Fate/stay night
7.9
Fate/stay night

Jeu de Type-Moon et Kadokawa Shoten (2004PC)

Nota bene général : vu que je juge nécessaire d'y recourir pour expliquer mon point de vue, cette critique va comporter de nombreux spoilers, notamment ce qui concerne plusieurs points des scénarii et la trame du jeu. Cependant, rassurez-vous, vous devriez pouvoir ignorer facilement ces passages dérangeants pour ceux qui souhaiteraient découvrir le jeu par eux-mêmes.

Bref, Fate ... Je pourrais passer des heures à parler de ce jeu, mais en proportion des dizaines d'heures nécessaires pour le couvrir, au fond, ça ne représente pas grand chose. Fate, c'est l'un des classiques du phénomène des Visual Novels, ces "livres dont vous êtes le héros" à la japonaise, qui s'avèrent souvent être plus que ça. Bref, Fate, c'est un monument qui s'explore à fond avant d'en parler ou qui ne s'explore pas. Seule difficulté que l'on pourrait avoir, il n'y a jamais eu de traduction française du jeu, seuls quelques anglophones ont fait le pari fou de traduire le jeu du japonais, mais si vous n'êtes pas des habitués de la langue de Shakespeare, voilà une bonne occasion de vous y mettre.

Mais voilà que je m'attarde. Fate, c'est l'histoire d'un adolescent nommé Shirou. Shirou Emiya pour être précis, et c'est le seul survivant connu d'un incendie qui a ravagé sa ville natale, et en plus, c'est également un mage, qui a la capacité de visualiser la structure des objets et d'utiliser la thaumaturgie pour réparer ces objets ou même en créer de nouveaux. Mais comme il fait ça en autodidacte, il n'attire pas vraiment l'attention. Jusqu'au jour où il surprend par accident un duel spectaculaire entre deux Servants, et il finit par se retrouver entraîné dans les rouages de la Guerre du Graal, où il agit en temps que septième Maître. A partir de ces évènements se déroulent les différents choix menant aux trois scénarii, ou routes dans le langage des VN, sachant que vous ne débloquez le deuxième scénario qu'après avoir terminé le premier, et le troisième après avoir fini les deux précédents.

Le premier scénario, appelé Fate et considéré comme la fin canonique du jeu, raconte l'histoire de Shirou sous l'aspect "j'ai le cul bordé de nouilles". Parce que oui, les évènements font qu'on s'aperçoit très vite que la combinaison de Shirou et de Saber, son Servant, s'avère être de plus en plus abusée. Globalement, le Servant de la classe Saber est considéré par tout le monde (et à juste titre) comme l'une des classes les plus redoutables, et l'on finit vite par se rendre compte à quel point la capacité de Shirou, initialement vue comme médiocre, s'avère être du pur grosbill (pour faire simple, au début, il est capable de réparer la structure d'objets ou de la renforcer ; à la fin, il est carrément capable de matérialiser un objet qu'aucun humain n'est sensé pouvoir comprendre). En partant de là, vous comprendrez aisément que tout s'agence de telle sorte que les choses aillent dans votre sens, il est difficile de ne pas être idéaliste comme l'est Shirou dans le scénario. Pour le reste, le scénario met en scène la plupart des personnages présents dans le jeu et en permet une bonne présentation.

Puis vient le scénario Unlimited Blade Works, qui se résume en "que feriez-vous si un émissaire venu du futur venait vous faire comprendre que vos choix vous mèneront à une fin pitoyable ?". Ici, le scénario va dans les pas d'une nouvelle personne à protéger, qui est Rin Tohsaka, et qui est la tsundere du jeu, et va beaucoup plus en détail dans les idéaux et motivations de Shirou, notamment à travers sa relation tortueuse avec Archer (aka l'un des plus gros durs à cuire du jeu, qui avait déjà eu droit à un beau moment d'anthologie dans le premier scénario). On en profite au passage pour explorer plus en détails la personnalité de plusieurs personnages.

Et enfin vient Heaven's Feel. Le scénario se présente de la manière suivante : "vous ne l'aviez pas remarqué, mais depuis le début du jeu, vous côtoyez un personnage sur lequel l'accent n'est pratiquement pas mis, mais qui est en fait une bombe à retardement à laquelle vous ne devriez vraiment pas toucher. L'heure est venue d'appuyer sur le bouton. Accrochez vos tripes, c'est parti." Heaven's Feel, c'est le scénario se déroulant autour de Sakura Matou, et qui va permettre au joueur un sacré bon en avant dans le background, notamment sur les véritables motivations de toute cette Guerre du Graal et ce qu'il y a avec. Et naturellement, le scénario est bien plus sombre que les précédents, avec un Shirou qui décide notamment d'aller à contre-courant par rapport aux deux scénarii précédents, une ambiance autrement plus macabre pour cette guerre, un antagoniste qui va avoir l'occasion de montrer son véritable calibre (et ça envoie effectivement du lourd), et des mauvaises fins que l'on oublie rarement (mention spéciale aux bad endings 38 et 40).

