Il y a des expériences qui ne peuvent être jugées seulement sous l'angle ludique. En tout cas, il me semble que certaines initiatives, particulièrement brillantes, ne peuvent y être réduites.
Pour reprendre une formule simple mais efficace : Hellblade dépasse la somme de ses parties. Il n'est pas le jeu d'aventure de la décennie, il n'a pas les mécaniques de combats les plus passionnantes, ni même les énigmes les plus ludiques. J'irai même plus loin en décrétant qu'Hellblade n'est même pas fun. Le voyage de Senua aux confins du Hellheim est une véritable épreuve, tant pour le personnage que pour le joueur, malmené par un jeu qui ne prend jamais de gant. Hellblade est un serious game rugueux, sans concession, qui n'a pas pour but de divertir, ni d'offrir une dose de plaisir à son joueur. Hellblade utilise avec une intelligence rare le plein potentiel du medium pour offrir aux curieux une plongée sensorielle dans la peau d'un individu psychotique en prises avec ses démons intérieurs et ses trop nombreuses blessures. Chaque choix de gamedesign revêt un sens, s'inscrivant avec cohérence dans cette démarche à la puissance évocatrice folle.
Porté par une démarche à la fois artistique et quasi-scientifique, Ninja Theory délivre une expérience marquante d'une justesse clinique, souvent dérangeante pour le joueur sain. Cette entreprise unique et lourdement documentée cristallise le potentiel d'un art qui a encore de belles choses à nous offrir.