GoW : Chains of Marketing
Pourquoi ? Pourquoi faire ça ? Pourquoi, par tous les Dieux, pourquoi briser la trilogie originelle, si parfaite dans sa conception et sa réalisation ? L’histoire de Kratos était terminée, nous la connaissions en entier, et la fin de GoW3 était juste parfaite. Et puis, pourquoi incorporer un mode multijoueur ? Pourquoi ne pas laisser la franchise en paix ? Telles étaient les questions qui me hantaient lors de l’annonce de ce Gowa. Après une quinzaine d’heures de jeu et quelques making-of, la réponse est évidente…
Pour bien comprendre où nous emmène ce God of War, il nous faut rapidement retracer l’histoire de Kratos, sans aucun spoil : le premier volet nous apprenait tout sur le personnage, sur son passé démentiel. Le second était surtout une grosse mise en place du troisième opus qui, lui, concluait l’épopée de l’anti-héros de manière sombre et magistrale. Alors, que pouvait donc nous apporter ce nouvel épisode ?
Une suite à GoW3 est écartée, et encore heureux ai-je envie de dire. Gowa est donc – c’est à la mode – une préquelle ! Mais une préquelle se doit de se justifier scénaristiquement parlant. Surtout que, après le troisième opus, y’avait du boulot à faire pour ne pas décevoir… Eh bien, autant le dire de suite, c’est raté.
Une fois arrivé à la fin, je me suis résolu à abandonner la quête insensée que j’avais entreprise au début du jeu : déchiffrer un éventuel scénario caché du jeu. C’est simple, il n’y en a pas. Il y a une « révélation » au milieu du jeu, et tout va tourner autour de cela, de la manière la plus basique possible. Bordel, même Gow2 avait un scénario bien plus intelligent, bien que sous-développé. Même Chains of Olympus, le moins bon de tous les épisodes, avait plus d’idées. Idem pour Ghost of Sparta, dont le scénario avait de beaux moments malgré une structure éclatée et à la ramasse. Ici, rien de tout cela. Au début du jeu, X nous dit d’aller au point A. On y va, et on y rencontre Y, qui nous dit d’aller au point B. On y va. Crédits de fin. A peu de choses prêt, je ne mens pas. La déception est immense, d’autant plus que le jeu avait un potentiel de fou furieux : on y décrit un Kratos devenu complètement fou, rongé par ses actes passés, décidant de rompre son lien de sang avec Arès. Mais les Érinyes, « no titan nor god », les créatures primordiales de l’univers dans la Mythologie Grecque, ne l’entendent pas ainsi. Pourquoi, comment, vous le découvrirez. Mais les cinq cinématiques à tout casser du jeu sont largement insuffisantes pour poser et raconter cette nouvelle histoire. Nous y reviendrons en fin de critique.
Si le jeu fut une cruelle déception au niveau du scénario, il fut en revanche une agréable surprise sur de nombreux points : sans trop s’étaler, on trouve au cours du jeu trois artefacts (enfin 2 vrais) qui vont nous servir pour résoudre de multiples énigmes, souvent très bien pensées et bien plus intelligentes que la plupart de celles des opus précédents. Un peu plus élaborées, souvent. Néanmoins, celles-ci sont parfois rébarbatives, à cause des indications régulièrement complètement à l’ouest que le jeu vous donne, ce qui vous empêche de voir la solution qui se trouve être juste devant votre nez. Rageant.
Mais c’est au niveau du gameplay que Gowa révolutionne Gow. Oui, révolutionne. En bien ou en mal, je ne trancherai pas, c’est subjectif, mais le système de jeu en est complètement changé : dans Gow3, vous aviez un nombre hallucinants de possibilités de combos, de situations et d’armes. Ici, vous n’avez principalement que les lames du chaos, et que les attaques de base des autres Gow. Pour avoir accès aux « mega-attaques » (lvl 4 et 5 des lames des autres jeux), il faut remplir une jauge, jauge qui se remplit en enchaînant les ennemis et les combos sans se faire toucher. Le jeu incite ainsi à l’esquive, le contre et la parade, et dissuade la fuite. Ce système est encore plus intelligent quand on sait qu’il est couplé à un système de pouvoirs/Dieu. Ainsi, vous avez 4 « allégeances » possibles, interchangeables instantanément via la croix directionnelle, qui vous permet de switcher entre les pouvoirs d’Arès, Poséidon, Zeus et Hadès. En fonction de cela, votre magie et vos coups auront des effets (vraiment) différents. Et en bonus, si votre jauge est pleine, vous pourrez exécuter un coup spécial, qui la videra bien évidemment. Alors, garder la puissance ou la libérer ? Dilemme régulier et pourtant à chaque fois important.
