Franchement le jeu a quelques bonnes idées (un peu partout), mais est aussi passablement honteux (un peu partout …).
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Le contexte est cool sur son ressort de base et fait vraiment la force principale du jeu : c’est la colonisation du Nouveau Monde sauce univers de fantaisie, surnaturel un peu mais pas trop.
L’ambiance générale est plutôt bien retranscrite, notamment grâce à de vraiment superbes panoramas régulièrement saisissants (mais il faut bien comprendre que ce ne seront là que des panoramas, du décor avec lequel on n’aura pas d’interaction / où on ne se rendra pas réellement). Les graphismes soufflent d’ailleurs vraiment le chaud et le froid, entre donc des environnements régulièrement splendides, et les lieux où l’on se déplace directement parfois indignes ; a fortiori les intérieurs même pas digne de la réalisation d’un stagiaire (les « aménagements intérieurs » surréalistes ; les palais, mais wtf??), en plus tous honteusement copié-collé (l’intérieur des maisons sont touts exactement pareil avec juste qqs modifs sur le mobilier ; l’intérieur des palais sont tous exactement pareil avec juste qqs modifs sur le mobilier ; etc. …). Les extérieurs s’en sortent bien mieux, notamment de bien belles forêts ou grottes, l’ensemble bénéficiant notamment d’un éclairage très convaincant.
L’écriture en revanche est un véritable naufrage ! Tout est pétri d’aberrations complètement hallucinantes, à commencer par les natifs qui n’ont aucune spécificité ethnique, mais pire encore, mélangent sans problème des individus aux traits bien purement caucasiens, et d’autres d’aspect afro-américains, des bruns, des blonds, des roux, des persos avec des dreads, d’autres avec des coupes et des barbes taillées comme des bellâtres de télé-crochet (ah oué y’a des tondeuses électriques dans les huttes ??), tout ça dans un même village (mais en revanche aucun métissage en vue, naturellement...), dans le genre factice et indigent ça se pose là !! L’impression de voir une troupe de théâtre amateur grimée à l’arrache ; ah oui parce que sinon y’a un bien douloureux côté « bon sauvage », limite si nos « acteurs » si outrancièrement dépareillés n’ont pas des os dans le nez pour tenter de faire « illusion » … MAIIIIS sinon, ils parlent tous anglais (enfin, la langue des nouveaux arrivés de l’Ancien Monde), avec un accent douteux et évidemment qqs mots locaux insérés dans les phrases pour faire authentique (ou faire ridicule plutôt ?) … et évidemment ils ont des rèfs culturelles complètement similaires aux colonisateurs (genre ils vont te dire que tel lieu se trouve « au nord-ouest » … ou encore, nommant « pour faire authentique » les différentes factions par une description triviale des armoiries, parlent des « lions dorés » (pour la faction ayant ce symbole sur son blason), alors que les lions n’existent pas sur ce continent … Et puis les huttes contiennent des sacs de pomme-de-terre, de pommes ou de poissons … alors qu’il n’y a aucun pommier nulle part et aucun village côtier ou juste aucun pêcheurs … … Bref, je me suis trouvé pris en étau entre malaise, consternation atterrée et décrédibilisation complète de son univers … Chaud d’atteindre ce niveau de nullité. (Et puis je parle du traitement des natifs, mais tout reste dans ce niveau d’incurie intellectuelle, on pourrait parler du traitement de la religion et de la science (chacun attribué à une « faction »), etc.)
L’histoire n’est pour autant pas complètement nulle, elle, qqs idées sympas, même si les thématiques (intéressantes) empruntées à l’Histoire sont assez violemment édulcorées et sombrent dans des compromis sirupeux plus que douteux (ok on s’installe sur vos terres sans vous demander, on massacre les villages qui sont pas d’accord, on saccage vos forêts, vos sites sacrés, vos gardiens de la forêts et vos animaux-amis, mais au final on regrette, on est ok pour dire que c’était mal, alors on fait la paix et on reste là à étendre notre urbanisation et écraser votre culture ; en même temps vous avez tellement à apprendre de « la civilisation », c’est une opportunité quoi …). Et puis globalement les intrigues sont tellement écrites à l’arrache, et tirent en longueur stérilement autour de prétextes risibles que trop souvent les qqs idées font malheureusement long feu…
Dommage parce que l’idée de nous faire incarner un diplomate de haut rang (bon, mâtiné d’Indiana Jones et de super-combattant) forme un bon prétexte à se trouver pris à partie dans tout cet ensemble d’intrigues ; mais décidément le traitement ne suit pas.
