On connaît de longue date les ingrédients de la franchise. La sauce prend encore une fois, et peut être même plus que jamais.
Au delà de toutes les considérations concernant la juiciness du gameplay et de la quantité des activités proposées par le soft, c'est surtout dans la richesse de ses situations que GTA V impressionne. Certes, la campagne principale évite judicieusement toute redondance grâce à un rythme mieux travaillé et surtout, la possibilité innovante de changer de personnage jouable (et donc de lieu, d'univers et d'enjeu) à la volée. Toutefois, cela ne suffit pas à identifier la nature de cette mélancolie que l'on se surprend à ressentir en pleine virée nocturne virtuelle, ni à expliquer d'où vient ce frisson ressenti sur le freeway californien, alors que l'on vient simplement de s'engager dans un tunnel... situations pourtant vues mille et une fois dans moult sandbox urbains et jeux de courses. Certains résument cette réussite dans l'utilisation systématique du terme "immersion", là où je pense qu'il est plus raisonnable de parler d'authenticité.
A la fois incroyablement crédible et vulgaire, l'environnement de GTA V ne cesse de surprendre par son sens du détail. Au bout de 30 heures de jeu, il est toujours possible de se perdre en pleine course poursuite, à pied, dans une cité pavillonnaire, en frôlant les murs et en se cachant sous des préaux afin d'échapper aux hélicoptères des autorités. La force de GTA IV se situait déjà, en dehors de son écriture, dans sa façon de nous faire percevoir son environnement. Ici, la sensation est accentuée par un rehaussement évident de la variété chromatique à l'image, une grande finesse dans la modélisation et la texturisation ainsi qu'un évident travail de recherche sur le terrain. Mais la véritable valeur ajoutée se situe dans l'imprévisibilité quasi-totale des situations, dans leur façon de nous inciter à adapter notre regard pour mieux les faire évoluer. Selon que l'on est poursuivi ou recherché, un lotissement peut être vue comme un obstacle ou une cachette potentielle. Peut être même que, si cela n'avait été pour cause du crash inopiné de notre véhicule, on ne s'y serait pas attardé un seul instant. On serait simplement passé à côté, sans y prêter attention, sans que cela ne devienne le théâtre d'un événement dramatique fort et habilement mis en relief par le dynamisme des conditions météorologiques.
Aussi, une donnée est souvent occultée de l'analyse vidéoludique (et filmique d'ailleurs) : le son. Le jeu mise au moins autant sur sa gueule que sur ses bruits pour instaurer des ambiances. Chaque moment de la journée, chaque quartier de la ville, chaque parcelle de campagne, chaque intérieur de boutique profite d'un traitement et d'une transition sonore au poil. Et tout ça sans évoquer les célèbres radios qui, en plus d'être crédibles, exacerbent allègrement les ambitions parodiques des développeurs. Ou encore les piétons qui discutent, s'engueulent, passent des coups de fils autour de vous en toute transparence. C'est peut être le point qui m'a le plus frappé, et qui m'a d'ailleurs été confirmé par le générique final. Avec une quinzaine de personnes dédiées à l'écriture des dialogues des piétons, c'est bien simple... je n'ai pas la sensation d'avoir entendu deux fois la même phrase, le même cri, la même remarque dans tout le jeu, si ce n'est pour les missions que j'ai échoué. Et encore ! A la façon de GTA IV, certains dialogues existent en plusieurs variantes si vous multipliez les tentatives.
Je ne parlerai pas ici des personnages, ces caricatures auxquelles on parvient à s'attacher. Leurs rapports sont suffisamment tissés tout au long de la campagne, et ils agissent si justement en miroir des joueurs (et de leurs attentes) que je ne peux qu'encourager ces derniers à les découvrir par eux même. Le fait est que la fameuse nouveauté, la transition "instantanée" d'un personnage à un autre, ajoute encore davantage de profondeur à cette mine de situations imprévisibles qu'est Los Santos et Blaine County.
Le parfait simulateur cathartique de chaos Californien.