Lancer un jeu Double Fine, c’est l’assurance d’avoir un minimum de crétinerie dans la manette, et d’assister à un spectacle visuel que l’on ne voit pas ailleurs. Après l’infiltration en mode poupées russes avec Stacking, le road-movie métalo-Jack Black dans Brütal Legend ou l’exploration des rêves hallucinés dans Psychonauts, la bande de Tim Schafer nous propose cette fois-ci Headlander, un Metroidvania qui fleure bon les années 70 où vous aurez le plaisir de contrôler… une tête.


On parlera plutôt d’un casque avec une tête à l’intérieur, celle de votre personnage dont vous aurez choisi l’apparence en début de partie parmi trois propositions (sans vraiment d’incidence durant le jeu). Ce casque a la particularité de disposer de fusées arrière permettant la propulsion et son bon déplacement dans toutes les directions. Son autre spécificité est de pouvoir se greffer sur n’importe quel robot du jeu (sans tête, donc) afin de le contrôler et vous balader dans les niveaux. Vu que votre épopée vous conduira sur un gigantesque vaisseau peuplé d’androïdes complètement « stone », il sera donc très facile de piquer une tête, non pas dans la piscine, mais plutôt celle de vos adversaires.


Pour cela, votre appendice préféré possède plusieurs fonctionnalités pour survivre, dont une sorte d’aimant ultra-puissant pour déboulonner n’importe quelle tête, pour peu que vous évitiez les tirs lasers et les volées de poings qui tentent de vous abattre comme un moustique. Le casque pourra s’améliorer grâce à des points d’expérience, aussi bien pour la tête elle-même que pour le robot que vous contrôlez. Le joueur pourra, par exemple, se servir de sa tête pour se propulser dans des conduits ou surcharger des engins électriques, et même effectuer des tactiques plus élaborées lors des combats, telles que se servir d’un robot comme d’une tourelle, faire exploser la tête d’origine ou même le robot tout entier, lorsque tout espoir semble perdu. Dans Headlander, les barres de vie de votre tête et du robot dont vous avez pris possession étant distinctes, le joueur pourra sans crainte tester diverses tactiques explosives pour anéantir vos ennemis dans un fracas de métal assourdissant.


Dans les faits, chaque robot dispose d’un code couleur qui correspond à son niveau de sécurité, allant du rouge au rose. Sachant qu’un robot d’une certaine couleur ouvre aussi bien les portes de sa couleur que celle à un niveau inférieur, il faudra faire attention à protéger votre nouveau corps parfois trop fragile pour traverser une zone de combat. Cela se traduit aussi par l’arme principale faisant loi ici bas, le laser, qui devient de plus en plus puissant et pourra rebondir bien plus de fois. Le jeu donnant la possibilité de se planquer derrière de multiples obstacles, on pourra donc préparer son tir à l’avance en visualisant le tir à la Puzzle Bobble, histoire de dégommer un robot un peu trop bien planqué. À noter que ces machines disposent aussi de tirs particuliers, qui peuvent aller d’un tir simple au double, voire triple, ou même tirer en diagonale.


Le jeu profite de ce système de sécurité pour poser les bases de son aspect Metroidvania. Pour faire court, Headlander est constitué d’un gigantesque monde où se trouvent plein de petites salles bloquées par des portes. Certaines n’ont pas besoin de robots de couleur pour s’ouvrir, d’autres si. Elles ne s’ouvrent qu’en présence d’un robot, n’espérez donc pas les passer avec votre simple tête, sauf si un tir perdu atteint la porte, déclenchant son ouverture. Même si les principaux objectifs sont régis par les obligations du scénario, le jeu demande surtout de dénicher le robot de la bonne couleur et le conduire sain et sauf à la suite du niveau et débloquer le passage. Une mécanique qui aurait pu prendre la tête à beaucoup de joueurs, en multipliant les longs allers-retours pour allonger la durée de vie. Fort heureusement, le level design est plutôt bien conçu et multiplie les raccourcis ou les passages secrets pour éviter la répétitivité. Cela passe aussi par des téléporteurs salvateurs et des zones de soin permettant de se refaire une santé, même si le jeu facilite la chose en instaurant un auto-regen améliorable.


