L'annonce en 2019 d'Elden Ring, comme toutes les annonces From Software depuis la nuit des temps, m'en a touché une sans faire bouger l'autre. Et c'est à peine si le nom de GRR Martin m'a fait lever un sourcil, tant il ferait mieux à mon humble de finir ses romans entamés plutôt que de se perdre dans des projets farfelus. Enfin il faut me comprendre, la licence des Souls ne m'a jamais attiré, et ce n'est pas la partie de ma chérie sur le 1 sur PS3 qui m'a donné le déclic : personnage rigide, décors sombres, ambiance déprimante... mais quel ennui quand on est habitué aux jeux réactifs et plus ou moins colorés des jeux d'aventures concurrents. Sans compter cette fameuse difficulté mise sur un piédestal par toute la communauté, que je soupçonnais plus de résulter d'une jouabilité façon hippopotame que d'un équilibrage soigné.
Enfin bon, j'étais bien parti pour snober le titre quand patatras, une fois de plus je fus trahi par ladite dame, qui petit à petit s'est faite hyper, puis a testé, puis m'a carrément offert le jeu car vous comprenez, "tu vas adorer crois moi hi hi hi". Allons bon. Encore une victime de Canard PC.
*Profond soupir*
C'est donc le coeur lourd d’appréhension que je lançai un jour Elden Ring.
Et nom d'un chien, qu'est-ce que j'avais raison !
On va me traiter de gros noob et tant pis, mais d'un autre côté, techniquement, il s'agit bel et bien de mon premier Souls, donc j'ai le droit. Prenez donc bien conscience que ceci est l'avis d'un novice sur ce style de jeu, il ne s'adressera donc en priorité qu'à ce type de lectorat.
Commençons donc par ce qui pique en premier à la prise en main de ce jeu : le gameplay. Comme attendu (malheureusement), nous commençons par jouer un personnage poussif, qui donne des coups d'épée poussifs, fait des roulades poussives, lance poussivement des sorts tout en buvant poussivement ses -rares- potions. Tout est normal me dit-on à l'oreillette, puisque le but du jeu, finalement, ne consiste qu'à décrypter les patterns des boss, pour y trouver les fenêtres de tir (ou de soin) et ainsi les vaincre. Le petit souci à ce jeu-là, c'est quand on a la désagréable impression d'être la seule personne à mobilité réduite de toute l'Entreterre, perdue au milieu d'un régiment de lutteurs marathoniens gymnastes olympiques qui seraient en plus à leurs heures perdues des snipers d'élite, tout en pratiquant la divination s'il vous plaît (c'est fou le nombre de prises de potions cassées PILE POIL quand on appuie sur le bouton, quelle coïncidence incroyable). Côté arc ce n'est guère plus reluisant : là où n'importe quel autre jeu te dirait d'appuyer sur un bouton pour activer l'arc et un deuxième pour tirer, là il faut d'abord activer la main qui le porte, puis sortir l'arc de sa poche puis attendre une heure pour bander l'arc avant d'enfin, si l'ennemi le permet, voir sa petite flèche partir. Il existe cependant une astuce pour tirer plus vite : le faire en sautant. Ne cherchez pas une logique quelconque, mais tirer en bondissant est beaucoup plus rapide qu'en gardant les pieds au sol. Bon. J'ai choisi un gameplay plutôt axé furtif / distance, donc dague / arc. Ça a fonctionné bon gré mal gré, jusqu'à ce que je tombe sur une épée plus ou moins cheatée, qui m'a fait un peu plus bourriner dans le tas comme un sale. Il semblerait d'après les retours que les decks de mage soient plus simples à gérer et plus puissants sur le terrain. Dommage pour moi. Poussivité également en cheval : si sa navigation est plutôt correcte (exceptés les demi-tours), les hitbox pour looter sont d'un chiant ! Scénario classique : on tue quelqu'un, le bouton est actif 1/100e de seconde, on fait demi-tour tel un semi-remorque, on est sur le loot mais rien ne se passe, il faut attendre une looongue seconde sans bouger pour que le bouton daigne s'activer, et enfin on peut récupérer. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour qui a besoin d'os de mouton pour fabriquer ses flèches ça veut dire beaucoup (car oui, ce loot n'est pas vendu en magasin, évidemment).
Toujours dans le pratico-pratique, je tiens à souligner l'extrême sobriété, pour ne pas dire l'austérité, de tout ce qui touche à l'interface. C'est carré, c'est froid, c'est fouillis, c’est désagréable. La description des objets est souvent nébuleuse, on ne connaît pas trop leur utilité (à quoi diable peut bien servir cette "réminiscence de grâce" ?). On ne sait pas si c'est important, ou pas. Je n'ai pas honte de le dire, je n'ai pas utilisé plus de 10% de tous les items proposés par le jeu. Parfois parce que je les trouvais inutiles. Souvent parce qu'ils m'étaient complètement nébuleux. Régulièrement parce qu'ils étaient trop rares pour gaspiller. Et c'est un des soucis du jeu à mon sens : beaucoup de contenu proposé, mais aucune pédagogie nous encourageant à l'explorer. J'ai personnellement ressenti une sensation d'étouffement devant ce trop-plein. Mon envie d'essayer était noyée. Ajoutez à cela un personnage axé sur la non-magie, lorsque que 80% des items offensifs / défensifs sont axés magie, et vous aurez la cerise de lassitude sur le gâteau de mon indifférence.
