Troisième fois que je lance ce jeu en me disant qu'au vu des ventes et des notes, je finirais par accrocher. Troisième fois que je perds intérêt après avoir réuni les protagonistes, que je n'y touche pas plusieurs mois, que je le relance pour n'y voir que des défauts et le désinstaller au final, déçu.
La jouabilité immédiate est correcte, bien que le tir soit insatisfaisant avec des éponges de PNJs moins réactifs que dans le IV. La plupart des fusillades se résument à prendre position, viser et cliquer. Le mouvement est rarement pertinent, et on a même des missions où un personnage secondaire nous dit où nous placer pour passivement réagir à chaque vague d'ennemis.
C'est cette insulte à l'intelligence du joueur qui caractérise la prise en main étendue, notamment la direction des missions. On passe un temps fou à marcher ou conduire en compagnie d'autres personnages, à écouter un dialogue ennuyeux. Quand l'action s'enclenche et que l'on pourrait s'attendre à des séquences jouissives, on se retrouve sur un manège très scénarisé où un joueur expérimenté ressent constamment les limites de son autonomie. J'ai en souvenir l'affreuse mission où l'on marche un chien, suivi d'une course-poursuite où, forcément, il est impossible de rattraper la cible, où il faut ensuite ouvrir des wagons, forcément, jusqu'au dernier. Même les cambriolages, qui sont centraux à l'imagerie et à la communication du jeu, se résument à quelques missions de préparation, des choix stratégiques limités, et une mission banale pour finir. Jamais on ne ressent de jouissance avec une jouabilité émergente et réactive, seulement l'impression d'être un pion qui avance dans un scénario écrit d'avance.
Bien que le design général des missions n'ait pas évolué depuis le III, les jeux précédents avaient au moins le bon goût de ne pas être truffés d'algorithmes punissant le joueur s'il dévie quelque peu de l'approche imposée. De plus, les missions principales servent encore une fois à forcer des activités annexes superficielles et sans intérêt, comme le yoga, le tennis ou la chasse, qu'on ne touche plus jamais après.
La carte est largement décevante. Une ville entourée d'un désert, le tout avec une palette très limitée. Ça me semble une erreur d'étendre la carte à la campagne dans un jeu comme GTA. Même dans SA, l'intermède entre San Andres et San Fierro est un contretemps qui casse le rythme pour ajouter du contenu peu valable. GTA IV, justement, avait recentré sur un milieu entièrement urbain, à raison car le cœur de la série dépend de l’interaction libre avec l'environnement et de courses poursuites dans une cité dense qui permet les manœuvres précises. Les grands espaces correspondent beaucoup mieux à un RDR ou même Just Cause, où il y a une meilleure adéquation entre l'environnement avec l'histoire ou la mobilité.
Certains de ces reproches pourraient être mitigés si l'histoire tenait la route. RDR2 repose aussi en grande partie sur la conduite accompagnée pour raconter son scénario, à la différence près que les personnages sont intéressants. Dans GTA V, nous avons droit à des caricatures monotones vues cent fois et un fou irrévérencieux calculé pour épater les adolescents. De ce que j'ai vu, le scénario même où Michael doit des sous à un boss de cartel sert surtout à justifier les braquages. Le dialogue est plutôt mauvais, les conflits gonflés pour donner un semblant de tension, l'humour juvénile, et le tout sert une satire assez lourde et grossière. Aucune finesse, aucune compréhension n'est exigé du joueur.
Les graphismes, d'un point de vue technique, sont bons, notamment pour la nature et les effets. Néanmoins, ils servent une direction esthétique limitée. La variété des environnements laisse à désirer et bien qu'elles soient bonnes en jeu, R* semble insister pour donner aux personnages d'affreuses animations exagérées lors des scènes. On a l'impression de voir des acteurs surjouer comme dernière tentative pour rendre les personnages intéressants.
En somme, GTA V me semble être un jeu assez cynique, fait pour servir la soupe au public en agitant devant lui un ensemble de situations et d'activités dans un emballage technique lisse. J'ai du mal à concevoir comme un joueur expérimenté et assez conscient pour développer un esprit critique dans le domaine pourrait se faire avoir par l'artifice sans être repoussé par le médiocre sous-jacent. Ma foi, à essayer pour voir de quoi il s'agit, il y a même moyen de trouver quelques heures de plaisir avant la désillusion.