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Question structure du jeu, c’est un peu la même tambouille de qqs idées pas mal mise à mal par une mise en œuvre parfois vraiment cata.
Alors on sent des velléités d’open-world, mais ça n’en est pas un du tout ; ce qui en soi n’est absolument pas grave ; mais c’est pas une raison pour du coup faire n’importe quoi … En gros le « monde » se subdivise en plusieurs cartes explorables, et chaque extrémités d’un chemin en bordure de carte débloque la carte suivante … MAIS n’est pas un point de passage connexe (on n’arrive pas à l’autre carte sur la suite immédiate du chemin que l’on vient de quitter (ce qui au demeurant aurait du coup pu correspondre à « un open-world mais avec des chargements » (ce qui aurait au final été le meilleur choix sans doute vu les prétentions du jeu ? et techniquement sans difficulté supplémentaire à ce qu’il propose déjà)), on arrive genre on a l’impression 200km plus loin, ce qui reste assez violemment incohérent avec l’idée qu’on doit explorer un bout de map pour atteindre la suite (mais en revanche la suite s’explore toute seule / sans intervention / sans difficulté elle ??) ; et puis en fait ces extrémités de carte correspondent juste à un très explicite « point de voyage rapide », allant aussi bien à la carte la plus proche que n’importe quelle endroit du Nouveau Monde, ce qui là encore dénature profondément l’idée d’exploration et rentre assez violemment en dissonance avec les enjeux représentés. Il faut bien voir que par là le « voyage rapide » (= la téléportation arbitraire d’un point du monde à un autre) n’est pas comme souvent une facilité optionnelle pour rejoindre un lieu, mais le seul mode de déplacement du jeu. En plus ces « voyages rapides » sont agrémentés d’une phase imposée chez un marchand, qui, en plus d’être bien lourdingue et là encore d’une artificialité et incohérence qui casse méchamment l’immersion (genre je pars en exploration dans des coins reculés et inexplorés d’un nouveau continent et en cours de route je trouve un marchand itinérant richement achalandé), rend tout le concept d’aller chez un marchand dans une ville complètement superflu. En plus les points de voyage rapide se démultiplient rapidement (les feux de camps, les villages, …) … et s’avèrent au final surtout bon à nourrir des quêtes à l’inconsistance crasse, dans le genre machin te dit « va voir untel pour lui proposer un traité de paix », untel rétorque que seulement si machin accepte d’accueillir les membres de sa tribus dans son village, on retourne voir machin qui dit que c’est ok, donc on retourne voir untel pour lui dire « c’est ok ! », untel nous dit que du coup pour le traiter de paix il donne rendez-vous à machin dans telle clairière sacrée, on retourne voir machin pour lui donner l’info, qui nous dit « ok » et il faut retourner voir untel pour accuser réception … (je caricature un peu … mais à peine !!) … et évidemment les deux protagoniste sont chacun à 2m d’un point de voyage rapide, donc la « quête » consiste juste à passer itérativement d’un point de téléport à l’autre … n’importe quoi.
Et puis les zones explorables sont un peu une blague en terme d’exploration, puisqu’au final constituées de couloirs bien visibles avec qqs embranchements menant par endroits à qqs zones un peu plus larges … bref, pas grand chose à « explorer », juste suivre le sentier, consentir à un détour en visitant le sentier qui va sur la gauche quand la quête pointe tout droit, et combattre dans les arènes dédiées … En plus le jeu est pétri de zones qui attendent ostensiblement une quête qui viendra plus tard pour s’animer, donc on prend à droite pour voir, on tombe sur un long chemin « escarpé » (« escarpé » d’un point de vu visuel, sans retentissement sur la progression ou le gameplay rassurez-vous :nerd:) qui nous mène avec beaucoup d’emphase jusqu’à un large plateau donnant sur le vide … où il n’y a juste rien … parce qu’en fait c’est pour une quête plus tard. (Ou encore quand à l’inverse on trouve des éléments lié à un évènement qui n’a pas encore eu lieu, ou que je me suis trouvé à visiter dans les premières heures de jeu un sanctuaire sensé être un point culminant de la fin de l’histoire (et donc occire dès le début un « gardien » sensé être pour la fin (et du coup sanctuaire étrangement sans rien çà y faire au moment où je l’ai fait, juste je boucle et me retrouve à l’entrée sans comprendre ce que ça fait là.))