Le multijoueur. *Tousse, tousse*. Dans un jeu solo.
Le cancer du jeu vidéo moderne que l'on pensait derrière nous après les échecs que furent les tentatives Bioshock, Tomb Raider ou encore Batman Arkham. Elden Ring en propose pourtant un relent dispensable : la possibilité d'envahir la partie d'un autre, et donc également celle de se faire envahir gratuitement par autrui. C'est vrai qu'on n'a que ça à foutre dans un open world de 10000 heures. HEUREUSEMENT, il existe la possibilité de jouer offline : youpi ! MAIS le jeu te trolle quand même avec des fausses invasions ingame, juste pour faire semblant et faire chier quand même le joueur. C'est tellement débile et inutile qu'au début, j'ai réellement cru que le mode offline n'avait pas été pris en compte mais en fait si : hi hi tu te croyais à l'abri mais en fait non. Hilarant. A noter au passage qu'une bonne tripotée d'objets sont bien entendu liés à ces invasions. Que de choses utiles dans un inventaire qui n'était déjà pas assez bordélique comme ça. Items dédiés, faux joueurs, fausses situations... tout cela est bien artificiel. Heureusement qu'il existe un mode hors ligne, car se faire envahir au hasard par n'importe qui m'aurait fait abandonner je pense. Le jeu est déjà bien assez rude sans qu'un cheater OP nous fasse perdre nos précieuses runes pour rien.
Je vais donner l'impression de m'acharner alors je vais survoler le reste, mais quid de toutes ces mécaniques étranges (un château vide qui se remplit de soldats une fois le boss tué, des dragons disparaissant en plein combat : ?), de ces injustices diverses (hitbox pourrie qui fait planter les flèches 20 cm au-dessus des rambardes ou qui ne valide pas les headshots à cause d’un bouclier pourtant en dessous de la trajectoire de la flèche, énigmes pas logiques, boss qui tapent à travers les murs...).
Allez, un dernier reproche et je m'arrête là : la taille de la map. Un brin trop grande pour le contenu proposé, elle ne peut sur la durée cacher un recyclage de bestiaire de plus en plus pressant sur le derniers tiers du jeu. A noter également la présence d'une zone entière n'ayant pas du tout sa place dans le jeu : doublon avec une autre zone + tempête perpétuelle qui cache la vue = 0 plus value artistique (mais ennui en masse, par contre).
Bref : pourquoi y passer 345h de ma vie ?
Pour le voyage pardi : on va pas se le cacher, les paysages sont magnifiques. Les décors sont créatifs. Les ouvrages sont impressionnants. Les ambiances sont travaillées. Inutile de développer cet aspect, aucun mot ne rendra justice au boulot des artistes sur ce point. A noter que Elden Ring est ce qui se rapproche le plus à ce jour d’un héritage compris et restitué de Zelda BOTW, dans sa définition de la liberté et du cheminement possible du monde.
Pour le bestiaire également : bien que ponctuellement discutable (les chats-sphinx WTF), les petits, moyens et grands ennemis ont quand même une sacrée gueule. Vagabondant allègrement sur le spectre allant du classieux au grotesque, le design des monstres sait régaler les yeux tout en troublant les esprits, au point de nous rappeler les meilleures heures de l’inénarrable Berserk. Les classiques dragons et zombies côtoient les pires abominations faites de chair et d'organes disgracieux, surnuméraires, mais tellement fascinants.
Pour le lore enfin : très cryptique, mais plutôt amusant à tenter de décrypter. Même si la ficelle des 50 surnoms pour chaque personnage est un peu grossière, à la longue. Et que peu de personnages sont réellement attachants, en fait.
Pour conclure ce texte déjà trop imposant, je vais parler de Hollow Knight. On définit souvent HK comme un Dark Souls en 2D, mais pour le coup je trouve qu'en réalité il s'en sort mieux : plus accessible dans son approche, sans noyer le joueur sous une tonne d'items, il répond au doigt et à l'oeil pour notre plus grande joie. On n'accuse jamais le jeu dans HK, alors que c'est souvent le cas sur cet Elden Ring.
Je ne peux donc que timidement recommander ce jeu, qui est vraiment à proposer à un public averti. De celui qui saura passer outre les cailloux dans ses chaussures, le manque d'eau dans sa gourde et le poids trop élevé de son sac à dos, pour se laisser émerveiller par la beauté des paysages et la prestance des animaux croisés lors de sa randonnée.