Cinq ans après la sortie du chef-d'œuvre de la Famicom MOTHER, le deuxième opus de la série arrive enfin avec l'ambition de réaliser ce qui n'avait pas pu être fait dans le premier en raison des contraintes matérielles et techniques, ce qui en fait davantage une œuvre indépendante qu'une véritable suite du premier volet. Indépendante, ou devrait-on dire unique, car quiconque a touché à ce jeu sait qu'il s'agit d'une légende.
L’art de la narration : un voyage à travers les dialogues et les détails cachés
Il y a tellement à dire sur ce jeu, en particulier si vous avez la chance de le faire en version originale. Comment par exemple avec la mise en scène, entièrement pensée par Shigesato Itoi, qui est l'un des points forts du jeu. Alors que la capacité de stockage avait drastiquement augmenté et que l'utilisation des kanjis devenait courante dans les textes des jeux, il a délibérément choisi de s'en passer, privilégiant l'utilisation des hiraganas et des katakanas. Cela reflète la volonté d'Itoi de faire en sorte que les joueurs ne lisent pas simplement le texte des yeux, mais prêtent attention à chaque caractère et l'interprètent à haute voix. Les dialogues et le texte, déjà marquants auparavant on ainsi été grandement améliorés. Le scénario principal, tout comme les dialogues des personnages secondaires, des ennemis, des animaux, et même les panneaux et les notices, regorgent de petites blagues et de détails cachés. Le simple fait de se promener dans les villes, de parler aux personnages ou d'explorer est un vrai plaisir.
Bref, vous l'aurez compris, MOTHER2 et de loin le jeu le plus original et inventif de la machine.
Clins d'œil et immersion sonore dans un monde inspiré
La musique composée par Keiichi Suzuki et Hirokazu Tanaka, associée au déroulement du scénario, suscite de fortes émotions. Elle n'est peut-être pas aussi lyrique qu'un Final Fantasy, mais elle innove et brille de manière différente. Avec le passage à la Super Famicom, de nouvelles idées exploitant les caractéristiques de la machine ont vu le jour, permettant d'explorer jusqu'où il était possible de jouer avec la musique. Ainsi, non seulement les musiques de fond sont soigneusement conçues, mais même les effets sonores révèlent une grande créativité. Par exemple, de nombreux morceaux incluent des intros samplées de chansons qui ont été des grands succès aux États-Unis, renforçant l'immersion dans un monde inspiré de l'Amérique contemporaine. Des éléments musicaux du premier opus ont aussi été réarrangés et intégrés en clin d'œil aux fans. La diversité des sons samplés, quant à elle, est impressionnante, avec par exemple un son de rot lors d'un combat contre un boss ou encore une question humoristique « OK, desu ka ? ». De plus, le BGM des combats change en fonction du type d'ennemi, offrant une grande variété sonore.
Un voyage surréaliste
En plus des références à la culture occidentale, le jeu intègre également des éléments spirituels inspirés de la civilisation orientale et des aspects évoquant la culture psychédélique. L'univers du jeu est vaste, offrant aux joueurs l'occasion de visiter des lieux variés comme des villes modernes, des pays étrangers, des jungles mystérieuses ou des mondes souterrains. Ce mélange d'une ambiance d'aventure classique avec des situations surréalistes et absurdes, souvent teintées d'une atmosphère inquiétante, se manifeste dans des lieux comme la ville de Moonside ou lors de la bataille finale, qui sont souvent mentionnés comme des scènes traumatisantes provoquant un malaise profond.
Stratégies de survie : l’innovation du système de combat dans MOTHER 2
Au premier abord, MOTHER 2 pourra paraître classique dans l'approche de ses batailles, notamment en évoquant Dragon Quest. Grossière erreur ! Le système propose son lot d'innovation. Ici, au lieu que les variations de HP causées par les dégâts ou les soins soient appliquées d'un coup, elles se produisent progressivement à travers la rotation d'un compteur. Cela signifie que même si vous subissez des dégâts dépassant votre HP restant, tant que l'affichage des HP n'atteint pas zéro, vous pouvez continuer à agir. Si vous récupérez avant que les HP n'atteignent zéro, vous ne périrez pas, et la diminution des HP s'arrête à la fin du combat. Ce système permet d'élaborer plusieurs stratégies: même après avoir subi des dégâts fatals, choisir de ne pas se soigner et saisir rapidement des commandes pour vaincre les ennemis avant que les HP ne s'épuisent; quand vous vous soignez, attendre que la rotation du se termine avant d'entrer de nouvelles commandes pour gagner plus de temps en cas de coup fatal , etc. Grâce à ce système, même un personnage lent peut par exemple tirer avantage du délai d'action (par exemple, Ness agit souvent tardivement, mais a de nombreuses occasions d'annuler les dégâts mortels grâce à la récupération des HP).
Un nouveau paramètre entre aussi en jeu : le « Guts » (Courage). Un score élevé dans cette catégorie augmente non seulement la probabilité d'infliger un coup critique (SMAAAASH!), mais augmente également les chances de survivre avec 1 HP après avoir subi des dégâts mortels.
Liberté restreinte et frustrations d’exploration : retour critique sur le second opus
S'il n'y avait pas de comparaison possible avec le premier épisode aux Etats-Unis, les joueurs japonais ont malgré tout émis quelques remarques constructives, aussi bon le jeu soit-il. Sur Famicom, la majeure partie du terrain était un vaste monde ouvert et continu, alors que sa suite divise clairement les zones par des routes ou des tunnels en fonction du scénario. En résulte une impression d'étroitesse comparée à l'opus précédent. La progression du scénario est également strictement linéaire, ce qui restreint la liberté de mouvement dans les zones explorables. Par conséquent, par rapport à d'autres RPG contemporains ou au jeu précédent, ce titre offre une liberté réduite tant au niveau du scénario que de l'exploration. Cela a déçu certains joueurs, surtout ceux qui appréciaient la liberté offerte dans le milieu de l'histoire du premier jeu, où il était possible de voyager en train à travers le monde.
Autre point négatif, certains ennemis dans le jeu peuvent voler des objets du joueur de manière définitive. Cela peut être frustrant, surtout lorsqu'il s'agit d'objets rares ou irremplaçables, comme le "Magic Truffle" qui restaure 80 PP, mais qui est limité à seulement six exemplaires dans tout le jeu. Ou encore certains objets comme l'épée spéciale de Poo qui sont si rares et difficiles à obtenir que de nombreux joueurs terminent le jeu sans les avoir trouvés, ce qui est d'autant plus regrettable qu'il s'agit de l'arme la plus puissante de Poo.
Conclusion
MOTHER 2 est un jeu qui, reste une œuvre d'art dans l'univers vidéoludique. Ses innovations narratives et son système de combat ingénieux compensent largement les quelques frustrations liées à la progression et à l'exploration. Les choix artistiques, tant au niveau des dialogues que de la musique, enrichissent l'expérience et plongent le joueur dans un univers unique, où chaque détail compte. Même si certains aspects peuvent dérouter ou frustrer, l'originalité et l'audace du titre en font un incontournable, surtout pour ceux qui souhaitent s'immerger dans un monde à la fois surréaliste et profondément émotionnel. MOTHER 2 continue d'influencer des générations de joueurs, et son héritage perdure dans l'histoire des jeux vidéo.