Fan de New Vegas et amateur très relatif des Fallout de Bethesda, j’ai depuis longtemps été intrigué par l’opus fondateur. J’y avais joué une première fois il y a des années, sans accrocher suffisamment. Plus de cinq ans après, je me suis décidé à donner une seconde chance à Fallout premier du nom.
Cette nouvelle partie a failli tourner court, à cause de 2 bugs consécutifs me forçant à reprendre une sauvegarde bien antérieure. Il n’y a pas que les bugs qui m’ont dérouté lors du début de cette aventure : mes propres attentes ont aussi joué contre moi. Celui dont j’avais toujours entendu dire qu’il était l’un des meilleurs RPG de tous les temps se révélait bien moins riche en options de dialogue et choix que ma référence, New Vegas. Fallout est même un peu linéaire, par le placement des villes, qui prévoit qu’on les explore dans un certain ordre, et le manque de réactivité des dialogues dans le cas où l’on avance dans un ordre auquel le jeu ne s’attend pas. S’il fallait résumer les défauts de Fallout en un mot, ce serait : rigidité. D'abord dans l’inventaire, qui liste péniblement les objets, 6 à la fois, en une colonne verticale peu pratique. La rigidité frappe encore dans les déplacements. Les portes automatiques, à rouvrir à chaque passage, sont parmi les ennemis les plus énervants du jeu. Nos possibles compagnons de voyage perdent une partie de leur charme quand on doit attendre pour la 50ème fois qu’ils se poussent d’une porte afin de passer.
Ces défauts peuvent faire fuir les novices. Pour mieux appréhender à quoi se préparer, la comparaison à une partie de jeu de rôle sur table me semble une bonne piste.
Une partie de JDR ne fonctionne que si les joueurs s’investissent et contribuent. Bien que le MJ soit là pour les aider et encadrer, c’est eux qui doivent penser à utiliser leurs compétences lorsqu’elles peuvent se montrer utiles. Leur inventivité doit être récompensée, que ce soit par des points d’expérience, de l’équipement ou de la narration. C’est à l’ensemble de la table de faire preuve d’imagination pour se représenter le monde dans lequel se déroule l’aventure. La liberté est grande, mais un bon MJ sait en partie orienter en partie ses joueurs dans la direction qu’il veut, sans que ceux-ci ne s’en rendent compte.
Tout ce que je viens de dire correspond à Fallout. Oui, c’est un jeu qui peut paraître à la fois limité et intimidant aux non-initiés (comme le JDR papier encore une fois), mais ces derniers peuvent se rassurer en sachant qu’ils seront entre les mains d’un bon MJ.
Bien sûr, Fallout n’est pas un jeu de rôle sur table, et sait user des spécificités de son médium pour une immersion excellente. L’écriture est à la fois excellente en termes de world building et de personnages, cherchant la crédibilité dans les deux. Il est, par exemple, très facile de fâcher (accidentellement ou non) les gens qu’on rencontre et d’avoir une ville à ses trousses, ce qui enseigne à prendre cet univers au sérieux. Les personnages s’inscrivent dans des cités toutes mémorables par leur ambiance. Chacune montre un autre stade de reconstruction, une autre possibilité de société. Les points d’intérêt sont d’autant plus réalistes qu’ils sont interconnectés, chaque lieu permettant, en y discutant, d’en découvrir d'autres. Mais l’élément qui achève de rendre ces pôles tangibles, c’est notre capacité à les modifier. Notre passage permet toujours de laisser un impact, positif ou négatif. La cinématique de fin, nous informant du futur des différentes zones, atteste qu'on a laissé une trace sur ce monde, mais aussi qu'il existe en dehors de notre héros.
Si j’ai pu parler de linéarité, celle-ci disparaît face par l’impressionnante richesse de Fallout en détails et secrets, que chacun trouvera en ordre et nombre différent. Ajoutez les effets de nos choix en matière de création et d’évolution de notre personnage, et chacun aura droit à sa propre aventure.
Pour donner un exemple, je ne m'attendais pas, ayant choisi d'incarner un personnage féminin, à pouvoir m'enquérir d'un éventuel machisme parmi la Confrérie de l'Acier auprès d'une de ses paladines.
Tous ces constituants sont d’autant plus efficaces qu’ils sont enrobés dans une ambiance solide.
