Vous ai je déjà parlé de ce pote à moi ?
Cet ami dont la consommation de Curly quotidienne et en quantité astronomique lui valu l'érection d'une statue en bronze de douze mètres de haut à son effigie, planté au beau milieu du siège social de la société à Vic-sur-Aisne. Une statue vénérée par les quelques centaines d'employés travaillant sur le site, lui vouant un véritable culte, dansant presque nus autour de l'idole le jour de son anniversaire en se jetant des cacahuètes grillées au visage.
Cet ami, diplômé en histoire du cannabis à travers les âges, spécialisé sur l'usage intensif de la plante étoilée sur les populations Languedociennes durant la croisade contre les Cathares et Docteur ès-roulage de trois-feuilles avec une main attachée dans le dos et les yeux bandés.
Les louanges sur son dernier achat (Un DVD à la jaquette, ma foi, fort intrigante.) qu'il me faisait, me firent saliver et c'est donc tout naturellement que je me rendis chez lui un pack de Kro dans les mains.
Cet achat était un film. Un genre de Western post-moderne où quelques cowboys priapiques au regard vide buvaient du faux Whisky dans des verres à moutarde au fond d'un saloon en carton pâte, passant plus de temps sur le dos de belles indiennes à l'accent Marseillais que sur leurs propres chevaux; et dont la présence "envahissante" de l'étalon Italien Rocco Siffredi méritait bien l'appellation, trouvée par mon pote, de ce nouveau genre cinématographique: "Le Western Cannelloni"
J'arrive devant sa porte, je frappe et j'entend un sonore : "Entré, càbron !!"
Je vois mon vieux pote affalé sur ce canapé déchiré aussi crade qu'un modèle d'expo chez But, les doigts de pieds en éventail devant son écran.
Une chaîne de vélo de couleur doré peinte à la bombe autour du cou, une paire de Rayban "Aviateur" sur le pif qui avait effectivement dû tomber d'un avion et une chemise Hawaïenne multicolore qui ferait passer Magnum pour un témoin de Jéhovah neurasthénique.
Je m'assois près de lui, je prend un curly. Tout à coup il se lève d'un bond les yeux injectés de sang, me file une mandale et me menace d'un flingue en plastoc surement volé au môme du dessous.
Il me tient en joue m'expliquant d'une voix d'Espingouin de Clermont-Ferrand, une voix entre Garcimore et le Chat potté, qu'i n'est plus le même homme.
Qu'il a changé. Que tout ce que je vois sur l'écran est à lui : Les baraques avec vue sur mer, les caisses de bourges, les yachts, les hélicos, les gonzesses...Tout est à lui !
Que dorénavant je devrais lui montrer plus de respect et que si je voulais un putain de Curly, je devrais en faire la demande à son homme de main qu'il ne devrait pas tarder à engager.
Je ne dis rien le sentant très fébrile, je caresse ma joue en feu en jetant un oeil sur l'écran.
GTA "Vice city" ! Bon sang mais c'est bien sûr !!
Une putain de ville. Un putain de monde pour toi tout seul !
Une liberté absolue.
Un but : Devenir le boss de cette ville gigantesque gangrenée par la mafia, les flics véreux, le vice et les putes.
Un jeu qui libère tes instincts les plus vils et tes fantasmes les plus inavouables.
Qui pourrait t'empêcher de rentrer dans un commissariat et faire moins 50% sur le poulet fumé ?
Qui pourrait t'interdire de mater de belles prostiputes se désaper dans des clubs de strip-tease, leur foutre la main au cul et leur filer une beigne en guise d'au revoir avant de partir dans ton hélico perso ?
Qui pourrait te faire renoncer à tes virées en bagnoles dans la ville, ces concours de petit vieux écrasés au son d'un bon vieux Kool and the Gang ?
Et ces carnages à la tronçonneuses sur la plage quand reviennent les beaux jours ? ..Hein, QUI ??
C'est justement au moment de démarrer la tronçonneuse de son père qui traînait sur une étagère pour me couper un bras, que la radio, la sublime radio V-Rock, balança le "Peace sells" de Megadeth https://www.youtube.com/watch?v=aiQpRQeIiHY.
Son regard fou et enragé qu'il tenait sur moi comme un chat sur une souris redevint aussi vitreux et placide qu'autrefois.
La tronçonneuse qu'il tenait au dessus de sa tête pour trancher cette main voleuse de Curly, tomba par terre.
Son corps raidit par la haine et la vengeance se ramollit à la vitesse de la lumière.
Il se laissa tomber lourdement sur son canapé, ôta sa chemise Hawaïenne, remit son vieux tee-shirt troué de Megadeth et lâcha d'une voix fatiguée et monocorde : " Vas-y c'est bon, roule un bédo."
Il était revenu.