Freedom Fighters
7.4
Freedom Fighters

Jeu de Io Interactive et Electronic Arts (2003GameCube)

La fin de la deuxième Guerre Mondiale a vu commencer le début de la Guerre Froide. C'est une période d'extrême tension, où l'apocalypse nucléaire pouvait survenir à tout moment. En 1991, l'implosion de l'URSS met fin à la guerre froide et permet aux Etats-Unis d'étendre leur idéologie sur le monde. Le principe de Freedom Fighters, c'est de proposer une réalité alternative à celle précitée : créer une uchronie. Et si cela ne s'était pas passé ainsi ? Imaginez que L'URSS termine la seconde guerre mondiale en lâchant sa bombe à Hydrogène sur Berlin, gagnant le conflit et la course à l'armement. Etendant son idéologie, elle annexe l'Europe, l'Asie, L'Amérique du Sud. L'étau se resserre autour des Etats-Unis, dernier lieu exempt de l'idéologie communiste, avant de subir une attaque fulgurante.



Le début de l'aventure commence quand Christopher Stone, plombier, est pris dans l'attaque surprise de l'armée soviétique dans les rue de New-York. Prenant les armes, il devient résistant dans une ville en proie au chaos et à la destruction.
Bien que jeu d'action assumé, Freedom Fighters soigne ses attraits, par la présence d'un scénario fort bien réalisé pour ce type de jeu et de toutes les références qui découlent du postulat initial. Inutile de dire que cela ajoute une profondeur à l'univers, aux personnages et dessert une histoire palpitante au cœur de la résistance. Effectivement, Freedom Fighters suit le destin d'un homme tout à fait banal, qui va devenir l'emblème de la résistance états-unienne. Au fur est à mesure des zones débloquées, vous aurez des extraits des journaux télévisés soviétiques, ironique à souhait, percutants et faisant état de vos sabotages contre l'autoritarisme du géant rouge. On retiendra des répliques aussi drôles qu'immondes comme le général Tatarin qui déclare à la presse que « tous les rebelles seront exécutés après un procès équitable ». A mourir de rire...
En plus de la mise en scène, merveilleusement bien travaillée, l'ambiance de New-York assiégées par les forces soviétiques offrent un rendu très intéressant et très réaliste. C'est l'ambiance guérilla. Imaginez vous, un instant, dans les rues de New-York, désertes en fin d'automne, les fameux taxis jaunes abandonnés, réutilisés comme des simples palissades de protection, les bâtiments détruits, abris de fortune, le bourdonnement des hélicoptères au dessus de vos têtes, menace permanente, les tours de guets soviétiques aux carrefours, braquant projecteurs et mitrailleuses... L'ambiance et l'atmosphère de Freedom Fighters est un très gros point fort du jeu et l'on se plaît à jouer au résistant dans cet univers parallèle. La musique, elle aussi, colle parfaitement à l'action avec des chants du cœur de l'armée rouge soutenus par quelques basses électroniques et permet au jeu de surfer sur deux époques.
Le level design du jeu est également une très bonne surprise. Effectivement, les zones, bien que closes, sont suffisamment vastes pour contenter le joueur. Qui plus est, le jeu ne contraint pas le joueur et le laisse libre dans ses choix d'aborder les différentes situations, en proposant en outre de nombreuses solutions et de nombreuses options.
Si esthétiquement le jeu est irréprochable, techniquement, il accuse parfois quelques faiblesses. Dans l'ensemble, le jeu se trouve dans la moyenne des productions des consoles 128 bits. On peut quand même regretter les sortes de « coutures » blanches qui relient parfois les différents éléments du décor. L'aliasing, persistant, ne gène pas outre mesure. La distance d'affichage est bonne malgré des décors vides (surtout en intérieur) ou peu détaillés. Toutefois, le constat est tout à fait honorable et le moteur graphique, le « glacier », tient ses promesses. C'est plus le design du jeu qui séduit que sa technique pure. C'est toujours mieux que l'inverse.

