Ubisoft a su investir avec brio une aire de jeu osée et trop peu prisée par l'industrie du JV, mais certainement la plus à même d'accueillir les attributs de la licence. Elle a clairement permis au studio d'offrir un titre plus immersif et brutal que jamais.
(Pays d'Oros, -10.000 av. J.C)
Nous voici dans la peau de Takkar, membre de la tribu des Wenja vivant sur les terres d'Oros, soit l'Europe centrale actuelle.
Seul survivant d'une session de chasse ayant viré au drame, il va se retrouver livré à lui-même face à monde délibérément hostile. Après une intro maison comme on les aime, intense et qui vous met dans le bain en un claquement de griffe, Il va être question de chercher à survivre face à Dame nature et autres tribus environnantes pour tenter de reformer son propre clan, et accessoirement devenir le maitre des bêtes.
Le scénario, classique mais dans l'esprit maison assume l'approche primitive. Exit la dimension psychologique aux petits oignons de Farcry 3, les hommes du mésolithique menaient une vie aux enjeux autrement plus primaires mais pas moins problématiques. Et souvent plus flippants.
Mention spéciale au monde d'Oros, simplement magnifique et immersif. Presque un personnage à part entière. Pour ceux reprochant la similarité de la map avec celle de Farcry 4, je pense que c'est un faux problème. On pourra toujours souligner la feignantise des développeurs mais le constat n'est possible qu'en superposant les deux cartes, une fois en jeu la ressemblance disparait.
Toundra, glaciers, cols enneigés, forêts denses, réseaux de cavernes... Varié, vivant et dépaysant, à la fois vertigineux et oppressant, le monde de Primal distille son lot d'ambiances propres. La gestion de la lumière et l'habillage sonore au top - b.o comme bruitages, comptent pour beaucoup dans l'immersion. Un craquement de feuilles à quelques mètres peut, et doit vous faire peur. Et en général il est trop tard.
La faune, menace première et permanente, occupe la place qu'elle mérite. Tout y est plus gros, plus rapide, plus agressif et plus dangereux, particulièrement la nuit (la torche devient alors votre seul alliée..). Et là pas question de quads ou hélicos pour espérer se déplacer en sécurité. Pour vivre il faut courir et vite. les sentiments d'immersion et d'accomplissement, après avoir ne serait-ce que survécu à un affrontement, s'en trouvent de fait décuplés. D'un autre côté, l'une des compétences clés du jeu consistant à apprivoiser les bêtes, l'idée d'un tigre-à-dents-de-sabre couvrant nos arrières prend du sens. L'approche réaliste du titre aura bon dos mais chevaucher un ours des cavernes ou charger un camps adverse à dos de mammouth ça ne se refuse pas.
Les ennemis venant du clan des Udam ou des Izila sont la deuxième menace. Nombreux, carrément violents et parfois surprenants, ils assurent des affrontements d'une brutalité d'une violence inédite. Et pompon sur la massue, l'IA est très correcte. A noter que les deux factions sont ici mieux développées qu'à l'ordinaire, dotées d'une personnalité, d'une culture, d'attributs et d'une histoire bien distinctes, mais toujours flippantes. D'un côté un clan primitif de consanguins cannibales en casi voix d'extinction, de l'autre une tribu high tech maitrisant culture, le feu, les armes et accessoirement la mise en esclavage. Chouette. (On soulignera ici le travail du duo de linguistes ayant littéralement recréé une langue indo-européenne pour l'occasion, +1 pour l'immersion et exit les problèmes de synchronisation labiale ;)
Dans tous les cas les affrontements sont montés d'un sacré cran en brutalité pure.
L'évincement logique des armes à feu offre des corps-à-corps plus dynamiques, intimistes et sanglants. On oublie vite les flingues, grenades et fusils d'assaut pour adopter sagaies, massues enflammées, lancé de gourdins et de ruches d'abeilles (extrêmement efficace). On notera aussi la présence de la griffe-grapin, héritée de Farcry 4. On côtoie l'anachronisme mais cela permet de profiter de la verticalité de la map.
Et s'il y a tout à portée de main pour être incité au défouloir (et c'est jouissif), la possibilité de l'infiltration demeure. Jet de pierre détournant l'attention, attaques de bêtes apprivoisées (privilégier le blaireau au mammouth dans ce cas), couteaux de lancé,... autant d'outils au service de la discrétion. L'arc, nec plus ultra ces temps farouches reprend son rôle central face à l'homme comme à la faune et l'instinct de chasseur (-cueilleur) chère à la licence revêt alors tout son sens. On notera d'ailleurs la présence d'une vision du chasseur et d'une chouette apprivoisée faisant office de drone. (AC Creed bonjour?) Pas très primitif comme approche mais la possibilité est donnée et demeure efficace.
Les mécaniques de loot et de craft restent incontournables pour l'amélioration/fabrication des armes, équipements et autres potions stimulantes, ou encore réanimer votre fidèle compagnon.
La récolte de ressources permet aussi de construire et améliorer votre village, un aspect nouveau et bienvenu qui amène un peu de chaleur humaine dans ce monde de brutes. Les personnages que vous y intégrerez au long du jeu offriront certaines situations cocasses, alloueront de nouvelles missions tout en octroyant des compétences uniques à mesure que vous améliorez leur huttes, et la vôtre.
La progression de Takkar passe justement par un arbre de compétences classique réparti en 6 branches. Equilibré et peu contraignant (-1 pour AC Valhalla ...) il permet de se concocter un Takkar casi sur mesure en l'adaptant au mieux à votre approche du jeu. Maitre des bêtes, barbare ultime, As de la chasse, pro de la survie,... tout est possible.
Clairement le chapitre le plus osé et brut de décoffrage de la saga.
Le sentiment de solitude et de danger permanent, l'appréhension de l'environnement pour lui survivre et la frontière toujours plus mince entre humanité et instinct primaire, caractéristiques chères à licence sont définitivement mises à l'honneur par le choix du cadre.
Rarement le frisson de passer de la condition de proie à celle de prédateur, et inversement, n'a été aussi poignant.
Preuve en est qu'il n'y a pas toujours besoin d'un scénario complexe, une durée de vie à rallonge ou un arsenal nucléaire pour apprécier un fps, dès lors que l'ambiance et l'immersion sont au rendez-vous.
Et si vous voulez parfaire l'expérience, commencez par désactiver la boussole, non-immersive au possible, régler le niveau de difficulté, et limiter l'usage de la vision de chasseur et des déplacements rapides. Alors vous prendrez pleinement conscience du quotidien précaire, brutal et incertain de nos ancêtres. Jouissif !