A côté de ça il faut à l'inverse saluer qqs quêtes annexes très touffues voire indispensables à la compréhension et la tenue des enjeux, qui ouvrent pour le coup accès à des zones spécifiques parfois particulièrement réussies.
Sinon le jeu fait la part belle au micro-loot des enfers, à savoir qu’on glane les pièce d’or par lot d’une ou deux un peu n’importe où (des caisses, des coffres, des tonneaux, … disséminés n’importe où), au craft-débile où on va glaner de même du « cuir », du « fer », et puis aussi de la cueillette, pour créer des potions alchimiques ou pour enduire nos lames … ah oui parce qu’en plus le jeu copie-colle bien honteusement tout un pan de The Witcher 3, sans aucun à-propos ou réappropriation !! On a ainsi également des phases d’« enquête » où on va analyser des cadavre et suivre des traces de pas … On va aussi devoir débarrasser des zones d’infestation de monstre en faisant exploser des nids avec des bombes alchimiques, faisant sortir un chef de meute plus costaud (oui, tout pareil !!), on loot sur les créatures occies des « essence de monstres », de la « bile », etc. (oui, tout pareil !!), on retrouve les quêtes « untel est allé en forêt et n’est jamais revenu » ou « notre convoi a été attaqué, retrouve la carriole sur le lieu de l’attaque et des indices pour retrouver le méchant », on retrouve aussi moults décors et mise en scène quasiment décalqués (les camps militaires, les champs de bataille, les laboratoires alchimiques, …) … Bref, vraiment honteux sur ce point !! (D’autant que, donc, sans le moindre effort de réappropriation, ou au moins d’à-propos ; et donc pas toujours dans ce qui étaient les bon points du jeu de CDProjekt …).
La gestion de l’équipement est complètement aux fraises, déjà reposant sur le tristement mécanique système de « couleurs », mais en plus des armes ou armures « légendaires » uniques qu’on trouve via certaines quêtes / un peu d’exploration sont régulièrement bien inférieures à une arme achetable chez n’importe quel marchand un peu boostée (oui, y’a aussi le système où l’on peut insérer des talismans sur l’équipement pour augmenter certaines stats … tout pareil...).
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Abordons enfin le gameplay (= les combats), qui est plutôt pas mal ou en tout cas repose sur des bases sympas : En plus des dégats, deux variables centrales rentrent en compte :
- L’armure, qui fonctionne de façon soustractive et pas par atténuation proportionnelle ([dégâts reçus] = [dégâts portés] - [points d’armure] ; et non pas [dégâts reçus] = [dégâts portés] / [atténuation d’armure]), ce qui permet de restituer une différence énorme entre une arme rapide à peu de dégâts et une arme lente à gros dégâts, qui aurait « théoriquement » un « DPS » équivalent → du coup, non : si l’ennemi a une grosse armure, l’arme à petits dégâts pourrait bien ne quasi rien infliger car chaque coup sera quasi entièrement annulé par l’armure. Le truc en plus c’est que cette armure va pouvoir être affaiblie en portant des coups, les armes ayant des caractéristiques spécifiques sur leur faculté à faire baisser l’armure indépendamment des points de dégâts (p.ex. les grosses masses, ou les fusils), il conviendra ainsi contre un ennemi particulièrement cuirassé de d'abord lui faire tomber l’armure avant d’espérer attaquer sa barre de vie ; même s’il existe aussi des dégâts qui sont indépendant de l’armure (dégâts de feu ou dégâts « magiques » par exemple).
- L’équilibre, qui est en gros une stat de résistance à l’impact (qui répond à une stats de « déséquilibre » qu’ont les armes (prépondérante sur les armes lourdes et armes à feu)), qui fait qu’on va ou non pouvoir stopper une attaque en cours et occasionner un court temps de vacillement à l’adversaire lorsqu’on frappe, voire le faire chuter au sol, ce qui a une incidence très importante dans les combats. Avoir une grosse masse qui permet de stopper l’attaque et faire chanceler une fraction de seconde un gros ennemi aux attaques meurtrières peu faire de grosses différences.
S’y ajoute sinon, outre l’esquive (roulade) et la classique parade (plutôt bien associée avec la mécanique d’équilibre : parer un coup puissant ou la charge d’un animal préviendra des dégâts mais pas d’une chute au sol p.ex.), un coup de pied qui permet de faire vaciller les ennemis pas trop lourd (sans dégâts) rajoutant des possibilités en combat (contre humains notamment).