Abordons maintenant le gameplay du titre, qui réserve un aspect novateur très agréable pour le joueur. A chaque zone, correspondent plusieurs missions disponibles simultanément, liées entre elles. Les actes commis dans l'une auront une répercussion dans une autre. Par exemple, pour couper la surveillance aérienne d'une mission, détruisez l'héliport dans une autre. Sabotez un pilonne électrique pour couper l'énergie d'une base soviétique dans une mission, pour en voir les conséquences dans une autre. Evidemment, ces choix ne dépendent que du jugé du joueur et de sa stratégie. Avec ce principe, le jeu évite la linéarité. C'est l'une des qualités essentielles du jeu.
Autre qualité principale, le système des recrues. En accomplissant des objectifs, principaux ou secondaires, le héros reçoit des points de charisme. Une fois à cent, vous pourrez recruter une recrue supplémentaire. Le nombre des recrues est limité à douze. Arpenter les rues avec sa petite armée est un véritable plaisir, et sentir toute la puissance de feu de son escouade est particulièrement gratifiant. Il est possible de donner des ordres à son équipe, de manière individuelle ou globale. Les ordres se limitent à Attaquer, défendre ou vous suivre. Si le nombre d'ordres est restreint, éloignant le jeu d'un véritable jeu stratégique,, il est possible de les donner de manière spatiale et donc de décider de placer un de vos coéquipier là ou bon vous semble dans votre champ de vision. En ce sens, il faut voir ce système comme étant plus tactique que stratégique. Basique mais pratique, on arrive à réussir des séparations de groupes, des guet-apens, des replis et des offensives efficaces. Toutefois, il ne faut s'y méprendre. Freedom Fighters ne joue pas sur le même plan que les Rainbow six, Ghost recon ou Socom. Freedom Fighters est un jeu d'action, où l'on improvise des tactiques simples, sortes d'improvisations dans les rencontres meurtrières avec l'armée rouge, nécessitant une rapidité de réaction. Io interactive assume ce gameplay oscillant entre de l'action pure et dure et un peu réflexion, et, au final, propose un cocktail détonant.

Le jeu, malheureusement, n'échappe pas à des défauts. L'intelligence des adversaires comme des alliés est assez aléatoire. Effectivement, vous serez surpris de la lucidité des différents protagonistes, ennemi ou ami, comme de leurs actes insensés menant malheureusement souvent à leur mort. Par exemple, vous verrez assez souvent un allié sortir d'une tranchée pour attaquer une base tout seul et mourir fatalement. Des actes « d'héroïsme » que le joueur aurait pu se passer.
Au niveau des déplacements, on peut regretter un système de visée trop classique et un peu lent. Si cela n'est pas si grave, Ce qui l'est plus, c'est le nombre de mouvements limités. Si vos alliés se cachent au coin d'un mur, s'allongent pour mieux viser ou se dissimuler, vous ne pourrez pas les imiter, vos mouvements étant bridés à seulement bouger, tirer et s'accroupir. On aurait aussi aimé accomplir une roulade qui aurait permis de faire volte-face.

Nous ne pourrions terminer ce texte sans aborder - même si nous l'avons exprimé sous le terme « d'ambiance » - l'idéologie à laquelle peut se référer le jeu en utilisant l'uchronie. En effet, comme nous l'avons noté, le jeu ne manque pas d'humour et laisse une part belle à la critique du totalitarisme... qui n'est pas seulement celui des soviétiques. En effet, nous pouvons voir plusieurs exemples, comme la fameuse parodie de la propagande américaine « I want you » réappropriée par l'armée rouge. En procédant de la sorte, à travers le totalitarisme soviétique peut être critiqué les Etats-Unis. Nous pourrions même aller jusqu'à nous demander si l'habituel et usuel conflit de la guerre froide ne s'amuse pas à inverser les deux camps : l'URSS serait l'hyper-puissance américaine et les USA la résistance soviétique. Et pour le jeu, laisser en apparence, pour que cela soit acceptable par l'opinion générale, l'habituel camp vainqueur aux mains du joueur.
Cela étant dit, cette inversion, qui ne reste qu'une hypothèse, ne peut-être confirmée de façon claire. Car pour les joueurs les moins alertes, le jeu reste un jeu d'action au manichéisme prononcé (le hissage du drapeau américain pour terminer une mission, ou la mission finale - qui est une mission bonus - dont le but et d'atteindre la tête de la Statue de la Liberté), qui verse dans la parabole christique (assez en vogue dans le Hollywood actuel d'ailleurs). Le héros, qui s'appelle Christopher, est un héros à l'origine modeste, un sans grade qui va sauver le pays. Il sera vite porté par les résistances comme l'élu. L'oppression des soviétiques peut même aller à nous faire penser à la présence romaine dans l'actuelle Palestine où le Christ vécut. Les résistants à convaincre par des exploits qui augmentent le charisme du joueur, qui se limitent d'ailleurs à douze, peuvent-ils être mis en rapport avec des apôtres d'une doctrine ?


Au regard de cela, il est difficile d'établir avec certitude ce que les développeurs ont bien voulu pouvoir dire à travers leur jeu, bien qu'il ne manque pas d'humour et de second degré. Ce manque de clarté, s'il a l'avantage de rendre le jeu politiquement correct, peut être assimilé à un manque de courage ou au mieux, à une certaine facilité (du second degré dans le bon sens du poil). Le jeu a au moins le mérite d'interroger un jeu sur ses symboliques et ses significations là où d'autres sont si grossiers qu'ils ne laissent que peu de doute quant à l'idéologie sous-tendue.
numerimaniac
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le 9 févr. 2011

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numerimaniac

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