Double Fine a la bonne idée de scinder le jeu en plusieurs secteurs avec des approches du gameplay particulières et des variantes spécifiques. Dans le deuxième « secteur », le joueur devra jouer avec la verticalité des niveaux en débloquant des ascenseurs dans chacune des salles disposées un peu partout. Il faudra jongler entre les capacités de la tête et de son bouclier pour passer les lasers et activer des ascenseurs pour descendre des robots avec la bonne couleur sans les faire détruire par ses camarades un peu trop zélés. La suite vous oppose à une « Reine » robot qui passe ses journées à recréer des parties d’échecs en mode « Battle Royale » avec des engins aux formes bizarres (les cavaliers sont affublés d’une queue de cheval et rappellent par leurs façon de bouger les chevaliers de Sacré Graal) et effectuant des tirs correspondant à leurs fonctions (les cavaliers tirent en « L »). Un concept débile et absolument génial, dans lequel vous devez guider chacune des « pièces » au milieu de ce champ de bataille, esquivant les lasers qui tirent de toute part.


Cependant, tout n’est pas rose au pays des robots hippies sniffant des cristaux mystiques. Certains défauts sautent parfois à la figure, comme l’aspect bordélique de passages particuliers. Je parlais de certains secteurs plus haut : malgré leur efficacité quant aux moyens d’arriver à ses fins, il faut reconnaître que les premiers pas demandent un petit temps de reconnaissance pour voir comment le niveau est organisé et ne pas se paumer dans ces multitudes de portes et de couleurs, le jeu faisant fi de toute logique dans la cohérence et rendant le tout parfois labyrinthique. Ce n’est pas vraiment un souci en soi, sauf quand on veut se repérer facilement à travers certaines pièces qui ont l’air de se répéter à l’envie. Les niveaux manquent de lisibilité dans l’action et dans le visuel, ce qui empêche le joueur d’avoir de vrais repères pour trouver son chemin.


On notera aussi des choix de gameplay un peu lourdingues, comme le fait que votre personnage passera automatiquement dans la pièce suivante lorsqu’il est simplement près de la porte. Cet aspect automatique est difficilement compréhensible, surtout pendant une séquence d’action où votre robot sortira de la pièce parce qu’il a eu le malheur d’être un peu trop près de la sortie. Rageant. On constatera aussi un manque de lisibilité lorsque vous vous retrouvez avec trois ou quatre autres robots identiques au vôtre, les indices permettant de discerner votre carcasse des autres étant aussi rares que les dialogues de votre personnage. Heureusement, ces quelques travers sont facilement pardonnables devant le plaisir que l’on prend à parcourir le jeu.


Il faut reconnaître que l’aspect 70’s de Headlander lui donne une allure rafraîchissante. Entre les mélodies savoureuses cheapos électro des temps de chargements, les couleurs flashy dignes des films de blaxploitation ou les gimmicks arcs-en-ciel des téléportations, tout respire le kitsch de bon goût, avec des designs tout droits sortis des vieux comics pulps de science-fiction. Même si l’aspect visuel reste correct sans être transcendant et un peu pollué par un aliasing persistant, il est rattrapé par plein de petits effets bien sentis, mis à part l’effet slow-motion dont on sent le filtre Photoshop à des kilomètres. Le jeu frise par ailleurs l’apoplexie lors de certains passages blindés de ce genre d’effets, avec un effondrement du framerate à la clé. Headlander est une chouette proposition de Metroidvania, qui ne révolutionne absolument pas le genre, mais se rattrape par toute une batterie de détails crétins et de dialogues qui font mouche (les portes de sécurité n’hésiteront pas à balancer une petite phrase cynique sur votre passage). Tout ça permet d’oublier le classicisme de la progression et les défauts de lisibilité propre à l’action et la multitude de lasers qui peuvent parfois recouvrir l’écran. Headlander, c’est la petite pastille pulp de l’été, qui l’espace de cinq ou six heures, vous déboulonnera vos zygomatiques sans prises de tête.

Cronos
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le 22 sept. 2016

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