Les combats comportent d’autres petites particularités, comme la possibilité de ramasser les armes sur les cadavres des ennemis, sympathique ajout. Ceux-ci sont donc au final bien plus techniques, ou plutôt ils obligent à une technicité pointue que seule la difficulté maximale exigeait réellement dans les opus précédents. De même, les ennemis « basiques » (gorgones, minotaures, centaures, putain de sirènes de mes couilles, Thalos, etc.) sont bien plus difficiles à battre, et chaque finish est ultra-gratifiant, ceux-ci ayant été souvent améliorés. Il y a eu un effort au niveau du bestiaire, et même les principaux modèles ont été revus, en bien. Le jeu – en mode difficile du moins – comporte donc un challenge conséquent, tout au long de la petite douzaine d’heures qu’il m’aura fallu pour en venir à bout (merci au défi d’Archimède sur lequel j’ai passé 3h).
Au niveau des situations de manière générale, ce n’est en revanche pas si rose. Toute l’intro est par exemple gravement repompée sur celle de GoW3, ainsi que d’autres scènes… De manière générale, le level design est encore plus dirigiste qu’avant, et est des fois mal agencé. On ne voyage ensuite pas assez, avec seulement 3 environnements, et trop peu de panoramas devant lesquels on s’extasie. Des Boss, on ne retiendra que l’affrontement final, absolument démentiel et magistral, assurément un des meilleurs de la série.
Pour parler rapidement du multijoueur, au centre de la communication du jeu, il est sympa, mais assez brouillon, et le gameplay ne s’y prête pas spécialement. L’insertion des créatures mythologiques est néanmoins plutôt bien pensée, et en maîtrisant bien les esquives et parades on se hissera vite en haut du classement à chaque partie. Honnêtement, j’y ai joué qu’1h30-2h, et ça me suffira, je n’ai pas envie d’y revenir, l’absence impardonnable de multi en local n’aidant pas…
Le vrai problème dans tout ça, c’est que la présence de ce mode multi a sérieusement nui au solo : pour commencer, pas de défis. Wait, PAS DE DEFIS ???!!! Instaurés depuis Gow1, même les opus PSP en avaient ! Et là, avec les particularités de gameplay, putain mais j’avais trop hâte de voir ce qu’ils nous avaient concocté. Mais rien, rien du tout. Déception ultime numéro 2. Les défis, c’est le petit truc que tu fais en plus une fois le jeu terminé car tu veux continuer à jouer. Si leur absence est là pour orienter le joueur sur le multi, c’est raté.
De même, à l’instar des opus PSP, le solo souffre de micro-imperfections gênantes pour un GoW (Rappel : la trilogie originelle avait une réalisation juste parfaite). Oui, c’est merveilleusement beau, mais c’est très lisse, on a des ralentissements occasionnels quand le jeu charge, et surtout le jeu a fait freezer ma console DEUX fois. Il aurait plus manqué qu’une installation sur DD tiens. De plus, si l’OST est énorme quand on l’écoute, comme toujours, in game elle ne fait que rarement le boulot. Certains combats sont creux car la musique est absente. Idem lors de cinématiques sensées être intenses, mais où il n’y a aucune musique. A croire qu’ils ne l’ont pas intégrée au montage faute de temps, plutôt scandaleux… Sans parler des bugs de micro-coupures de son. Bref, on pourra croire que je chipote, mais ça me tue de me dire que le jeu n’a pas eu la même finition que ses ainés, tout cela pour le multi.
(Et surtout qu’ils ont eu le temps d’incorporer un grand nombre d’indications à vomir, qui des fois buguent en plus… « Appuyez sur L2 pour activer l’amulette », à la toute fin du jeu alors que tu l’as depuis le début, c’est quand même priceless).
Et en même temps, un simple coup d’œil au making-of nous apprend que, lors de la révélation du jeu à la presse, le solo avait à peine été commencé… Oui, c’était il y a un an seulement. On y voir d’ailleurs le nouveau creative director Todd Papy dire lors du lancement de la pré-prod : « ce que les gens surkiffent dans God of War, c’est le solo. […]. Eh bien le prochain God of War, nous allons le faire mulijoueur !! »
Ca se passe de commentaire.
Au final, alors que je visionnais la cinématique de fin, très réussie, une vision m’est apparue. La vision de ce que Ascension aurait pu être et, paradoxalement, la vision de ce qu’il ne sera jamais : un jeu à la hauteur de la trilogie originelle.
En appuyant plus l’histoire sur Kratos, sur sa folie et sur ses visions qui sont quand même au centre du premier épisode, tout en donnant au jeu une meilleure finition, Ascension aurait pu être excellentissime. En l’état, il n’en est rien. Au final, les Érinyes, qui ont capturé et enchaîné Kratos, ce sont un peu les gars du marketing de chez Sony. Bien malheureusement, j’ai peur que ceux-ci soient des adversaires plus coriaces que d’habitude…
Bref, pour finir je reprendrai une phrase de Vagabond :
« GOW c'est quand même génial, même quand c'est moyen ».
Or, là c’est pas moyen, mais très bon. Mais très décevant aussi. Je recommande quand même pour les fans. Ce qui ne m’empêche pas de pleurer amèrement devant ce gâchis.
Maintenant, je me demande si Sony va enfin se décider à laisser sa franchise en paix…
Mais, comme dirait kratos :
“I would rather leave in truth”.
Et, comme dirait Orkos :
“I fear you were come to regret those words”.