Il ne restait plus d'argent pour trouver un scénariste
Alors que la presse et les joueurs se préparaient depuis des mois à se lancer des pavés dans la tronche en attendant l'inévitable duel Doom 3 – Half-Life 2, Far Cry est arrivé tel un cheveu sur la soupe, devançant les deux favoris de quelques mois et réussissant à leur voler temporairement la vedette, en grande partie grâce à ses îles paradisiaques, promettant de folles escapades en deltaplane et en jetski après une rude journée de chasse au mercenaire et de lancer de couteaux.
Et putain, c'était beau.
La droite visuelle était bel et bien au rendez-vous, avec une végétation dense et convaincante, ployant sous nos pieds et prise en compte par l'IA, et un rendu de l'eau tout simplement sublime. Il ne s'agissait plus ici d'une simple texture semi-transparente : il y avait le mouvement des vagues, des reflets, des effets très convaincants en plongée, et même une faune aquatique.Cerise sur le gâteau, l'intégration de Havok (qui avait ses faiblesses, on se souvient encore des ragdolls aux positions ridicules, mais c'était déjà mieux que des cadavres statiques en lévitation), permettant une gestion plutôt poussée de la physique et une destruction partielle et plus ou moins réaliste du décor. Seul l'équipement n'était pas pris en compte, flottant maladroitement là où on l'avait laissé.
L'IA était également plutôt impressionnante pour l'époque, réagissant au bruit, communiquant et se dispersant pour chercher le joueur, capable de piloter les véhicules et de reprendre sa patrouille en attendant ses acolytes… même s'il suffisait de lancer un caillou pour éloigner un garde, on était tout de même loin du vide de Doom 3 farci de scripts.
Le constat général était par contre moins reluisant. Les gunfights étaient plutôt réussis, mais l'aventure perdait graduellement de l'intérêt, notamment à cause des trop nombreux niveaux en intérieur, linéaires à souhait et pauvrement conçus, et introduisant de nouveaux ennemis. Ces mutants à l'allure un peu ratée, assimilables aux créations d'un savant fou, allaient de pair avec la dégénérescence du scénario : ridicule et cheap. Sans parler du fait qu'une partie de ces machins bondissait pour attaquer au corps-à-corps, tuant sur le coup ou produisant un bel effet de flou inhérent à une blessure mortelle. Frustrant.
De plus, Far Cry n'était pas un monde ouvert, même si ses cartes le laissaient penser au premier abord. Choisir son angle d'attaque restait un plus appréciable (prendre un hors bord et contourner l'île, faire face et se trouver une position de sniper…), mais les options étaient en général assez limitées.
Il reste aujourd'hui assez peu d'arguments en faveur de Far Cry, surtout depuis la sortie du troisième opus, qui, malgré ses relents de Club Med et de missions annexes débiles, surpasse son aîné à tous les niveaux. Une belle prouesse de l'époque, qui ne donne malheureusement pas envie de s'y replonger.