Heavy Rain avait presque tout pour lui, à commencer par une réputation flatteuse basée sur des critiques presse et joueurs globalement enjouées. La recette semblait presque trop parfaite avec cette atmosphère lourde et poisseuse qui fleurait bon le polar fincherien, des mécaniques a priori bien huilées et la bonne idée de proposer une expérience avec challenge mais sans game over.
Une grosse dizaine d’heures après avoir lancé le jeu, la conclusion est aussi évidente qu’attendue : ce jeu ne méritait pas le concert de louanges auquel il a eu droit.


Je ne suis sans doute qu’un cas isolé, mais le menu d’accueil buggait chez moi. La partie n’était pas encore entamée que je pestais déjà. Et ce n’était que le début...


Notez que je vais parler assez librement de l’histoire sans me soucier de spoiler. Si vous n’avez pas fait le jeu et que vous ne souhaitez rien en savoir, vous êtes prié de fermer cet onglet. En clair, cassez-vous ou ne vous avisez pas de vous plaindre !


La scène choc de début de jeu vous met aux commandes d’un père qui perd soudainement de vue son fils dans un centre commercial aussi bondé que Disneyland en période de Noël. Le pauvre, pris de panique, va courir et hurler le nom de son enfant en espérant le retrouver dans ce torrent de personnes. Côté immersion, impossible pour le joueur de ne pas être happé par l’action qui se déroule sous ses yeux et de ne pas se prendre d’affection pour ce personnage qui vit une expérience terrifiante et forcément traumatisante.


Oui, sauf que ça, c’est la scène théorisée par les équipes de Quantic Dream et la réaction espérée chez le joueur.
Dans ma partie, le gamin s’est éloigné sans aucune raison, a suivi un parcours parfaitement illogique et m’a offert l’un des bugs les plus invraisemblables jamais vus : il s’est figé à un endroit et n’a plus bougé. Son père courait donc autour de lui en hurlant débilement son nom. Affligé par la séquence, mais souhaitant tout de même débloquer le jeu, j’ai dû faire l’inverse de ce qu’il attendait de moi, à savoir m’éloigner de mon fils retrouvé. Un script s’est alors débloqué et la séquence a pu se poursuivre. Autant dire qu’en ce qui concerne l’immersion, on était loin du résultat escompté par les développeurs.
Tout a foiré dans cette séquence qui a en plus la tare d’être mal écrite. Oui parce que le père déjà affolé s’est littéralement fait rabroué par sa femme qui, elle, n’a pas daigné chercher l’enfant disparu. En passant, les PNJ ne se sont pas spécialement inquiétés de voir une personne prise de panique et aucune n’a proposé son aide. Un message aurait pu être diffusé dans le centre commercial pour faciliter la recherche, mais non, le jeu avait déjà fermement décidé de rester basique et prévisible. Il fallait que l’enfant meurt, alors on lui a fait faire n’importe quoi et on a rendu tout le monde complètement idiot.
Niveau gameplay, les déplacements ont révélé une rigidité que l’on n’avait plus croisée depuis la PS2 et les collisions mal fichues m’ont donné l’impression de contrôler un semi remorque dans une forêt…


Cette scène, je l’ai subie au lieu de la vivre. Elle est emblématique parce que, finalement, tout était dit. Le jeu se traînera ces boulets jusqu’au bout : déplacements chaotiques, soucis techniques et prévisibilité.


Mais pour être parfaitement juste avec le jeu, je dois déjà reconnaître ne plus avoir rencontré de bugs de ce type et de cette envergure après cette scène.


De même, je ne peux qu’applaudir Quantic Dream pour avoir fait ce que feu Telltale n’a jamais réellement réussi à créer : un jeu dont les choix et actions engagent le joueur, le responsabilisent et ont de véritables conséquences. D’un joueur à l’autre, aucun n’aura exactement le même déroulé d’histoire et il est parfaitement possible de terminer le jeu avec ses personnages principaux morts…
En ce qui me concerne, j’ai eu une fin positive, j’ai sauvé le gamin enlevé, mes personnages ont survécu et j’ai flingué le serial killer. Pour autant, ça aurait pu très mal se terminer lorsque j’ai merdé sur une séquence clé où le père s’est fait arrêté par les flics et a fini en taule… Il y est resté jusqu’au bout de l’aventure et j’ai dû traquer le tueur aux origamis avec les autres.
Par ailleurs, si l’histoire est convenue et classique, elle se laisse suivre sans déplaisir et les heures s’enchaînent.


Malheureusement, comme je le précisais plus tôt, ce sont des heures que j’ai passées à râler à cause de QTE ratés. Non pas qu’ils soient difficiles à réaliser, mais ils sont souvent peu visibles du fait d’un affichage dynamique (comprendre que les touches s’affichent en relief, s’inclinent, bougent dans tous les sens, voire parfois en dehors de l’écran...) et d’un code couleur pas franchement optimal. Si on ajoute à cela que leur signification est tout sauf évidente lorsque plusieurs choix d’action ou de dialogue s’offrent à nous, on a un jeu qui devient vite rageant.


Au final, dans sa dimension jeu, Heavy Rain est raté car frustrant. Rarement le joueur n’a la sensation de savoir ce qu’il va/doit faire. C’est d’autant plus horrible lorsque cela se conclue par la mort d’un personnage important…
J’ai lu plusieurs critiques et une scène semble avoir cristallisé ce problème chez de nombreux joueurs : la séquence dans la voiture immergée. Il faut chercher à s’échapper et à sauver la femme qui nous accompagnait. Alors que je voulais l’aider à sortir de l’eau, j’ai opté pour le seul choix qui me semblait logique pour y parvenir… et mon personnage a cassé une vitre, s’est extrait de la voiture et est sorti de la rivière pendant que la femme se noyait…


Enfin, côté histoire et narration qui restent les points sur lesquels j'attendais le plus le jeu au tournant, c’est un peu la douche froide puisque s'il réussit à garder longtemps le secret autour de l’identité du serial killer, c’est au prix de nombreux artifices scénaristiques et trous béants qui vont assombrir le tableau une fois le jeu terminé et le regard posé sur l’ensemble. Les personnages et l’histoire perdent alors totalement en cohérence.
Enfin, l’élément déclencheur de l’histoire, ce qui a motivé les actes du tueur, m’a semblé franchement limite tant la succession d'événements malheureux semble forcée.


Pari à moitié réussi, Heavy Rain constitue toutefois une œuvre singulière, pas si personnelle que ça tant elle emprunte ailleurs de façon grossière, mais qui mérite qu’on s’y attarde au moins le temps d’une partie, pour mesurer ce que peut vouloir dire « jeu à conséquences ».

FlibustierGrivois
5

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Terminés (ou abandonnés) en 2018

Créée

le 12 oct. 2018

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