on a accès à certaines comp' uniquement quand on en a appris un certain nombre, de même pour les améliorations de compétence. Au final c'est la même chose, mais la présentation graphique est plus logique... Les compétences sont globalement dans le même goût que le premier, avec quelques variations/nouveautés malgré tout. Deux changements notables:
- la disparition des compétences de voleur: crochetage et pièges dépendent de la ruse, on ne peut plus faire de vol à la tire (et ça c'est méga snif et ultra relou, moi qui A-DO-RAIT passer 2h dans chaque zone à piquer absolument tout ce qui traine dans les poches, le sevrage a été dur!)
- la disparition des compétences sociales: adieu parlotte, blabla et babillage, bonjour dialogues version Mass Effect (en roue donc). C'est sympa, même si on ne peut plus berner nos interlocuteurs, mais pas tip-top quand même, au final ce qu'on dit n'a que peu d'incidence sur les grandes décisions (à l'échelle d'une quête, ou du scénario en général). Un gros mouais donc.
Côté face, ce qui m'a fait oublier tout les petits et gros désagréments que j'ai tartiné juste au dessus, pour le bonheur de vos petits yeux injectés de sang (ou pas)... J'ai nommé la narration et les relations humaines à l'intérieur du scénario. Car OUI, l'intrigue de Dragon Age II est essentiellement politique, exit le sauvetage du monde, les archidémons et le nouveau messie, bienvenue dans une construction essentiellement basée sur le complot, la trahison, les jeux de pouvoir et l'influence sociale du héros. BON DIEU ce que ça fait du bien de se retrouver dans ce merdier, j'y ai presque retrouvé l'ambiance d'un jeu papier, tout absolument tout y est scénarisé, justifié, c'est un vrai délice de suivre l'intrigue et ses nombreuses ramifications. De plus l'immersion est (paradoxalement) renforcée par de nombreuses mini-cinématiques. permettant de réellement s'immerger dans le contexte humain et de s'identifier à l'histoire. En résumé, les quêtes sont de vraies quêtes, et pas un point d'entrée dans votre journal (au demeurant plutôt peu détaillé, seul l'essentiel pour garder le fil quand on s'y perd un peu, et ça arrive souvent, tant les histoires dans l'histoire sont nombreuses).
Franchement, ceux qui parlent de DA II comme d'un bête hack'n slash peuvent aller se rhabiller, c'est bien simple, je n'ai eu ce sentiment de foisonnement et de richesse d'écriture que dans 3 titres: Planescape Torment, Baldur's Gate, et l'addon de Divinity II. Je n'ai pas honte de le dire, cet aspect du jeu relève purement et simplement du chef d'oeuvre.
Par ailleurs, nos compagnons ne sont pas en reste, ce qui avait été initié dans la saga des Baldur's gate, puis magnifié dans Dragon Age premier du nom, frise ici la perfection. Et c'est là que le talent de Bioware se manifeste vraiment, nous avons affaire à de véritables compagnons, chacun avec une histoire, une personnalité, une manière de voir le monde totalement unique, ils sont certes plus ou moins intéressants à connaître, plus ou moins sympathiques, mais jamais l'implication et les résonances des choix que vous et ceux qui partagent votre destinée feront n'ont été à ce point mis en exergue dans un jeu-vidéo. D'aucuns reprochent le manque de choix "véritable" des dialogues, en un sens je suis d'accord, j'en ai même parlé précédemment, mais une telle profusion de détails, de touches subtiles dans les relations entre chacun (ne serait-ce que par les discussions auxquelles on a droit en se baladant, toujours aussi magiques) laisse vraiment sur le cul. Moi qui aie toujours aimé les productions Bioware pour le côté "J'pars à l'aventure avec ma petite troupe et c'est le bordel dans tous les sens, je m'emmerde pas solo et je suis pas un super-héros solitaire et aigri" ben pour le coup, j'ai été servie, et par le meilleur du meilleur. Chapeau bas aux devs qui ont géré tout ça.
Au final, si je devais résumer tout le mic-mac précédent, je pourrais décrire DA II comme un colosse aux pieds d'argile. Si l'on ne peut que regretter le manque de finitions apportées sur le plan technique en général, mais également les quelques couacs scénaristiques mineurs (pas de système de guilde implanté, certaines quêtes purement monétaires de type "j'ai trouvé un objet que j'sais pas d'où y sort et j'le refourgue en ville, et j'ai de la thune!"), on retrouve malgré tout un grand titre du genre, encore une fois si l'on s'extrait de la comparaison avec le premier, qui somme tout n'a pas grand chose à voir dans l'éclosion de celui-ci.
C'est donc avec un immense regret que je ne lui attribue qu'un modeste 8, quand un 10 pour un mastodonte du RPG aurait pu être décerné si Bioware, ou EA, ou les deux, avaient pris le temps de peaufiner leur bébé. C'est certes une faute de parcours regrettable pour eux (et nous), mais malgré toutes les casseroles que le jeu traine il n'en reste pas moins formidable, et je ne saurais que trop le conseiller à celles et ceux qui auront choisi de mettre leurs a priori en veilleuse. Ils y découvriront un petit bijou, à l'écrin certes terni, mais qui n'en reste pas moins un joyau.
Amen.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.