Voilà pour les routes du jeu. Maintenant, autant parler des personnages. De part le système de routes, on a droit à un système permettant d'étoffer les profils des personnages, notamment en voyant leurs différentes réactions au regard des circonstances et des choix du héros. Entre Saber se reprochant en permanence la chute de son pays, l'ego surdimensionné de Gilgamesh, les moments héroïques de Shirou, la nature délicieusement perverse de Kirei, la galerie de personnages est quand même bien variée, et ça rend le résultat vraiment intéressant.

Concernant le système de jeu, vous êtes dans un livre dont vous êtes le héros, et vous allez donc avoir à différents moments du jeu des choix à faire, lesquels vont influencer vos possibilités futures, l'objectif étant de parvenir à la fin du jeu sans se prendre de mauvaise fin en chemin ... Non, je plaisante, d'une certaine manière, ce jeu va ironiquement vous donner l'envie de vous manger les mauvaises fins pour une seule raison, qui est le Tiger Dojo. A chaque fois que vous arrivez à une mauvaise fin, le jeu va effectuer une sauvegarde et vous renvoyer avant le moment du choix fatidique, mais avant ça, le jeu va tout simplement se payer la tête du joueur, au travers d'un sketch mettant en scène Fujimura Taiga, histoire de fournir à la fois quelques conseils au joueur sur les choix à faire et de rigoler un bon coup, sans que la raison de votre mort s'y prête vraiment, et c'est d'ailleurs ce qui fait le charme.

Autre point savoureux du jeu, la bande-son. Comme il s'agit d'un visual novel, vous avez droit à un set de musiques vous mettant plus ou moins rapidement dans l'ambiance, et surtout, vous avez les voix des personnages avec, et ça, c'est vraiment fun. Avez-vous déjà lu un livre en vous imaginant les voix des personnages pendant qu'ils discutent ? Ce jeu vous offrira l'occasion de passer du rêve à la réalité, et bien que les dialogues soient peu fluides, en partie parce qu'une bonne partie du jeu se concentre sur les textes, l'ensemble reste agréable.

Pour toutes ces raisons, Fate/Stay Night est donc un excellent jeu qui laisse généralement de bons souvenirs quand on est un fan du genre, mais le fait est qu'à côté de tout ça, plusieurs éléments font malheureusement tâche, et c'est bien dommage.

Au-delà du fait que le jeu intègre un certain nombre de codes et de mécanismes propres à Kinoko Nasu, l'auteur de l'univers du jeu et du scénario, qui étaient déjà présents dans les jeux présents produits par Type-Moon, mais qui restent quand même compréhensibles pour les non-initiés, on sent au fond que plusieurs trucs clochent, ne serait-ce que dans le fond lui-même. Déjà, bien que le travail ait été bien exécuté à ce niveau, le remaniement complet de la légende d'Arthur a quand même quelque chose de déroutant, qui annonce en fait tout le fond du problème. Que le background de ce jeu ressemble, et c'est un euphémisme, à un univers décousu que l'on aurait tenté de recoudre avec plus ou moins de succès. Proposer trois scénarii individuellement cohérents et intéressants, c'est bien, mais justifier leur incohérence globale sous l'excuse de trois réalités alternatives, c'est très dur à avaler.

Parce que oui, du point de vue de Type-Moon, chaque scénario est conçu comme si le joueur n'avait pas joué aux autres, et ça ouvre des failles qui ne passent pas du tout inaperçues : Zouken Matou qui reste étrangement inexistant pendant deux scénarii complets, Avalon qui n'apparaît que dans un seul scénario alors qu'elle est l'élément explicatif d'un point clé de l'histoire, la greffe du bras d'Archer sur Shirou qui n'aurait jamais du marcher, les scènes érotiques étrangement mal calées dans le jeu, et j'en passe ... La vérité est que le jeu a subi de nombreux liftings pour des raisons de marketing, et il suffit de voir l'OVA "Fate Prototype" pour comprendre qu'à la base, un certain nombre d'éléments n'auraient jamais du apparaître.

En conclusion, Fate/Stay Night est un excellent jeu, constituant une porte d'entrée classique dans l'univers des visual novels, avec une bonne galerie de personnages, un background bien foutu, une bande-son laissant d'excellents souvenirs, le tout donnant plusieurs scènes d'anthologie et de moments mémorables, mais malgré tout, on sent qu'au fond, cette étincelle qui aurait pu faire de ce jeu une référence absolue dans le domaine s'est affaiblie au dernier moment ...
Jeff-D-Phenix
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Créée

le 18 mars 2014

Modifiée

le 25 mars 2014

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