Far Cry Primal
6.3
Far Cry Primal

Jeu de Ubisoft Montréal et Ubisoft (2016PlayStation 4)

Ils sont passés maîtres dans l’art de proposer des aventures extrêmes dans des lieux propices au ravissement. Les studios d’Ubisoft Montréal opèrent cette fois un retour à une époque où l’homme n’était pas au sommet de la chaîne alimentaire. Far Cry Primal met le cap sur Oros, 15 000 ans avec J.C.


Juste une nouvelle pierre à poser à la suite de volets plus ou moins mémorables ? Pas sûr. Far Cry Primal tente de s’imposer comme le premier spin-off à la série initiée en 2004 par Crytek. Pourtant, tous les ingrédients semblent être réunis pour rester dans les clous. Environnement immense et luxuriant, un héros contre sa Némésis, et une tonne d’activités annexes à effectuer entre deux missions.


Plus qu’un spin-off à la série Far Cry, Primal se pose en pionnier, en instigateur. Chacun aura remarqué comme le genre FPS est propice aux cycles. On a eu droit à la seconde guerre mondiale au début du millénaire, puis avons vécu un glissement vers des conflits modernes durant la première décennie. Ubisoft Montréal fait fi de la mode du tout futuriste qui règne ces derniers temps et propose de combler les vides. Le mésolithique. L’âge de pierre. Une époque peu explorée dans notre média, et qui se révélera être une vraie découverte pour tout joueur qui s’essaiera à ce Far Cry Primal.



Un mammouth et un smilodon sont dans un bateau…



Oros. Ses contrées verdoyantes, ses collines escarpées, et ses prédateurs sanguinaires. Ce pays, que l’on pourrait situer aux abords de la Slovaquie actuelle, sera votre terrain de chasse dans Far Cry Primal. Takkar, votre avatar, se retrouve esseulé après qu’une chasse au mammouth ait mal tourné. Une course contre la montre s’enclenche alors. Trouver suffisamment de petit bois pour vous confectionner un arc, chasser quelques chèvres et vous sustenter devant un feu en attendant des lendemains plus propices à la découverte de votre nouveau foyer.


Far Cry Primal emprunte beaucoup à l’ambiance des jeux de survie qui fleurissent sur la scène indépendante PC. On découvre avec stupéfaction une nature rude, hostile. Ubisoft a pris grand soin de son environnement sonore, qui laisse entendre combien vous êtes minuscule dans l’immensité de la forêt. Une forêt qui fait quasiment office de personnage principal tant son apprivoisement est essentiel à votre progression. Magnifiquement mise en lumière par le Dunia Engine, qui fait une nouvelle fois ses preuves tant du point de vue visuel que technique (aucun ralentissement noté sur la version PS4), votre environnement sera aussi bien votre meilleur allié que votre pire ennemi.


« Pourquoi on meurt toujours ? » s’interroge un membre retrouvé de votre tribu, les Wenja. Une assertion un brin candide, mais qui fait écho à l’indicible violence tribale qui émaillera votre aventure à Oros. Pris en tenaille entre les barbares benêts du Nord, les Udam et leur colosse de chef Ull, et les peuples avancés du Sud qui vénèrent l’astre solaire, les Izila, il va vous falloir vous serrer les coudes. Aussi Ubisoft Montréal a-t-il introduit un système d’Housing qui, quoiqu’un peu limité, offre une jolie immersion dans la quête de rassemblement de votre personnage. Durant vos pérégrinations, vous serez amenés à libérer des Wenja retenus prisonniers, ou les défendre contre divers assaillants afin de les convaincre de rejoindre votre village et durcir vos rangs. Les différentes ressources que vous amasserez vous serviront également à améliorer non seulement vos armes, mais également les bâtisses de fortune de votre hameau.



Des mécaniques transposables



Le dépaysement ne vient que du cadre et de l’époque. Pour le reste, tout joueur ayant déjà touché à un Far Cry retrouvera ses marques. Vos déambulations dans le monde ouvert d’Oros vous mèneront à capturer des points d’intérêt, à prendre d’assaut des camps ennemis et à récolter des ressources naturelles pour améliorer votre équipement. On aurait pointé le manque d’originalité si ces mécaniques n’étaient pas extrêmement bien huilées. Le fait est que Far Cry Primal apporte effectivement avec lui une dose de nouveauté bienvenue. Si le joueur doit déposer ses armes à feu à l’entrée, il y gagne au change : Takkar est le maître des bêtes ; il est capable de dompter la faune d’Oros et de la plier à sa volonté.


