J'aime sincèrement la série des Dark Souls de From Software.
J'ai aimé le premier pour son level design, ses ambiances, sa narration dissimulée, pour ce qu'il demandait au joueur de détermination pour en venir à bout. J'ai aimé son final, magnifique conclusion d'un protagoniste et de notre propre personnage.
Je n'ai pas encore eu le loisir d'aimer vraiment le second, n'y ayant que peu joué, mais gratifié d'un système de combat plus amusant.
J'ai aimé le troisième tant et si bien qu'il m'arrive encore de vouloir le redécouvrir, dans sa direction artistique moins grandiose que le premier, mais plus soignée. Dans son système de combat qui enlève cette lourdeur qui me faisait pester, dans ses affrontements de boss galvanisants, dans son offre de perpétuel recommencement donnant le gout de l'absurde, avec pour seule défense notre volonté.
Chose surprenante, j'ai attendu Elden Ring. Je ne crois jamais avoir attendu un jeu. J'ai zyeuté la beta, avec un gout de déception : " Dark souls 4 en 2022 ? " me demandais-je. Le troisième opus était synonyme pour moi de l'ultime estocade de la formule, bien qu'elle soit habillement renouvelée à chaque itération.
Il serait audacieux de soutenir que Dark Souls n'invite pas à l'exploration. Je dirais même qu'elle la provoque. Sans musique, sans objectif clair, sans partenaire défini dans l'adversité, sans quelconque compassion pour ses joueurs, Dark Souls nous rend minuscule dans des environnements inconnus et très souvent hostiles. Un couloir avec des squelettes peut nous résister des dizaines de fois par ses pièges, par notre impatience, par les dégâts qu'infligent les monstres. On peut s'égarer dans un château une plaine ou une grotte tant la solitude s'étire. Pourtant Dark Souls, dans l'opposition dans laquelle il nous enferme, nous force à aller voir si derrière cet arbre, il n'y a pas un objet qui pourrait améliorer notre condition. Si en battant ce chevalier en armure, nous trouverons plus de tranquillité, si en empruntant ce chemin, nous trouverons bientôt un feu de camp. Parce que Dark souls ne cesse de menacer notre avatar, nous sommes réduits à lutter et c'est dans cette lutte que l'exploration gagne ce qu'elle perd dans d'autres jeux, le risque de tout perdre et la démesure. Derrière cet arbre se trouve peut être 3 ennemis, le chevalier occis peut n'être qu'une simple préparation à ces nouveaux bretteurs, tandis que le chemin peut vous éloigner de votre prochaine halte. Reste malgré tout une constance : Dark Souls est un monde certes vaste, mais restreint. Les murs, les zones bien reliées mais fermées, les boss comme pinacles de vos malheurs... Tout début est rude, mais chaque partie a sa fin.
Qu'arrive-t-il alors lorsque nos mains se posent sur Elden Ring ? Premier constat de ma part tant le sujet est abordé : le jeu est effectivement plus accessible. Tout du moins l'est-il dans ses combats, tant les options sont possibles pour livrer une performance différente. Quant au reste, Elden Ring joue la carte de la supercherie. Dark Souls nous confrontait, mais offrait une échappatoire, des temps de repos avec des limites palpables de son monde. Elden Ring balaie ces anciennes limites. Nécrolimbe, le premier environnement du jeu, m'a demandé la moitié de mon temps de jeu pour finir Dark Souls 3 (40 h). Les ruines, les royaumes, les montagnes, les falaises, les océans n'ont jamais été aussi majestueux et imposants. Les étendues terrestres ne cessent de vous rappeler à quel point appartenir à l’espèce humaine n'est que peu d'importance, à quel point l'exploration exige de laisser l'inconnu vous saisir. Filez tout droit, chevauchez au galop, rasez les murs, zigzaguez, placez des repères sur votre carte, déployez tous les efforts que vous jugerez utiles... En vain. La nature et les constructions humaines submergeront vos planifications. Elles se succèdent, s'imbriquent pour vous plonger dans d'éternels questionnements. Ai-je bien fini d'explorer cet endroit ? Ai-je découvert ce qu'il y avait à obtenir ? N'ai-je pas manqué un adversaire qui par sa mort, me récompensera d'un bel artefact ou d'une magie ? Dois-je venir à bout de tous ces géants pour avancer dans l'aventure ? Qu'y a-t-il après ? La négation et l'ignorance comme réponses, en boucle, comme les cercles qui servent d'illustration à la franchise Dark Souls et maintenant à Elden Ring.
Alors que le combat et l'exploration s'unissaient pour nous donner un sommet à gravir, la liberté vient s'ajouter et le retire. Rien ne vous empêche de courir dans la direction qui vous sied, rien n'entrave votre monture si ce n'est les gigantesques rochers et les hauts murs. Perdez et abandonnez contre un boss pour revenir plus tard, lassez-vous de Nécrolimbe pour partir ailleurs. "Plus tard" et "ailleurs" sont devenus des injonctions. Perturbatrices et inaltérables.
Les recettes de Dark Souls restent et les nouveautés d'Elden Ring les embellissent, les enrichissent. Une nouvelle fois seul face et contre le monde, le combat demeure nécessité. Et si la liberté vous prend, soyez-prêts. Car celle-ci est grisante, elle suscite l'addiction, mais elle ne finit jamais de vous demander quelle sera votre prochaine destination.
Elden Ring est un jeu qui ne dévoile sa qualité que lorsqu'on accepte sa perdition. Immense, beau, mais invariablement austère, Elden Ring est écrasant. Épuisant de chemins à arpenter, de cavernes à explorer, d'opposants à défaire, de cités à visiter. La liberté ? Quel généreux fardeau, en somme...
Ps : les discussions en commentaire proviennent en grande partie du fait que j'avais qualifié le jeu de "plus facile" et non de "plus accessible".