De la conscience écologique dans l'univers vidéoludique

Nous sommes dans une ère sombre. Les prophètes de la fin du monde, encore regardés avec circonspection au début du XXème siècle, ont maintenant pignon sur rue: leurs convictions sont relayées par les médias et discutées par les hommes politiques entre deux séances de l'Assemblée Nationale, elles sont débattues et converties en actions aussi bien par leurs tenants que par leurs détracteurs, bref, elles sont partout.
La différence, c'est qu'on ne croit plus que tout finira en un instant, après qu'un indexe tremblotant et maladif aura appuyé sur le gros bouton rouge et précipité sur nous, pauvres mortels sans défense qui n'avaient rien demandé à personne, un déluge de feu nucléaire; non! L'homme croit désormais en une mort plus longue, plus terrible, un supplice à la hauteur de tous ses péchés, ses contradictions et son hypocrisie: le réchauffement climatique.


Il était inévitable que cette préoccupation qui, qu'on le veuille ou non, envahit quotidiennement nos pensées, se ressente dans notre production culturelle. Son impact est évident quand on voit le succès des documentaires de Yann Arthus-Bertrand ou Nicolas Hulot, celui des films catastrophes où la nature se rebelle (2012, Phénomènes), ou encore celui du récent Interstellar (pensez au point de départ du film). Cependant son influence est bien plus étendue que ça, car elle est même visible dans un jeu qui:
- ne se passe pas sur terre
- est un jeu de stratégie militaire (donc où on doit péter la gueule des autres, pas faire du tri sélectif)
- met en scène un monde médiéval (donc pas de pollution) fantastique (donc magie et animaux / plantes géants qui parlent)


Regardez la bande-annonce: https://www.youtube.com/watch?v=OsMa9EC3nf8
Quand on commence par des images de météorites et de grosses colonnes de fumée, avec une voix-off (qui est d'ailleurs celle de la planète elle-même) qui nous dit en substance "La fin est proche, il faut être myope ou climatosceptique pour ne pas s'en apercevoir", la problématique est quand même posée assez rapidement.


Effectivement, le jeu met en exergue ce compte à rebours, de façon assez subtile: les hivers sont de plus en plus rudes, les ressources de plus en plus rares, les peuples autochtones sont de plus en plus hostiles et de plus en plus forts, à l'image des amas de roches vivants qui apparaissent un peu partout sur la carte à l'approche de la fin.
Le dénouement de la quête principale -car oui, il y a des quêtes, même si c'est bien à un jeu de stratégie que l'on a affaire-


voit quelques élus quitter la planète à bord d'un antique artefact (qui s'avère être un vaisseau spatial) juste avant l’Armageddon.


Sous des dehors épiques et parfois humoristiques (si, si, cherchez bien), Endless Legend fait ainsi preuve d'un pessimisme essentiel. Cela semble cependant être une marque de fabrique des jeux d'Amplitude Studios, qui se passent tous dans le même univers et dont l'histoire se suit: dans Dungeon of the Endless, Auriga (la planète d'Endless Legend) est la planète où se crashe le vaisseau-prison (lui-même échappé d'Endless Space), dont les quelques survivants doivent parvenir sains et saufs jusqu'à la surface en affrontant des hordes de monstres, en mettant de côté leurs différents et en utilisant comme chair à canon les autres héros moins intéressants rencontrés lors du périple (admettez-le, on l'a tous fait). Cependant, s'ils finissent par atteindre la surface,


ils ne voient qu'une planète inhospitalière sans trace d'une civilisation annoncée, et réalisent donc non seulement qu'ils ne pourront jamais rentrer chez eux mais encore que leur combat pour la survie se poursuivra chaque jour de leur existence...


Au-delà de ces considérations d'ordre moral, Endless Legend est un excellent jeu, magnifique, facile à prendre en main même pour un novice mais très complet, et surtout très prenant. Les DLC sont vraiment bien (surtout Shadows), et l'édition complète à un prix abordable. Autrement dit, un must.


[Mise à jour: cette critique est d'autant plus vraie avec l'arrivée de l'avant-dernier peuple en date, sorte de nains masqués à la Miyazaki qui ne peuvent survivre que sur des régions volcaniques, donc inhabitables pour les autres peuples. Leur quête principale brasse donc réflexions sur l'impact environnemental de la technologie, le rapport à l'autre, etc.]

Ruhenheim
9
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le 5 janv. 2016

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Ruhenheim

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