L'adaptation du chef d’œuvre de Frank Herbert, ou comment évoquer un énième enfer de production au sein de la machine hollywoodienne. Un univers pourtant riche, avec des personnages et une intrigue palpitants, le tout servi par une diégèse aux possibilités quasi illimitées dans sa retranscription à l'écran. Bilan de pellicule : un premier film de 1984 d'un David Lynch certes talentueux mais peu à l'aise dans le science fictionnel, une mini-série du début de millénaire que je n'ai pas vu... mais également et surtout l'adaptation avortée de Alejandro Jodorowsky, orgasme cinéphile quasi divin malheureusement réduit à jamais à l'état de pur fantasme.
C'était sans compter sur le talent d'un réalisateur canadien qui, après avoir prouvé ses faits d'armes avec une filmographie jusque là quasi impeccable et au termes de nombreuses années de pré-production laborieuse, s'est vu octroyé le difficile projet de retranscrire à l'écran le premier roman du cycle de Dune. Le sujet est vaste, et déjà l'intertitre du début pose le contexte : nous aurons ici droit non pas à Dune, mais à Dune - Première partie. Dans le royaume des blockbusters à cliffhangers de scènes post-générique le pari était plutôt risqué ; le visionnage du film prouva que non, en dépit d'une légère frustration de votre serviteur de ne pas pouvoir manger tout le gâteau tout de suite tant cette première bouchée s'est avérée satisfaisante.
Il faut dire que, bien loin des tares de son homologue de 1984, tout est ici merveilleux de précision et de minutie : le jeu des acteurs, avec une distribution unanimement excellente ; la musique, avec un Hans Zimmer plus inspiré que jamais (trois heures après la fin de la séance, mes oreilles en vibrent encore) ; la direction artistique, ou l'art de rendre un désert parfum science fiction vivant à un point tel qu'on se sent presque touché de l'aridité subie par les protagonistes. Le seul léger bémol pourrait être reproché à une situation initiale un chouia longue dans sa mise en place, mais une fois les péripéties de ce conflit galactique mêlant trahisons familiales, actes de guerre et magouilles commerciales enclenchées, les 2h38 passent comme une moissonneuse dans le gosier d'un ver géant.
Un space opera comme on en a rarement fait, bien loin d'un folklore star-warsien ou d'un délire visuel parfum Marvel, ce Dune prouve que non seulement la bonne science fiction n'a pas disparu, mais également que les blockbusters de ce genre peuvent eux aussi s'autoriser le contemplatif au détriment d'une action hyperactive souvent forcée et peu nécessaire ; qui n'aurait de toute façon absolument pas eu sa place dans l'univers de Frank Herbert. Un film dense, jamais désincarné, parfois esthétiquement magnifique, souvent onirique, en tous les cas prenant.
La suite, vite ! Et qui sait, en 2023 on aura peut-être moins de tissu imposé sur nos museaux de cinéphile pendant les séances..