Monsieur Kevin Feige,
Je prends la liberté d'adresser cette missive à votre nom, mais elle pourrait tout aussi bien s'adresser à d'autres personnes. Scénaristes, dessinateurs de comics, réalisateurs, acteurs, la liste est trop exhaustive et c'est pourquoi je choisis de m'adresser à toutes ces personnes en votre nom.
Une apothéose se définit selon plusieurs sens. Un bon dictionnaire pourrait vous indiquer que c'est (je cite) "l'action de mettre au rang des dieux." Pour ce que ce premier sens vaut, je préfèrerais l'extrapoler à "la réception fabuleuse des anciens héros parmi les dieux." Car le film que je suis allé voir cet après-midi du 25 avril 2018 traite des deux, il est vrai... Des héros, qu'on nous présente depuis bientôt 10 ans dans une succession de long-métrages étonnants, parfois excellents, toujours intéressants ; et des dieux, certains évoluant parmi ces héros.
Nous les connaissions auparavant, la plupart via les bandes dessinées qui leurs étaient consacrés. Vos films les ont encensés, quitte à les porter, dans mon cœur comme certainement dans celui de nombreux autres fans, au rang d'icônes. Des personnages certes imaginaires (quoique certains nous proviennent d'anciennes mythologies), mais très travaillés, sympathiques, drôles et donc propices à l'affection et à l'adulation du public.
Par hyperbole, on entend également l'apothéose comme "les honneurs extraordinaires rendus à un homme mort ou vivant, que l’opinion générale et l’enthousiasme public élèvent au-dessus de l’humanité." Vivant, ou mort donc. Car s'ils n'en sont pas moins nombreux et issus d'imaginations de personnes au talent prolifique, ces héros ont chacun une âme. Et rien que le fait que l'on se soit attaché à eux renforce encore davantage la poigne qui saisit notre cœur à l'idée de les voir mourir. Ce ne sont pas des êtres de chair et de sang sur ce grand écran dans cette vaste salle sombre ; pour autant (et quitte à spoiler un peu) ma gorge s'est serrée plus d'une fois devant ce film. Pour plusieurs raisons, mais notamment pour celle-là.
Je suis très assidument chaque segment et chaque film de ce que vous et vos confrères avez baptisé Marvel Cinematic Universe, M. Feige. Une chose est sûre : une fois sorti de la salle, j'ai su que plus jamais je ne (re)verrai les films précédents avec le même œil. Pas en sachant ce que maintenant je sais, pas avec ce que mes yeux ont pu voir. C'est ça, l'effet que ça fait, une apothéose. Non ?
Les raisons sont multiples. La principale a un nom : Thanos. Personnage antagoniste de bande dessinée dont la création remonte à février 1973. On a souvent reproché aux méchants des films de super-héros leur manque de profondeur d'écriture, et le peu de travail au corps que les scénaristes leur accordaient ; leur présence seule devait suffire à justifier une contre-attaque de héros. Thanos au sein du Marvel Cinematic Universe, c'est autre chose. Génocidaire, calculateur, manipulateur, cruel, malade mental : les superlatifs ne manquent pas pour les qualifier, lui et son plan. Tapis dans l'ombre depuis le premier métrage, ourdissant ses combines dont les bribes ne transparaissent que via un fil rouge conducteur remarquablement bien maitrisé du point de vue scénaristique (les Pierres d'Infinité), j'en viens à être étonné qu'un personnage, pourtant invisible pendant la plupart des films précédents, arrive à trouver une profondeur d'action et de motivations comme jamais aucun autre super-vilain n'en a réellement eu ; au cinéma en tout cas.
C'est justement pour aborder les tenants et aboutissants de ce fil rouge que j'en viens à la quatrième et dernière définition possible d'une apothéose : "la dernière partie grandiose d’une œuvre, d’un spectacle, d’un film." Oui, Avengers : Infinity War est bien une conclusion. Nécessaire ? Certainement, après autant de films il fallait bien que cela s'arrête. Appropriée ? Question pertinente, mais qui impliquerait de spoiler de manière éhontée la plupart des moments forts de ce film. Et bon sang, il en regorge !
Je me suis diverti devant cette ultime pièce du MCU. J'ai ri (humour de la saga oblige), mais j'ai aussi été interloqué, voire incrédule. En ayant attendu beaucoup, j'ai voulu des surprises, et j'en ai eu. Est-ce la figurine Lego de Stan Lee emportée dans ma poche revolver avant d'aller assister à la séance qui a eu son petit effet de porte-bonheur ? Je n'en sais trop rien, mais peu importe. Mon cœur se pince tout de même un peu en sachant que certaines choses ne seront plus jamais comme avant. Mais c'est précisément pour éprouver ce genre de sensation que je vais au cinéma, et donc que j'aime le cinéma.
Alors, M. Feige, pour tout ce que vous et les personnes concernées avez pu apporter à la mythologie de la maison de comics au logo rouge et à sa consécration dans le domaine du Septième Art, je vous dit : ...excelsior !
Je retournerai bientôt au cinéma, plus excité que jamais.
Un fan