Dans le dernier épisode du Grand Rapprochement entre Nintendo et Koei Tecmo nous avons vu la vénérable compagnie de Kyoto prêter l'une des séries les plus prestigieuses du domaine vidéoludique à un studio de second rang pour en tirer un Dynasty Warriors de plus. Le produit, maintenant disponible sur Wii U, Nintendo 2DS, Nintendo 3DS et même New Nintendo 3DS sera bientôt publié une toute dernière fois sur Nintendo Switch dans une version contenant tous les DLC que d'autres idiots ont eu la bonne idée de se payer plein prix. La félicité d'avoir fait leur part pour gonfler de manière artificielle un calendrier de sorties anémique plusieurs années de suite par le biais d'un produit cynique sans intérêt règne enfin sur les peuples d'Hyrule. Même Ganondorf sourit doucement du fond de sa tombe millénaire certain de voir ses investissements dans le domaine du jeu vidéo japonais payer des dividendes cette année. Cependant, entre-temps, le mystère de cette collaboration entre les deux compagnies japonaises s'épaissit avec l'annonce d'un recyclage éhonté de ce titre maintes fois exploité pour armer une nouvelle génération de consoles dépourvues de jeux tiers-parti. Serait-il question de rajouter de nouveaux chapeaux rigolos aux guerriers de la légende pour en tirer une pénultième version susceptible de satisfaire une nouvelle génération fan de fashion ? Peut-on espérer voir une version très très laide de Nioh orner les écrans de la petite machine fragile aux ventilateurs de velours ? Dur à dire. Le titre est une exclusivité PlayStation sur consoles et l'on ne voudrait pas encourir le courroux du puissant constructeur. Ce que l'on sait, par contre, c'est qu'un nouveau titre révolutionnaire vous permet d'ores et déjà d'incarner – si ça c'est pas un concept novateur digne du futur dans lequel nous vivons – les personnages de la fameuse série de stratégie Fire Emblem... dans un Dynasty Warriors.
Le mélange des deux séries semble paradoxalement plus logique d'un pur point de vue conceptuel que le précédent. N'importe quel client habituel de la compagnie Koei saurait vous chanter les louanges de leurs titres tactiques bâtis autour de la série Romance of the Three Kingdoms. Imaginez sa voix de fausset vous énumérer les profondeurs insoupçonnées de l'univers inspiré de la Chine antique, des mécanismes de troc subtils qui font tout le charme des négociations entre provinces, ou même des puissantes séances de négociation propres à la série. J'entends déjà sa voix ténue se briser à l'évocation de la fière destinée de Cao Cao – inventeur, comme vous le savez, de l'Ovomaltine – et de son combat pour unir diverses principautés disparates en un pays qui deviendra l'une des dictatures les plus puissantes au monde. Pensez au mélange délicat de ces influences avec la série d'Intelligent Systems. Voyez par l'esprit l'équilibre des forces en présence être dirigées par votre cerveau de stratège tandis que de temps à autres vous daignez vous salir les mains à écraser l'une ou l'autre insurrection de paysans faméliques en quête d'émancipation par le biais des combats similaires à ceux de Dynasty Warriors. Fermez les yeux, inspirez lentement, laissez votre esprit vagabonder. Et maintenant... jetez tout ceci à la poubelle. Il faudrait être cinglé pour espérer quoi que ce soit d'ambitieux d'une pareille alliance réalisée exclusivement sur la force toute relative de deux séries en perte de vitesse. Le but de l'exercice est beaucoup plus simple : recycler un maximum des niveaux réalisés pour l'incartade d'Omega Force au pays de la Triforce et ainsi réaliser un titre pour un budget riquiqui. Tel est le but de la manœuvre, soldat.
Un sensation d'accablement existentiel vient à l'esprit quand on insère, ce n'est pas sale, la petite cartouche dans la machine aux manettes diminutives. L'on sait de quoi les prochaines heures seront constituées. Il faudra mener des personnages NPC doublés de la pire des manières dans des décors à peine maquillés par rapport à la précédente version tout en s'acquittant de la tâche incroyablement répétitive d'appuyer sur deux boutons en rythme afin de tuer des ennemis parfois invisibles. (Oui, malgré la différence de puissance assez évidente entre la Switch et la Wii U leur moteur antique n'est toujours pas capable d'afficher la valetaille de manière satisfaisante.) Faire le tour des niveaux étrangement familiers pour en capturer les points censément stratégiques devient une seconde nature. De temps à autres – une fois par scénario, en gros – un retournement de situation prévisible vous force à protéger de toutes vos forces des capitaines incompétents incapables de s'acquitter de la tâche pourtant fondamentale de ne pas mourir. Ils sont, en règle générale, nécessaires à pouvoir passer outre ce calvaire mais même cinq de vos personnages secondaires sont incapables d'exécuter cette besogne sans votre aide. L'on se sent dans la peau d'un babysitter entouré d'enfants suicidaires lâchés dans une fabrique de rasoirs et sans sombrer dans le cynisme... on les comprend. Qui aurait envie de vivre dans un monde pareil. La qualité des textures est catastrophique.
Alors, pour tromper son ennui, l'on connecte enfin la petite machine plus ou moins portable à son dock. Vous savez, histoire de voir si les qualités graphiques discutables de l'ensemble sont susceptibles de tenir le coup sur un écran HD de la génération précédente. La réponse, sans faire durer le suspense, est «noui». Le titre tourne fort mal dans une résolution oscillant sans aucune forme de prévisibilité entre 900p et 1080p. J'imagine que ce n'est pas si mal pour un moteur antique hérité de la Xbox 360 se dit-on dans un moment d'égarement avant de trouver un bouton caché au fond des options qui promet un « mode de performance ». L'un de ces trois mots est véridique, devinez lequel. Soudain, tout est hideusement fluide. La solution des génies de chez Koei pour s'assurer que tout ceci tourne à un niveau plus ou moins correct consiste à bloquer la résolution au niveau de la version Wii U tout en désengageant la synchronie verticale. Rien que ça. Par dépit l'on continue à jouer au titre de cette manière car c'est la version la moins vomitive de l'affaire. D'une main, tout en guerroyant, l'on enclenche dans le fond l'un ou l'autre podcast sur le Japon féodal afin de tromper son ennui. Le son d'une voix australienne familière prononçant avec grande difficulté le nom des vassaux d'Oda Nobunaga constitue le seul type de divertissement que vous aurez le plaisir d'éprouver ce soir.
C'est ainsi que l'on survit au mélange de l'une des plus prestigieuses séries de stratégie de l'illustre histoire de la discipline vidéoludique et de Dynasty Warriors. De temps à autres, on bâille, tel est l'état de la bataille.