Je viens de terminer Earthbound aussi connu sous le nom de Mother 2, un super JRPG de l'époque de la Super Nintendo.
C’est un RPG au tour par tour assez classique dont la mécanique peut même paraître désuète pour l’époque de sa sortie. Mais aborder Earthbound sous le seul angle de ses mécaniques ou sous le seul aspect technique, c’est se priver à mon sens du véritable génie de ce jeu.
Vous souvenez-vous lorsque vous étiez gamin ? Lorsque la moindre faille dans le sol cachait un alligator près à vous sauter dessus, que le moindre roquet se transformait en féroce cerbère, que des monstres sanguinaires se cachaient dans votre cave ou vous attendaient dès que la pénombre envahissait les rues, que le moindre objet du quotidien pouvait subitement prendre vie et vous attaquer sauvagement, que vous et vos amis partiez en croisade contre des extraterrestres, ou qu'un chemin serpentant entre les arbres menait directement à l'ère des dinosaures ou dans une contrée fantastique peuplée d'êtres issus des légendes?
Et bien Earthbound, c'est un peu rentrer dans ces délires de gosses en les prenant au sérieux. Mais y-a-t-il au monde quelque chose de plus sérieux que les délires de gosses au fond?
Earthbound, c’est utiliser ce délire pour créer un univers de fantasy débridé mais cohérent dans lequel le joueur jouera à être un enfant joueur à nouveau.
Earthbound, c'est un univers bien souvent surréaliste et des personnages incroyablement attachants évoluant dans des années 199X qui ressemblent à un mélange fantasmé entre les eighties et les nineties dans un monde moderne étrange qui aurait de vagues airs de famille avec un univers à la Toriyama marié à un pastiche des USA vu à travers le filtre du regard Nippon.
C'est un récit initiatique qui parle de l'enfance en la voyant peut-être telle qu'elle doit être vue: une longue histoire, assemblage invraisemblable d'éléments disparates formant un patchwork sans queue ni tête, jusque dans les souvenirs que nous en gardons, véritable bric à brac de l'imagination libre et décomplexée au travers de laquelle chacun a surement vécu les aventures les plus épiques de sa vie.
Car avouons-le, la réalité du plus aventureux d’entre vous ne pourra se mesurer aux aventures que peut vivre un simple enfant marchant dans la rue en essayant d’éviter les coulées de lave risquant de l’engloutir, ou bondissant de fauteuil en fauteuil à l’assaut d’un vaisseau pirate, où les risques que prends le brave astronaute en explorant les jungles de verre de Xorgo42 tout en évitant la race ratatinée de géant qui surveille les plantations (en gros s’introduire dans la serre de grand-père et grand-mère sans se faire gronder).
Bien sûr comme tout récit initiatique, Earthbound décrit un moment important de transition qui marque la fin de l’enfance et le commencement d’autre chose. Et si Ness (le héros du jeu) n’est plus tout à fait un enfant à la fin de cette aventure, il lui reste toutes ces photos qu’il peut regarder avec sa mère et qui le ramèneront vers ces souvenirs qui lui seront toujours chers .
Earthbound est déjà une immense réussite du genre à placer parmi les cinq meilleurs JDR de la Super Nintendo en ne le regardant que sous le simple angle d’un JRPG abouti au gameplay sans cesse amusant, proposant plus de trente heures d’aventure par moment difficile sans grinding excessif, bourré d’humour cinglant, de satire sociale, et de moments mémorables ; mais ce jeu à travers les risques scénaristiques qu’il prend, l’originalité de son univers, les multiples bizarreries dont il s’affuble et semble tirer de la fierté, les thèmes profonds qu’il brasse parlant aussi bien d’identité, de perte, de la mémoire, de la nostalgie, de la manière dont on doit trouver sa place dans le monde, dépasse sa condition ludique pour devenir un objet poétique, mystérieux(la figure de Gygas en soi qui peut être soumise à des tonnes d’interprétations) et par moments simplement poignant.
Un chef d’œuvre du genre qu’il vous faut absolument jouer si vous aimez ne fut-ce qu’un peu les jeux-vidéo et le genre du JRPG en particulier.