Il est tard en ce dimanche soir. Le jeu est téléchargé, je décide de faire un essai d’une vingtaine de minutes avant d’aller dormir. La partie se lance, je fais la connaissance du petit personnage tout de rouge vêtu et qui ne semble pas avoir de nom. Rapidement nous abandonnons ce qui semble être son foyer et nous nous dirigeons d’un pas décidé vers cette drôle de machine entreposée sous des échafaudages un peu plus loin. Nous pénétrons à l’intérieur, explorons les lieux et découvrons les commandes de l’engin. Parmi les différents espaces présents, une sorte de chambre à coucher se situe au dernier étage. Visiblement la chose est destinée à de longs voyages. Après quelques minutes nécessaires pour tester un peu tout, nous poussons avec une pointe d’hésitation le piston de l’accélérateur. Le métal tremble, la machine se met en route. Ni une ni deux, la structure de bois s’écroule sous les secousses et nous voilà partis à bonne allure, filant droit vers l’inconnu.
Et près de trois heures plus tard, je me trouve toujours à la même place, assis sur mon canapé au beau milieu de la nuit face au générique de fin.
L’ambiance très reposante et le rythme du jeu y sont probablement pour beaucoup. On alterne en permanence entre des phases passives où il n’y a qu’à regarder le véhicule traverser des paysages splendides et des arrêts pour faire le plein de ressources ou pour débloquer le passage (pont, porte,…). Une fois l’obstacle surmonté l’envie de poursuivre pour découvrir ce qu’il y a plus loin est renouvelée, bercé par le doux bruit du moteur et par les sons ambiants de la nuit provenant de ma fenêtre ouverte en ces chauds jours d’été. De cette façon la suspension de ma partie a été maintes fois repoussée de quelques minutes supplémentaires, jusqu’à la fin.
Rapidement, une routine agréable s’installe. Notre curieux moyen de transport exige un entretien permanent. Il faut maintenir l’accélérateur pour garder l’allure, libérer la vapeur qui s’accumule dans le moteur, assurer l’alimentation en « carburant », réparer le matériel et éteindre les départs de feux éventuels. Quand ce n’est pas tout simplement les voiles qu’il faut déployer, le vent local étant suffisamment puissant pour nous pousser. Toute cette petite gestion nécessaire en cours de route maintient l’attention durant ce voyage hors du commun. Au fur et à mesure des ressources et des objets récupérés, on organise l’espace et on optimise le rangement pour être le plus efficace. Et surtout pour se mettre à son aise dans cette maisonnette sur roues.
Sur la route on traverse des environnements désolés, des villages qui semblent abandonnées, des cimetières de navires laissant imaginer de lourds évènements passés. Il n’y a pas âme qui vive. Nous sommes seuls à errer sur ces terres mystérieuses. Et pourtant on ne se sent pas effrayé par la situation, ni inquiété par ce qui pourrait nous attendre plus loin. De toute manière aucune menace ne se terre dans un coin, seul le voyage compte. Et celui-ci en vaut la peine, tant les environnements traversés sont sublimes, emprunts d’une mélancolie très touchante. On roule de jour comme de nuit, dans un silence hypnotisant à peine masqué par la douce bande son du jeu et par les bruits métalliques du véhicule.
L’impression de se trouver à bord du château ambulant émerge lorsqu’on abandonne les commandes pour se diriger vers la porte, amenant notre petit voyageur à l’air libre pour admirer le paysage tandis que l’engin roule tout seul, semblant se débrouiller par lui-même. Les différents niveaux de zoom permettent de profiter du panorama tout en gardant un œil sur l’état de la machinerie, le changement de vue se faisant d’une simple pression de la gâchette. Dommage qu’il faille maintenir celle-ci avec le doigt, au lieu d’un simple appui, pour rester au zoom maximum car le champ de vision par défaut n’est pas suffisant pour bien voir les détails. Lorsqu’il faut agir rapidement en cas de défaillances multiples, avoir le doigt contracté de la sorte n’est pas confortable pour manipuler dans le même temps le personnage et effectuer les tâches nécessaires. Heureusement le jeu ne propose pas de difficultés notables dans la gestion du véhicule et les énigmes à résoudre lorsque l’on se retrouve face à un obstacle bloquant le passage ne nécessiteront qu’un peu de jugeote ainsi qu’un moment d’observation.
Au terme du voyage, il n’est possible d’imaginer que par nous-mêmes ce qu’il a bien pu arriver sur ce territoire avant notre passage, l’état des décors traversés et les éléments repérés ici ou là étant les seules pistes. Car le jeu ne nous donne pas d’explication concrète.
Combien de temps s’est écoulé entre cette possible catastrophe et notre départ ? Ou bien alors les habitants ont déjà fuit et ce n’est l’affaire que de quelques jours (ou heures) avant le drame ? Cette énorme véhicule sur pattes, que nous empruntons quelques temps pour traverser ce qui ressemble à un océan et pour lequel notre véhicule n’est qu’un des prototypes, était-il censé permettre à la population de s’échapper ?
Mais au final peu importe. Car ce voyage a provoqué des sensations exceptionnelles. Et au moment d’aller enfin trouver le sommeil, je sais que je n’ai pas besoin de rêver cette nuit car Far : Lone Sails l’a déjà fait pour moi.