Petit jeu d’horreur relativement court de la série des Fears to Fathom (Des peurs à comprendre/à interroger/mesurer), du studio indien Rayll, Ironbark Lookout met en scène (façon de parler puisqu’il n’a ni corps ni visage) un certain Jack Nelson, devenu à l’occasion de l’été 2002 guetteur d’incendies au sein du parc d’État d’Ironbark.

Le jeu débute sur la route en partance pour la tour 11 à laquelle il a été affecté, à bord d’un super camping-car (qui se comporte comme la pire des caisse à savons, soit dit en passant), le tout en échangeant par textos avec sa sœur, Kayla.

Après un arrêt plutôt marrant dans un diner le temps de nous familiariser avec les interactions entre personnages, les déplacements et surtout les objets (notre personnage présente des lacunes notables dès lors qu’il s’agit de reposer quelque chose), nous reprenons la route en direction de notre nouvelle affectation.

Il fait nuit à notre arrivée et à ce stade du jeu (10 minutes à peine hein), celui-ci a malencontreusement planté : la porte du local où se trouvait le garde-forestier chargé de nous attendre ne s’est pas ouverte…

Quelques relances (et jurons aussi) plus tard, nous rencontrons enfin un ranger au doux prénom de Billy pour nous faire l’état des lieux. Il porte le chapeau à merveille, ça fleure bon les broussailles séchées et le vieux cow-boy soit-disant viril par ici, Chuck Norris n’a qu’à bien se tenir.

Notre tour est simplement faite, toute de bois vêtue. Pour le double vitrage et l’isolation thermique, on repassera (et pour l’hygiène aussi dans la mesure où je cherche encore la douche) mais après tout, c’est la vie des guetteurs de feu en pleine nature...

La pièce se compose d’un coin cuisine (frigo, micro-ondes, four et évier simple), d’un petit lit faisant face à un vieux poêle datant de l’époque de Boucle d’Or et d’un bureau avec un ordinateur de l’ère Windows 98 (mais après tout nous sommes en 2002 donc finalement c’est presque moderne).


Let’s get immersive

J’avoue que c’est le grand point fort du jeu : l’atmosphère est très réussie et la mission de guetteur d’incendies m’a fait réfléchir plus largement à la réalité de ce métier sur des territoires ruraux et très étendus comme on en trouve aux États-Unis. J’espère simplement que les tours de surveillance actuelles sont plus à la pointe en terme de modernité que celle dans laquelle le personnage est logé car les installations présentées dans le jeu sont rudimentaires.

J’ai adoré le côté « humain » du personnage qui a besoin de manger, de se chauffer et dormir (les bruits de mastication du héros à table m’ont bien faite rire). Je n’avais jamais rencontré de protagoniste auparavant qui appréciait de gloutonner un plat de lasagnes sur son lit ; avec Jack Nelson c’est chose faite.

La vue sur la forêt entourant la tour 11 fait rêver les esprits épris de nature: des sapins à perte de vue, du vent et la nuit qui tombe. Anémomètre en main, nous prenons en note la vitesse du vent, puis la température (en Fahrenheit) ainsi que la météo du soir pour rédiger un vague rapport de fin de journée (en fait il s’agit simplement de rentrer ces trois mesures dans l’ordinateur).

La communication avec nos acolytes rangers s’effectue par le biais d’un radio émetteur ; l’un d’entre eux a le bon goût de nous réveiller à plusieurs reprises la nuit ; la hantise de tout guetteur d’incendies sont les campeurs aventureux et inconscients. Dès lors qu’une colonne de fumée apparaît au loin, leur mission est de se rendre sur place pour éteindre le feu et attraper les petits idiots. Malheureusement pour Jack (et heureusement pour le joueur), il se trame des choses étranges dans les bois et la majorité de nos interlocuteurs semblent au mieux plutôt fatalistes à ce sujet, au pire dans le déni. À l’entrée de la forêt ont été placardées des affiches d’enfants disparus. J’ai parlé de Boucle d’Or tout à l’heure, j’aurais pu vous causer du Petit Chaperon Rouge et cela n’aurait pas été complètement hors-sol. Les forêts représentent depuis longtemps dans l’inconscient collectif et dans diverses cultures, un lieu propice aux mauvaises rencontres, qu’elles soient tristement ordinaires ou fantastiques.


La bête à cornes

Une de ces fameuses nuits, un veilleur d’incendies dont j’ai oublié le nom nous réveille par radio-émetteur; il a repéré un feu au loin, il est fatigué (il est quelque chose comme deux heures et quart du matin), bref il nous refourgue gentiment le bébé et nous dit à demain. (En vrai, si ça avait été moi dans une situation analogue, j’aurais rajouté quelques mots fleuris dans les dialogues).