La cinématique d’introduction, simplement parfaite, pose un ton et le jeu entier s’y tient. Si Mad Max 2 et la vague de post-apo 80’s qu’il a inspiré ont droit à des clins d’œil, Fallout ne s’inscrit pas dans leur lignée d’aventures héroïques aux enjeux simples : il crée un nouveau genre par le mélange de plusieurs d’entre eux. Le monde d’avant l’apocalypse n’existe que par bribes, par ruines dont la signification a été perdue.
La violence extrême des combats n’est pas tant un argument de fun, comme l’a interprété Fallout 3, mais plutôt un moyen de marquer leurs effets destructeurs. Les fusils à pompe arrachent des morceaux de chair, les victimes d’un lance-flamme se débattent vainement, la cible d’un laser est coupée en deux, le plasma calcine les corps, et les rafales d’armes automatiques les réduisent en charpie. On peut toutefois y trouver un sentiment de puissance lorsqu’on se retrouve face à des groupes de pillards avec un équipement de fin de partie mais aussi un certain choc face aux cadavres, en plus ou moins mauvais état, qu’on laisse derrière soi.
Pour autant, Fallout est loin d’être un jeu déprimant : l’humour est omniprésent. Sarcasme et ironie règnent dans les dialogues, que ce soit ceux des PNJ ou de notre propre personnage, voire dans les descriptions de l’interface. Mais l’angoisse et la mélancolie demeurent en toile de fond. D’abord par la superbe bande-son, et aussi avec la quête principale.
La recherche de la puce électronique d’eau, motif de l’aventure, est une quête d’autant plus intéressante que sa résolution ne nous est pas offerte sur un plateau, en suivant tranquillement un marqueur sur la carte. C’est un bon moyen, encore une fois, d'investir le joueur dans l’univers du jeu. En parlant aux diverses personnes que l’on rencontre, à la recherche de cette puce, on finit forcément par se retrouver embarqué dans des aventures secondaires. Le compte à rebours au-delà duquel notre abri s’éteindra assure qu’on n’oublie pas pour autant la raison principale du voyage, et maintient une menace. Au risque de minimiser celle-ci, mais pour rassurer les nouveaux joueurs, sachez que ce délai est généreux, à condition de faire un minimum attention.
Le second acte de Fallout est tout aussi stimulant. La puissance des super mutants nous force à explorer encore, afin d'augmenter la qualité de notre équipement, et éventuellement de mettre la main sur la tant convoitée armure assistée. On se retrouve seul rempart d'un monde qu'on vient de rencontrer, face à un virus, poison de l'ancien monde donnant au changement des bases malsaines, empêchant un nouveau départ sain. Pour le vaincre, on s'enfonce dans les ténèbres de la base militaire et de la Cathédrale, par la force ou par la ruse, quitte à assister à la mort quasi-inévitable de nos compagnons, grillés par un champ de force ou broyés par le minigun d'un super mutant. La fin de Fallout est exactement ce que j'attends de la conclusion d'un RPG : une ultime mise à l'épreuve de nos compétences guerrières, techniques et diplomatiques, à approcher selon nos spécialités. Le Maître est un excellent antagoniste, qu'on vainc sans triomphe : c'est un personnage tragique, qui a désespéramment voulu croire qu'il pouvait, par la violence, apporter la paix au monde. Mais notre protagoniste est là pour lui rappeler que la guerre ne change jamais. Contrairement à nous. C'est pour cela que le superviseur de l'abri 13 refuse de laisser rentrer cet élément perturbateur.
Quelle superbe conclusion pour un RPG ! Elle manifeste qu'à la fin de notre aventure, on n'est plus la même personne qu'à notre départ.
En attendant un éventuel remaster, fourni avec des améliorations graphiques, des options de qualité de vie et du contenu coupé finalisé, je recommande à ceux qui seraient tentés par ce jeu d’installer un patch crée par la communauté. Deux autres conseils : sauvegardez souvent et dans plusieurs emplacements, et mettez la vitesse de combat au max.
Bref, je suis content d’avoir persisté malgré un début rugueux, car Fallout est une aventure brillamment écrite, ainsi qu’une véritable leçon sur comment susciter l’engagement du joueur. Avec peu, il a su installer un univers original et fascinant, qui demandait à être approfondi.
Hâte de jouer à Fallout 2 ! (avec un patch de la communauté, quand même…)