Football Manager fait partie de ces jeux qui distillent quelques bribes de plaisir intense derrière des kilomètres d'ennuis, un peu comme un ami qui sentirait mauvais de la bouche et qu'on écouterait quand même parce qu'il dit des choses vachement intéressantes de temps en temps
Immuablement, je jette un oeil sur la version annuelle et immuablement j'en sors profondément déçu malgré des débuts enthousiastes.
Dans Football Manager, on n'est pas l'entraîneur, on est le gérant, le gratte-papier, le mec qui s'ennuie au fond d'un bureau et dont personne ne parle jamais. Ah ça pour savoir qui a fini meilleur buteur de quatrième division ouzbèque, il y a du monde, des tableaux, des écrans, des infos, il y en a à plus savoir qu'en foutre, mais quand on en vient à parler tactique il n'y a plus personne! On peut bouger des barres, donner des instructions, régler des machins pendant des heures sans que rien ne change, jamais. Ce serait comme régler une machine d'une précision incroyable dont la seule mission serait de lancer un dé, vous aurez toujours un résultat aléatoire.
Et c'est bien là le problème, on n'y comprend rien et le jeu ne donne aucune info utilisable. La faute à qui? La faute à la retransmission des matchs qui donne une vision totalement fausse de ce qui se passe réellement sur le terrain. Quel délice de voir mes défenseurs courir à 10 mètres des attaquants adverses alors même que j'ai réglé le pressing au maximum et que le résumé texte me dit qu'ils font un travail du tonnerre. Quel plaisir fabuleux de constater que ce milieu de terrain qui balance 20 drops dans les tribunes par match suit en fait fidèlement mes consignes interdisant les tirs de loin. Quel ravissement de constater que cet attaquant de soutien si habile s'évertue à ne jamais passer la balle à son compère démarqué pour s'empaler avec finesse dans le plus proche adversaire.
Et c'est pareil une fois le match fini. Si untel me dit que l'adversaire est inoffensif dans les airs, mon adjoint, lui, me dira qu'il redoute fortement la domination aérienne de cette même équipe. Lorsque mon équipe semble incapable d'aligner deux passes, mon adjoint m'affirmera volontiers qu'il n'y a rien à leur reprocher.
Au final on ne peut faire confiance à personne, votre adjoint vous ment, vos superviseurs vous mentent, même les images vous mentent.
Et si il n'y avait que ça encore, mais je pourrais parler des blessures en cascade (prévoir 50 joueurs dans l'effectif), des torrents de cartons, des monceaux de textes inutiles sans cesse répétés (machin dont vous n'avez jamais entendu parler s'est bien entraîné à l'aérobic) et des résultats fixés à l'avance de manière purement et simplement arbitraire!
Je plaisante pas, j'ai fait le test, j'ai joué 15 fois de suite le match Lyon-Rennes 2011, côté OL, avec 15 compos différents, 15 stratégies différentes et j'ai pris 15 valises de suite dont neuf 2-0. Alors quoi? Le jeu a décidé qu'il fallait que je perde c'est ça? Et peu importe ma tactique? A quoi bon régler quelque chose si ça ne change rien?
Une fois qu'on a compris que mettre en place des stratégies et donner des consignes est aussi utile que de pisser dans un violon, on lance les matchs les yeux fermés à vitesse max et on se concentre sur le seul intérêt du jeu, les transferts. On achète des joueurs épatants qui s'avéreront aussi peu réceptifs aux consignes que les autres, et on zappe les matchs jusqu'au prochain mercato pour enfin faire venir Iniesta à Arles-Avignon.
C'est ce qui me fait jouer à FM tous les ans, juste cette excitation brève d'approcher le joueur désiré et de le mettre dans son équipe (ça et claquer la porte en conf' de presse).
C'est marrant trois ou quatre heures et après on désinstalle le jeu. A l'année prochaine.