Bref, c’est intéressant, avec en plus de bons feedbacks, et le fait que tant l’attaque de l’armure que le déséquilibre soient particulièrement portés par les armes à feu (coucou Bloodborne) rend la classe de « technicien » (armes blanches légères + armes à feu) probablement le plus intéressant à jouer, et en tout cas assez cool en jonglant ainsi entre corps-à-corps et tirs à distance (les deux autres étant le « guerrier » = armes blanches lourdes ; et le « magicien » = des attaques « magiques » tirées à distances, qui parait vraiment le moins fun (après on peut au demeurant à partir des stats et équipements de départ se réorienter vers n’importe quelle compétence)).
Le truc, c’est que le jeu démultiplie les combats, tous les 50m on tombe sur un troupeau de bovidés mangeur d’homme ou de requins sur patte (?), plantés là en pack de 5 fixant immobile une parois rocheuse, et tous les patterns des ennemis se ressemblent, et puis y’a à peu près jamais de panachage (quasi toujours un pack de 5 monstres identiques (dont 1 « chef » plus gros / plus puissant)), bref, malheureusement sur une base intéressante la répétitivité et l’ennui gagnent très très vite … Les boss sont sinon vraiment stylés en terme de design et d’animations … mais les combats n’ont pas grande saveur malheureusement (on joue finalement pareil que contre n’importe quel ennemi, sauf qu’il a plus de PV et fait plus mal). Y’a des combats contre des humains qui sont un peu différents (la parade et le coup de pied peuvent prendre un rôle prépondérant dans ce cas), mais ce type d’affrontement aussi on en fait vite le tour par manque cruel de variété et d’idées.
En plus, système qui se veut RPG oblige, les armes de plus en plus haut « niveau » se justifient par l’adjonction de caractéristiques normalement plus dédiées à d’autres classes d’armes (genre les épées haut niveau font finalement aussi beaucoup de dégâts d’armure et occasionnent aussi du franc déséquilibre), et en parallèle les plus gros ennemis, pour coller à leur dimension et dangerosité supérieure, se voient de toute façon dotés de stats d’équilibre qui les rends quasi invulnérable au vacillement même aux masses d’arme les plus lourdes … et donc tout cela tend vers une perte de richesse des mécaniques de combats.
En revanche les "compagnons" marquent un vrai bon point (et point de divergence notable avec le modèle principal The Witcher 3). Nous accompagnant toujours par paire à piocher dans un roster qui s'enrichira au cours de l'aventure, chacun correspond à un archétype de combattant (tank, soigneur, tireur à distance avec gros potentiel de vacillement des adversaires ; chacun ayant, en plus d'un type d'arme contraint (lui ne pourra utiliser que des armes contondantes, elle que des fusil, etc.), un "pouvoir spécial" généralement très utile) et s'avèrent réellement très efficaces en combat tout en se montrant d'une certaine vulnérabilité, et l'équilibrage sur ce point (ni trop forts ni trop faibles, ni trop résistants ni trop fragiles) est une réussite, clairement on n'est pas tout seul dans les combats, et ça se ressent quand nos compagnons ont fini par tomber (parce qu'on ne les a pas assez couverts). Mais chacun correspond aussi au représentant d'une faction type, et à ce titre une excellente idée du jeu est que les deux compères qui nous accompagnent rentrent en compte dans les phases de dialogues, et p.ex. si on ouvre une discussion avec le gouverneur d'une faction bien raciste alors qu'on a à nos côté l'alliée autochtone, les réactions pourraient être cinglantes (mais aussi l'occasion de renvoyer sèchement notre interlocuteur à l'inacceptabilité de ses propos) ; à l'inverse une discussion tendue avec un représentant d'un ordre religieux un tantinet obtus pourra voire son cours changer si on a à nos côtés l'allié prêtre de la même obédience. Ça c'est vraiment un point trèèèès réussi, aux implications très prégnantes. En revanche l'écriture sur cet aspect reste en grosse demi-teinte, et p.ex. alors que je n'ai jamais partagé une seconde d'aventure avec certains des compagnons disponibles, ils témoignaient à mon écart une amitié et une complicité exacerbée lors de certaines cinématiques obligées, pour un résultat bien malheureux en terme de cohérence narrative .... Bref, mécanique ambitieuse, avec ses réussites, mais aussi malheureusement ses écueils.
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Bref … Y’a des trucs intéressants (le contexte, certains panoramas et ambiances visuelles, les bases du système de combats, l'usage des compagnons), mais régulièrement gâchés par une mise en œuvre qui atteint parfois le franchement honteux.