Hellblade : Senua's Sacrifice est davantage qu'un simple jeu vidéo, il est avant tout une expérience. A vrai dire, je n'avais jamais entendu parler de ce jeu avant son apparition soudaine dans le fil des nouveautés sur Steam et c'est avec beaucoup de curiosité que j'ai suivi l'évolution des commentaires et des notes. N'ayant généralement pas l'habitude d'acheter et de jouer aux sorties récentes, finir la dernière production vidéoludique de Ninja Theory prend dès lors tout son sens dans mon itinéraire de gamer. Alors qu'en est-il ? Sans rentrer dans les détails des conditions de développement du studio, du budget et de toutes ces considérations importantes mais annexes, Hellblade est un ovni à part entière autant sur le plan scénaristique axé sur la maladie mentale (folie/psychose) que visuel. Très sombres également, les aventures aux commandes de Senua la guerrière s'apparentent à une descente aux enfers dans le sens le plus littéral du terme.
Le scénario propose une relecture du mythe grec d'Orphée et Eurydice mis au goût du jour. De même qu'Orphée se décide à plonger dans le Royaume des morts pour retrouver sa femme, Senua entame une descente aux enfers, côtoyant Dieux et cauchemars, afin de retrouver son amant assassiné. L'histoire un peu naïve à mon goût s'articule, de fait, sur des thèmes éculés comme le deuil, la souffrance d'un être qui vous manque, la culpabilité mais aussi, thème original, la folie envisagée comme pathologie puisque le personnage principal est sujet à la psychose ainsi qu'à des crises de schizophrénie. Une histoire d'amour mythique remise au goût du jour dans un contexte nordique (pour ne pas dire essentiellement Viking et Dieu sait qu'ils sont à la mode en ce moment) avec non pas un homme qui part chercher sa femme aux Enfers mais l'inverse. La propagande classique que l'on retrouve partout. On ne peut plus moderne comme scénario, n'est-ce pas ?
La mise en scène est saisissante avec beaucoup de plans rapprochés sur le visage de notre héroïne, des scènes terribles effaçant les frontières entre hallucination et réalité, de la souffrance palpable autant physique que psychologique qui pousse à l'empathie. Le tour de force de Ninja Theory, c'est d'être parvenu à rendre crédible la douleur de Senua tout au long de son périple grâce à une réalisation de haute volée, des animations saisissantes capturées sur une actrice allemande (Melina Juergens) et un doublage vocal remarquable. D'ailleurs j'en profite pour vous recommander le port du casque obligatoire pendant la partie car le son a une importance capitale en particulier dans les mécaniques de la folie endurées par Senua. En effet, tout le long de la partie notre guerrière, et donc le joueur, est assaillie par ses propres voix intérieures qui chuchotent, commentent ses faits et gestes semant le trouble, indiquent l'action à faire (notamment dans les combats) voire se moquent de ses erreurs.
Hellblade est parsemé de moments saisissants qui vous laisse pantois, je ne révèlerai rien ici et vous laisse les joies de la découverte. Le boss Fenrir m'a quand même bien marqué... Créer une abomination pareille, le tout incorporé dans un tel univers, est merveilleusement trouvé. Chapeau bas ! Le gameplay consiste à enchainer des phases d'exploration proposant des casse-têtes simples avec des sortes d’arènes où l'on affronte des vagues d'ennemis. Personnellement, les énigmes même si elles fonctionnent souvent sur le même principe ne m'ont pas lassées. Il suffit d'avoir avoir un peu le sens de l'observation et d'assembler des glyphes avec des éléments du décor pour ouvrir des portes. Par ailleurs, les combats sont dynamiques et bien foutus malgré une certaine répétitivité dans les enchainements proposés. Ceci dit, l'espacement aéré des phases de combat et la durée de vie relativement courte d'Hellblade ne devrait pas entamer l'ardeur des joueurs.
En revanche un peu moins enthousiaste concernant le background du jeu distillé par le biais de pierres à dénicher dans les "couloirs" que représentent les zones d'explorations. Pas toujours facile d'accès, ces anecdotes mythologiques sont parfois difficiles à mettre en corrélation avec l'action immédiate. De même que la nature des relations entre les personnages n'est pas toujours évidente à saisir. Je trouve qu'il y a une volonté de brouiller les pistes de manière artificielle un peu chiante à la longue.
Le système de sauvegarde imposant une seule et unique sauvegarde est nul à chier car on ne peut plus accéder à d'anciennes zones pour, par exemple, dénicher les pierres manquantes. De plus, le dernier chapitre dans les grottes où Senua est chassée par le monstre de l'ombre est complètement buggé (énormément de problèmes soulignés par la communauté). Arrivé dans l'arène pour affronter Fenrir, j'ai eu droit à un gros bug qui a fait disparaître le monstre. En voulant charger la sauvegarde, le boss avait définitivement disparu alors que j'entendais les voix de la cinématique qui précède le combat. Impossible donc de poursuivre la partie... Et vu qu'on a qu'une sauvegarde, devinez-quoi ? Faut tout recommencer !!! Depuis le début !!! Heureusement, j'ai pu farfouiller des publications sur Steam et récupérer la sauvegarde d'un autre joueur pour la remplacer par la mienne (bonne chance au passage pour trouver l'emplacement). Sauf que ce connard de joueur - merci à lui quand même - avait trouvé une pierre sur trois... En gros, le gars est allé tout droit. Pas de 100% des succès pour moi. Grosse déception de ce côté-là.
Hellblade : Senua's Sacrifice malgré quelques problèmes techniques dans la gestion des sauvegardes automatiques, reste un excellent jeu arguant d'une qualité d'un triple A pour un prix très abordable : 30€ sans réduction. Doté d'une réalisation bluffante, autant visuelle que sonore, l'équipe de Ninja Theory nous pond un scénario original qui sort un peu des sentiers battus. Attention aux âmes sensibles tout de même, l'histoire sombre embourbe le joueur dans un cauchemar carrément malsain et étouffant où l'esprit se perd le temps d'une descente aux Enfers. Je recommande so(m)brement.