Jack Nelson doit avoir la flemme aussi de descendre à cette heure tardive dans les bois et l’option de se rendre en forêt ne nous est pas proposée par le jeu; sur les conseils de son acolyte, il s’empare d’un appareil photo et photographie ce qu’il aperçoit, c’est-à-dire un groupe d’allumés revêtus de longues tenues noires et d’un masque à cornes, tous réunis autour d’un grand brasier (brûlent-ils un corps?). Le flash en pleine nuit nous fait évidemment repérer et l’un d’entre eux se rue à la vitesse du vent en direction de la tour pour nous buter. La seule option pour rester en vie est celle consistant à se terrer sous son lit sans faire de bruit (un micro s’active et le moindre bruit du joueur se matérialise à l’écran sous la forme d’une barre de son verticale) puis dans les toilettes (je déteste quand les jeux d’horreur ne nous laissent que cette unique possibilité, je préférerais que l’on puisse se défendre et le cas échéant, mettre l’adversaire hors d’état de nuire).

Une fois le monstre à cornes disparu, Jack qui a eu très chaud aux fesses, décide que c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et il s’enfuit. Il est poursuivit une dernière fois quelques mètres avant de franchir la barrière d’entrée dans le parc ; heureusement il a toujours son magnifique camping-car-caisse à savon garé sur le parking et hop, il saute dedans et remet sa musique de hippie pour reprendre la route en chantant I’m a Poor Lonsome Cow-Boy.

C’est la fin du jeu.


Des mystères mystérieux

Spoiler : on ne saura jamais qui étaient ces gens à cornes ni ce qu’ils fabriquaient réellement dans les bois et c’est fort dommage. Les choses ont plus de poids quand elles ont du sens. Idem pour les sifflements étranges perçus à certains moments dans la forêt et ces avertissements lancés à demi-mots par des personnages qu’on ne croisera qu’une seule fois…

Le jeu est plein de petites trouvailles sympathiques comme les textos avec Kayla et sa recette de cuisine, ses conseils pour aller dîner mais en définitive, cela n’a pas de grandes conséquences sur la ligne scénaristique du jeu.

C’est un peu le même constat avec l’ordinateur de la tour 11 sur lequel figurent un jeu vidéo (oh ciel une mise en abîme! Un JV dans un JV ! Une Matriochka pour les Gamers !) et sur lequel le joueur est amené à faire de la maintenance (un peu) avec une mise à jour de logiciel.

Cet aspect était totalement inattendu de mon humble point de vue et j’attendais le moment où cela ferait davantage sens dans le jeu (jusqu’ici, lorsque mes personnages manipulaient un ordinateur dans un JV, il ne se passait pas grand-chose, à part un bruit de tapotis de clavier). Dommage donc de ne pas avoir pu davantage explorer cet axe.


Pour aller plus loin…

J’aurais bien aimé que le jeu développe davantage les interactions avec de nouveaux personnages ; cela aurait été une bonne occasion de se familiariser davantage avec les autres gardiens du parc et d’en apprendre plus sur les événements étranges du lieu.

J’ai ri intérieurement en découvrant le règlement intérieur relatif au métier de guetteur d’incendie (« pas de personne étrangère au service dans la tour ») : Jack Nelson étant un jeune homme de 24 ans, cela m’aurait fait sourire qu’il y amène une connaissance (et je ne parle pas de sa sœur). Mais OK, disons que Jack est un gars sérieux (ou chiant comme la pluie, c’est vous qui voyez).

Comme je l’ai dit, il manque peut-être un petit travail sur la manière de reposer les objets même si cette manière de jeter les choses par terre comme ça, dans un gros « paf » dédaigneux m’aura fait glousser (oui, oui je sais un rien m’amuse). Le scénario aurait mérité un meilleur développement, même si le parti pris est celui d’un épisode de vie de Jack, qui n’obtient jamais les réponses à ses questions.


En France, le métier de guetteur d’incendies était effectué par les sapeurs pompiers ; depuis 2024, cette mission de surveillance est remplie par des caméras de sécurité (Adieu job de rêve, paumée au fin fond de la nature avec pour toute compagnie une paire de jumelles, la communication radio et des ours, et des moustiques, des grosses araignées…).


Je retiens de ce jeu, non pas son côté effrayant (les jumpscares restent un élément un peu facile) mais l’ambiance réussie qui s’en dégage et la rêverie qu’il aura suscité dans mon esprit, prompt à se rêver en vigile de la nature, ou en enquêteur en carton au milieu des bois.







Proximah
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il y a 3 jours

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