Driver
6.8
Driver

Jeu de Reflections, Martin Edmondson et GT Interactive (1999PlayStation)

11h00, un matin. Le cerveau en bouillie, l'impression que mes cheveux poussent à l'envers et que mon estomac est en pleine guerre civile. Mauvaise idée de passer la soirée dans ce bouge sordide, à attendre une gonzesse qui n'est jamais venue. Trop de whisky, pas assez mangé. Dans le taudis qui me sert d'appartement, il fait déjà une chaleur d'enfer. La clim' est en panne et le soleil tape. Foutue ville, foutue vie.

Je m'appelle John Tanner. Mon boulot : risquer ma vie au quotidien, pour la mère patrie. Je suis ce qu'on nomme pompeusement un "flic infiltré". Je passe mon temps à côtoyer la pègre locale. Leurs magouilles, leurs trafics, leurs habitudes, tout ça n'a aucun secret pour un type comme moi.
Pourquoi j'accepte de faire un turf pareil, me direz-vous... Sûrement pas pour les maigres dollars que ça me rapporte, encore moins par vocation. En fait, la seule vraie raison qui m'empêche de raccrocher les gants, c'est l'adrénaline. Chaque jour, j'ai rendez-vous avec la Faucheuse. Jusqu'à présent, Elle n'a jamais eu ma peau.
Mon créneau, c'est la conduite musclée. Je bosse à droite à gauche pour les gangs du coin. Aucun d'entre eux ne connaît ma véritable identité. Ils me prennent tous pour une espèce de mercenaire de la route, un pro du volant, qui connaît la ville comme sa poche. Contrat après contrat, je me suis fait un sacré carnet d'adresses ; et mon adresse a fait ma réputation. Dès qu'un escroc, un voleur, ou un mafieux doit quitter un endroit précipitamment et en toute sécurité, il m'appelle. Pour me joindre, c'est simple : un numéro, un répondeur. On me laisse un message avec l'heure du rendez-vous et un petit briefing. C'est suffisant. Je suis toujours ponctuel et je n'ai jamais failli. Mes commanditaires sont toujours satisfaits... jusqu'à ce qu'ils se fassent bizarrement épingler par les condés, alors qu'ils se croient hors de danger. Manque de pot pour eux, ils ont fait confiance à une taupe et ils vont pourrir en cabane quelques années.

Aujourd'hui, j'ai rencard à la banque. Pour un retrait, et un gros. A 12h00, un groupe de braqueurs sortira de la Banque Centrale du centre-ville de Miami, les bras chargés de dollars. Je dois être à l'heure pour les réceptionner, sinon ils risquent de me le faire payer...
Et merde ! Déjà 11h30. Je vais être à la bourre ! Foutu temps qui passe trop vite. Je quitte l'hôtel, direction le parking. Ma Pontiac Le Mans 1972 m'attend. Gros V8, 500 chevaux, un turbo qui souffle fort dans les bronches et des gommards qui collent au bitume. La carrosserie n'est plus toute fraiche et la peinture un peu passée, mais avec la petite ballade qui se prépare c'est bien le cadet de mes soucis.
Me voilà au volant. Pas de stress. Rester zen. Dix minutes pour arriver à la banque, c'est amplement suffisant. Ne pas griller un feu. Respecter les limitations de vitesse. Bref, rouler comme un bon samaritain de mes deux. De toute façon, j'aurai l'occasion de lâcher les chevaux fissa. La banque est en vue. 11h59.

La sirène d'alarme sonne le glas de ma mission. Des coups de feux. Trois types cagoulés se jettent dehors, les bras chargés de grosses sacoches. Ils m'ont vu. J'écrase le champignon, le moteur hurle et lâche la cavalerie qui se jette sur les roues arrières. Tout est sous contrôle, y compris le dérapage. Arrivé à la hauteur de mes "clients", j'ouvre la portière passager. Ils se ruent à l'intérieur. Sors-nous de là !! C'est parti pour un tour de piste aux frais de la municipalité. Je connais la destination sur le bout des doigts. Entre elle et nous, la ville est un cortège de sirènes hurlantes, une meute de flics qui convergent vers la banque. A moi de jouer...

Bonheur. Extase. Nirvana. Je fonce à tombeaux ouverts, l'adrénaline afflue dans mes veines. Oubliée, la murge de la veille. Oubliées, toutes les règles du code de la route. Rien ne m'arrête. Les lignes droites succèdent aux carrefours, les rues aux contre-allées. Par la fenêtre, je devine le regard affolé des pauvres quidams qui viennent de frôler la mort sur les voies piétonnes... Frôler, car je les évite toujours. Je suis flic, quand même ! Je dois protéger la veuve et l'orphelin. Dans mon rétro, les sirènes des voitures de flics me rappellent à l'ordre. Fuir et survivre face à mes collègues qui, l'espace d'une course poursuite, deviennent mes pires ennemis : voilà tout le paradoxe de mon job. Au fil des carambolages, je deviens le meilleur amis des carrossiers. Les conducteurs du dimanche qui accompagnent femmes et enfants au centre commercial ont intérêt à me voir arriver, faute de quoi ils regretteront amèrement leur petite virée en ville...
Quel pied ! Je fais corps avec ma bagnole. Cette Pontiac... Je commande, elle répond, docile et volontaire. Cette caisse est un bijou, son moteur un joyau. Son bruit rauque occulte le brouhaha urbain. Mes sens sont en alerte. Devant moi, les buildings défilent à vitesse grand V. La tension est à son comble. Toutes les forces de police sont liguées contre moi. Je suis l'ennemi public numéro un.

Et puis soudain, c'est le crash, l'accident... A l'angle d'une rue, une voiture de flic me rentre dedans avec autant d'empressement qu'un obèse dans un Burger King. Le choc. La tôle vole tous azimuts, le moteur pousse un râle, puis rend l'âme dans une ultime explosion. Son arrêt cardiaque à lui, c'est un carter qui se fend en deux. Je pars en sucette, heurte un arbre innocent et finis ma course sur le toit de mon véhicule, dans un amalgame difforme de métal. Voile noir. Silence. Ma dernière heure a sonné. La Faucheuse ne s'est pas déplacée pour rien, ce coup-ci...
Mais soudain, venant de nulle part, des lettres se matérialisent devant mes yeux éteints. Elles forment ces mots :

T'as ruiné la caisse !

Foutu jeu !!

ZolivAnyOne
9
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le 15 mai 2023

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Zoliv AnyOne

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