S'il ne gagnera pas des concours d'inventivité ou même d'originalité, Enter the Gungeon reste un roguelite très prenant grâce à une approche nerveuse et appliquée du genre.
Avec son emphase portée sur les flingues et les tirs ennemis à esquiver, les joueurs auront tôt fait de classer le titre auprès d'un Nuclear Throne, mais pour ma part j'ai trouvé le flot des affrontements et le système de progression plus proches de Binding of Isaac. Chaque strate du donjon est composée de différentes salles reliées entre elles par des portes, afin d'en débloquer les accès il faudra éliminer l'adversité, présente dans la plupart des pièces traversées. L'influence du jeu d'Edmund McMillen se ressent dans cet impératif d'éliminer tout danger avant de déverrouiller les portes et de passer à la zone suivante, tout comme le fait que chaque partie est primordialement dépendante du RNG. Là où un Nuclear Throne impose des choix tactiques, quant au choix des flingues à garder et la gestion des munitions notamment, le Gungeon se veut un peu plus souple en laissant au joueur le choix de garder toutes les armes qu'il croisera sur son chemin.
Et c'est tant mieux, car des guns, il y en a dans ce jeu, jusque dans le titre même. Des plus classiques au plus farfelus, une grande partie du plaisir provient de la découverte d'une nouvelle arme de mort ou, au détour d'un lancer de dés favorable, le retour d'un petit chouchou dans notre inventaire (le M1 Garand <3). Histoire de mettre un peu plus de chances de notre côté, il est aussi possible d'obtenir des objets ainsi que des bonus passifs plus ou moins farfelus eux aussi. Avec son scénario abscons (la recherche d'un flingue capable de tuer le passé, génie absolu), le jeu se révèle très drôle, mais surtout très nerveux. On pensera volontiers à un twin-stick shooter, mâtiné cependant de bon gros éléments de bullet hell/manic shooter, avec une fluidité des mouvements absolument impeccable (le gros avantage des 60 images par seconde). Une roulade permet de profiter de quelques frames d'invincibilité ainsi que d'effectuer des sauts de fortune, du reste la survie du héros ne dépendra que de la capacité du joueur à aligner correctement les tirs tout en esquivant les 12 000 boulettes lancées dans sa direction. S'il est possible d'avancer prudemment, en utilisant les murs comme couverture, le jeu favorise un style à la John Woo (colombes non incluses) en débarquant dans une salle fusil à la main, roulant comme un tonneau jusqu'à la première table venue, utilisée comme une couverture d'appoint le temps de se rapprocher des ennemis et de leur décocher une salve à bout portant. Il n'est pas de bonheur plus simple que celui de renverser une table pour se protéger in extremis d'un projectile ennemi, et de voir que l'adversité de son côté fait de même, ne sortant sa tête que pour échanger quelques balles. L'IA est à ce sujet très surprenante, agressive mais pas suicidaire pour autant, juste ce qu'il faut pour surprendre le joueur et le mettre sous pression à chaque escarmouche, ponctuée de dizaines d'objets du décor explosant sous les impacts de balle. La classe à l'état pur.
Donc, Enter the Gungeon ne gagnera pas de médaille d'originalité. Il gagne cependant haut la main la palme du cool, avec son design pixel art trognon et tranchant radicalement avec la nervosité des affrontements. Et ce qu'il reprend de ses petits camarades, il le fait avec intelligence et révérence, non pas pour dénaturer l'idée originale du roguelite mais pour au contraire la valoriser avec tout un tas de bonnes idées (les coffres, la gestion de la carte et des points de téléportation, les secrets et raccourcis qui rappelleront volontiers Spelunky...). En conséquence, le syndrôme du "reviens-y" est très puissant avec celui-ci, puisque sinon une difficulté très élevée (nécessitant de bien s'accrocher à sa culotte pour atteindre le dernier niveau) et un apprentissage à la dure au début (l'un des nombreux charmes du genre), le jeu coche toutes les cases nécessaires pour se montrer addictif au possible. Affrontements burnés ? Check. Design réussi et varié ? Check. Maniabilité au poil ? Check. Musique classe et entraînante ? Double check (le Monsieur derrière les compositions c'est Doseone, qui avait déjà fait arrangé la très réussie musique de Heavy Bullets, comme de par hasard encore un autre rogueux dont Gungeon s'inspire fortement, sinon il était derrière le groupe de glitch-hop Subtle que je vous conseille fortement). Difficulté insane, avec l'envie d'y revenir "juste pour une dernière" ? Triple check.
Si vous êtes en manque d'adrénaline et que vous n'avez pas prié sur l'autel du Random Number God depuis un certain temps, voilà l'occasion idéale pour une bonne piqûre de rappel.