Critique originale publiée sur chronicart.com
Petite délicatesse inhabituelle qui attend le joueur à la fin de Halo 4: L'équipe de 343 Industries laisse un court message de remerciement pour la confiance qui lui est accordée, et promet tout son dévouement au futur de la série. Signe qu'il est un élève sérieux, Halo 4 s'avère moins jouissif que ses aînés, mais il compense par sa technique, et surtout, parvient à reconduire ce qui fait le génie de la série, son gameplay brillant de maîtrise du rythme et de l'espace, comme une certaine idée d'architecture narrative, pour reprendre ce terme d'Henri Jenkins dont nous parlaient encore récemment les créateurs de Dishonored. Chaque escarmouche déploie ainsi sa propre histoire ludique et singulière, bâtie sur la découverte d'un nouveau lieu (on visite une planète entière, de son noyau jusqu'à son orbite) et ses fameuses zones de « bac à sable », espaces gigantesques construits pour que le joueur puisse établir différentes stratégies (va-t-on prendre l'ennemi de revers, se cacher à bonne distance, ou encore lancer un assaut direct à bord d'un véhicule trouvé sur les lieux?).
Le problème avec Halo reste que ce sens de la narration demeure local et incapable de trouver un cadre plus classique. Dès que la série tente de se donner un peu d'épaisseur et de profondeur par le scénario, elle reste prisonnière de son univers et d'une esthétique qui restent foncièrement bébêtes. Ce ne serait d'ailleurs pas tant un problème en soi (cela fait quelque part aussi son charme, comparé aux licences guerrières et vulgaires qui sont désormais monnaie courante), si précisément, l'équipe de 343 Industries ne tentait pas aussi d'accrocher un peu de sérieux sur le dos du Master Chief et d'y voir autre chose qu'une icône d'action décomplexée. L'on perçoit ainsi l'écho de Dead Space après l'attaque d'une station orbitale, et l'intrigue fait montre d'une gravité sans précédent, mais rien n'y fait. Le jeu a beau s'affairer autour de son héros en lui tissant une relation intime et tragique avec sa compagne d'aventure, offrir un réalisme des expressions bluffant dans les cinématiques, le centre de toute cette attention marque un vide total, avec son allure de figurine reproductible à l'infini, comme un jouet seulement bon à servir sur des champs de bataille imaginaires et enfantins. A son pic d'intensité dramatique, le jeu tombe ainsi complètement à plat car au fond, le joueur n'a plus le contrôle de rien, laissant son héros comme un vague pantin désarticulé. Condamné d'emblée par cette réalité trop ludique, Halo 4 marque en définitive l'échec d'un jeu qui rêvait de sortir de son bac à sable.