Ne faîtes pas de promesses à un joueur... si vous n'êtes pas sûr de les tenir
Septembre 2007. Bungie conclut sa trilogie et abandonne John-117 et Cortana à errer dans l’espace. En dérive vers un monde forerunner inconnu, le joueur assimile à peine les quelques bribes d’informations dispersées dans les terminaux du jeu. Le Didact. La Librarian. Mendicant Bias. Le Flood. Un pan entier de la mythologie commence à se dévoiler.
2008 – 2012. 343 Industries, fraichement fondé, développe et alimente ce background endormi. Halo Legends, un peu. Halo Cryptum, beaucoup. Guerre humano-forerunner. Précurseurs. 343 Guilty Spark. La création des douze Halo. L’univers est démultiplié.
Pendant ce temps, chez Bungie, on s’offre deux récréations pour combler cinq ans d’attente : Halo ODST et sa structure inédite, Halo Reach et son fan-service raté. La formule est polie, portée à aboutissement. Le savoir-faire est immense.
Novembre 2012. Halo 4 : atterrissage de la plus grosse production culturelle de l’histoire de Microsoft, dans la douleur et l’incompréhension.
Chronique d’un raté inconcevable.
La chance des talents de 343 Industries, forts de leurs pedigrees et de leur fraicheur, était la possibilité de créer du neuf dans du vieux ; engoncée dans ses codes et sa formule, la série commençait à perdre sa singularité.
La réussite, aussi, de 343, était les nouveaux éléments captivants qu’ils avaient instaurés au cours des longues années séparant les deux trilogies. Les fans aux anges avaient été bombardés de matière à ingurgiter, et Halo 4 devait dans un premier temps à la fois faire office de digestif et de premier dessert.
L’échec est proportionnel à la grandeur des opportunités gâchées.
D’un point de vue narratif, le parti-pris d’approfondir les personnages centraux de la série est réellement intéressant, et certainement la première des rares réussites du jeu. Cortana et John prennent en volume, isolés dans un casting extrêmement réduit et clairement moins profond.
L’absence d’introduction décente aux nouveaux moteurs de la série est en revanche un attentat scénaristique. Le Didact, seul antagoniste, n’est ni survolé ni sous-exploité, il est simplement absent. Le fil rouge du jeu se dilue dans l’incompréhension des enjeux et des motivations.
Les péripéties se raréfient et font difficilement sens. Les transitions sont abruptes, presque anormales.
Premier pilier d’une trilogie en construction, le scénario d’Halo 4 apparait bien fragile, tant il ne semble rien installer décemment des fondements supposés des prochains épisodes. Ceux-ci auront bien du mal à hériter d’une telle introduction bâclée. Aboutissement logique de cinq ans de création intensive, Halo 4 ressemble à s’y méprendre à une suite opportuniste irréfléchie. Insuffisant pour les initiés comme pour les autres.
Plus inattendue encore est la régression nette de la conception des missions elles-mêmes. Les objectifs sont indignes d’une production de cette ampleur, les environnements sont moins bien construits que dans les deux derniers opus principaux, les affrontements sont confidentiels.
Même les sensations, artefact préservé de la licence depuis le premier opus, s’avèrent parfois médiocres, la faute à un bestiaire catastrophique.
Les ennemis, nouveaux comme anciens, sont, sinon complètement inintéressants, souvent désespérément pauvres. La nouvelle caste d’adversaires est une insulte à l’histoire de la série, entre une IA approximative et un nombre de classes ridicule. Leurs apports se limitent à une demi-douzaine d’armes, qui amènent peu et parfois rien, s’offrant même le luxe de ne comporter aucun véhicule dédié. Les ennemis traditionnels de la série restent sans complexes les plus intéressants et amusants à affronter, et ceci en se présentant uniquement sous forme d’ersatz du bestiaire fantastique d’Halo Reach.
En-dehors de quelques idées de mise en scène modernisant par fulgurances le propos, la campagne apparait simplement obsolète. Plutôt que de propulser la série dans une nouvelle ère, Halo 4 brise ses acquis et s’effondre laborieusement.
D’autres erreurs sont simplement incompréhensibles. Si les bruitages et la bande sonore sont fantastiques, le mixage sonore est une infamie. La musique est quasi-systématiquement couverte par le bruit assourdissant des combats, et elle ne relève la tête que par à-coups, notamment à la fin du jeu.
Finalement, la plus grande réussite du jeu, et la meilleure raison de le parcourir, reste sa réalisation époustouflante. Bien plus que la démonstration de force technique, c’est le sens aigu de la composition visuelle qui coupe le souffle à de nombreuses reprises. La direction artistique est somptueuse de bout en bout, les plans magistraux se succèdent à une cadence affolante. Rarement un jeu aura autant ressemblé à ses artworks.
Je reprends à mon compte une formulation formidablement juste d’un critique américain : “Halo 4 demonstrates that if there’s one thing worse than more of the same, it’s less of the same“. Scénaristiquement inachevé, ludiquement obsolète, Halo 4 passe à côté de son propos. Bienvenue en 2557, 343 Industries. On attend toujours de vous voir arriver en 2012.
PS : Le multijoueurs est moderne, dynamique, accessible et divertissant.