Interdit aux plus de 12 ans
Grâce à une suggestion faite par une connaissance, j’ai participé à ce nouvel épisode vidéoludique nommé Five Nights at Freddy’s, censé être "le" jeu d’horreur de 2014 grâce à l’effet viral produit sur Internet (réseaux sociaux et vidéos) : en bref, j’ai incarné un stagiaire ayant postulé pour un job à temps plein dans une pizzeria en tant qu’agent de sécurité. Durant ma période d’essai de cinq jours, mon boulot se résume à regarder les caméras sur une tablette de 23H à 6H du matin afin de vérifier que tout est en ordre. Au premier jour, je reçois un appel de mon supérieur narrant les différentes fonctionnalités de ma cabine : outre la tablette, je peux allumer les lampes des couloirs adjacents et activer des portes blindées via de gros boutons (Stanley ?). Le hic, c’est que je n’ai pas la possibilité de verrouiller les accès car l’électricité est limitée en cette période-là. Probablement un type qui tente de truander l’État américain comme un réseau wi-fi.
Au bout de cet appel, mon supérieur signale que les robots utilisés pour la pizzeria s’activent tout seul la nuit, mais je n’ai rien à craindre si ce n’est de regarder qu’ils n’épuisent pas le stock d’ananas pour la semaine (ceci est mon hypothèse et j’en ai rien à foutre). Me voilà en train de surveiller la première caméra, fixant les grossières animatroniques inanimées. Une autre caméra affiche la cuisine, la suivante un couloir, etc. Lorsque j’ai effectué un roulement sur les caméras à la manière de Payday 2 (balayer en quelques clics de manière mécanique), quelque chose me chiffone : parmi les trois animatroniques présents précédemment, il en manque un. Je parcours les autres caméras pour retrouver le robot en vadrouille, et là, je réalise que les images sont figées.
Oui, des caméras affichant des images figées. Je suis payé pour mater une dizaine de photos et de jouer à « Où est Charlie ? » pendant sept heures de boulot. Mieux, je peux aussi retrouver l’animatronique avec les lumières des couloirs.
Vous voyez où le jeu veut en venir.
Je laisse donc la porte ouverte avec la lumière un instant, scrutant les ampoules dénuées de vie du robot, en attendant l’inévitable sacrifice humain. Au clic de la lampe, toute la pièce finit dans la pénombre, une vieille mélodie du « Toréador » de Georges Bizet se met en route, l’écran se noircit entièrement. Quelques secondes passent. Et c’est le flan.
Voilà ce que propose le mirobolant Five Nights at Freddy’s dans toute sa durée de vie : de vieux jumpscares saupoudrés d’images GIF au design hideux. C’est affreusement chiant, l’histoire est d’une pauvreté affligeante (le twist, c’est qu’il y a plus de cinq jours de travail, vous êtes payés une misère et vous finissez par être viré par les animatroniques eux-mêmes), le peu de frissons éprouvés au premier niveau est évacué comme une lourde soirée bières-pizzas au lendemain matin, et pourtant ça fait déjà des millions de vues sur Internet, grâce aux nombreux Youtubeurs qui montrent leur face pour accentuer le pitoyable. Même si le contenu avait été proposé gratuitement (Five Nights… a été réalisé sous Unity 3D), l’intérêt resterait au niveau zéro. Comptez deux heures si vous insistez à y jouer : le temps de jeu par nuit est rallongé pour augmenter la difficulté de manière artificielle.
De nos jours, l’horreur doit apparaître comme une succession de jumpscares pour faire monter l’adrénaline. On oublie la mise en scène à la Silent Hill, les histoires à faire glacer le sang, les personnages réellement terrifiants, le travail sur une ambiance inquiétante sans paraître grotesque. C’est la production massive, inintelligente de clichés de la peur qui resurgissent (la saga Slenderman). Il faut faire rapidement peur aux novices du jeu vidéo afin de leur inscrire un souvenir permanent de ces titres pour leur apporter une plus-value nostalgique dans les dix prochaines années. Ce nivellement vers le bas est inquiétant.
Le pire dans tout ça, c’est qu’à cause de Five Nights…, on va avoir droit à une multitude de furries pour un bon moment. Merci Scott Cawthon.