Concrètement, vous acquerrez rapidement la faculté de dompter tout un panel de bestioles, du dhole le plus banal au tigre à dents de sabre, en passant par le blaireau ou l’ours des cavernes. Un total de 16 fiers représentants de la faune, dont chacun dispose de compétences propres. Le dhole ira dépecer lui-même les animaux que vous chasserez, là où le guépard marquera pour vous les animaux alentour sur votre carte. Des versions « rares » de certaines bêtes, comme le lion noir ou le loup blanc, disposent de statistiques améliorées. Un ajout de taille donc, qui permet de composer avec l’absence de gunfights. Reste que concernant le domptage, on aurait apprécié une difficulté graduelle à dompter certains animaux. Apprivoiser un ours patibulaire ne vous demandera aucun effort supplémentaire que mettre la main sur un blaireau. Une uniformisation de la démarche qui manque parfois de récompenser le joueur.


Heureusement, Ubisoft Montréal a hissé cette particule du gameplay au centre du jeu. Quelque chose de rassurant se dégage de votre acolyte à quatre pattes, a fortiori lorsque vous vous promenez en forêt, et que la seule présence d’un smilodon à vos côtés saura effrayer les prédateurs alentour. De la même façon que voir une troupe Udam se faire dévorer par un lion vous procurera un sentiment de satisfaction que la morale nous interdit de crier haut et fort. Du reste, les combats sont très nerveux, et sont rythmés par un arsenal forcément réduit, mais brutal à souhait. Le gourdin, la sagaie et l’arc constituent l’essentiel du râtelier de Takkar. Suffisant, d’autant que les deux armes au corps-à-corps peuvent également devenir des armes de jet, donnant lieu à quelques situations extrêmement cocasses. Comme lorsqu’un assaillant fond sur vous, et qu’un lancer de massue le stoppe net en lui brisant le crâne. Mais la morale nous interdit de crier notre plaisir à ça, évidemment.



Mise à nu



Pourtant Far Cry Primal est problématique. Problématique car sa narration est sans doute la cassure la plus brutale avec ses prédécesseurs. Depuis son second épisode, Far Cry s’attache à raconter le combat d’un homme, qui porte au combat les attentes d’une communauté d’opprimés face à une Némésis tyrannique. Ici l’ennemi est bicéphale. Udams et Izilas sont les deux faces d’une même pièce. Il serait aisé de voir en Ull et en Barati (la Guide des Izilas) des ersatz de Vaas ou de Pagan Min. Pourtant ces personnages sont manifestement moins réussis que leurs illustres modèles. Ils manquent de cette psychologie qui rendait chaque rencontre avec votre Némésis excitante dans Far Cry 3 notamment. La faute à l’époque, évidemment.


Dans l’ensemble, la narration de Far Cry Primal est décousue. Trop lâche, l’arc narratif ne parvient que très rarement à nous toucher. La faute à des problématiques plus prosaïques, probablement. N’oublions pas où nous nous trouvons. Ce Far Cry n’a pas de Primal que le nom. Le seul but de nos Wenja est de pouvoir subsister, et de cohabiter au mieux avec les tribus environnantes tout en continuant d’apprivoiser la technologie. N’y cherchez rien de plus.


Far Cry Primal est une expérience viscérale, qui ne libère son sel que dans de longues sessions de jeu. De petites parties où vous vous contentez de mener à bien quelques missions ne sauraient vous satisfaire. Le jeu libère son potentiel lorsque l’on s’y perd. Lorsque, planqué dans un buisson avec votre léopard, vous planifiez d’attaquer un mammouth majestueux sur une plaine cramoisie. Ou encore quand, en suivant le chemin tracé par quelques lucioles en pleine nuit, vous resterez coi devant un élan qui se repaît parmi les pins.


Far Cry Primal est une expérience moins évidente qu'il n'y paraît. Il est nécessaire de prendre le temps de découvrir le formidable monde ouvert que Ubisoft nous a concocté pour apprécier la tentative. La transposition de la recette à l'âge de pierre fonctionne à merveille, et le studios québécois a su trouver le parfait équilibre entre formule éculée et nouveautés salutaires. Ajoutons à cela un cadre ravissant et un effort de documentation exemplaire (une langue a tout de même été crée pour les besoins du jeu), et nous avons là un jeu qui fera date dans la licence Far Cry. Attention tout de même aux joueurs qui se revendiqueraient de "l'école du scénario". Ce spin-off a pour particularité de proposer une narration bien plus erratique qu'à l'accoutumée, ce qui pourra décourager les plus pointilleux.


Critque publiée sur hypesoul.com

Hype_Soul
7
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le 1 mars 2016

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Hype_Soul

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