Il y a des jeux avec des prémisses en mousse qui en font de l'or, et des jeux qui ont un prémisse en or et en font de la mousse. Malheureusement, et après des années de développement et une alpha super prometteuse, Hello, Neighbor! est définitivement dans la seconde catégorie. Pour le suspens on repassera...


L'idée de base d'Hello, Neighbor!, c'est plus ou moins de transcrire en jeu Rear Window ou Paranoïak, à savoir un thriller dans lequel on cherche à mettre à jour les méfaits un voisin d'apparence hostile voire psychopathique. La différence avec les deux films étant qu'ici, on ne va pas se gêner pour aller directement fouiner dans la baraque sans vraiment observer le dit-voisin au préalable. Sitôt vu, sitôt coupable.


La maison des 1000 boîtes en carton


Hello, Neighbor! pourra initialement séduire grâce à sa direction artistique de dessin animé aux couleurs vives. Assez éloignée du pitch qu'on imagine dé-saturé, elle fonctionne pour donner un caractère léger à l'aventure qui aurait tout aussi bien pu être très glauque visuellement. Ici, pas de gore, de poisse et de crasse qui font froidement suer; simplement des petits piques d'épouvante dans un univers coloré. Et ça fonctionne pas mal, notamment parce que mécaniquement, cela permet aussi (au début au moins) de proposer des objets faciles à décerner dans le décor et donc à trouver. Puisque le jeu permet d'interagir avec à peu près tout et n'importe quoi dans la maison, la direction artistique complémente bien les mécaniques de jeu. Le gros bémol demeure l'animation du voisin, certes rigolote mais visuellement peu encline à télégraphier ce que l'IA va faire. Le personnage bouge si vite et ce sans feedback visuel qu'il ne sert à rien de s'attarder sur sa démarche, ou l'endroit où il regarde pour tenter de choisir son prochain mouvement.


J'aurais envie de dire que le son spatialisé fait également son travail de prime abord. Les bruits de pas bien différenciés entre la maison et le jardin, et les interactions avec tous les objets proposant au moins un feedback sonore, on est censé savoir plus ou moins où se trouve Monsieur Voisin, à peu près n'importe quand. Malheureusement, la boucle sonore en deux notes façon Jaws, celle qui intervient quand on est pourchassé par le voisin mécontent, devient rapidement agaçante. Et cela se combine avec nombre d'objets qui glitchent dans le sol ou se font piétiner par le voisin, provoquant des signaux pas toujours lisibles.




Pour entrer clairement dans le gameplay et à l'instar de ses partis pris visuel et sonore, Hello, Neighbor! n'est jamais vraiment convaincant. Malgré son principe de jeu basé sur seulement deux éléments forts: la maison à explorer librement et l'IA évolutive du voisin.


Un level-design plein de fuites...


Le jeu est avant tout un jeu d'exploration, à la limite du point&clic, mais pouvant se résoudre parfois de manière un peu aléatoire. On nous donne la maison à explorer, avec ses portes fermées à clés ou bloquées par des chaises et on nous dit de nous amuser à progresser dedans. Dans le principe, ça fonctionne pas mal. On trouve un loquet doré ou rouge et on garde en mémoire qu'une fois qu'on aura la clé pour ça, on reviendra l'utiliser. Le jeu a ainsi des allures Resident Evil allégé dans son architecture. C'est assez compact et dense et ça fonctionne au moins au début. Rapidement, ça ressemble néanmoins plus à une simple chaîne d'objets qu'à proprement parler de l'exploration. Le dernier acte avec sa bâtisse plus grande parvient un peu à arranger les choses, mais jeu jouera plus souvent sur des cachettes très étranges pour ses clés et outils et des résolutions de "puzzles" (activer trois valves pour faire un truc) parfois un peu obtus, plutôt que sur une utilisation naturelle des choses que l'on trouve dans la maison au gré de son exploration.


Malgré cela, le vrai problème n'est même pas tant le principe de caché des objets de manière étrange que l'exécution d'une telle tâche. Hello, Neighbor! a une physique des corps étonnamment lourde pour un jeu aussi cartoon dans l'aspect visuel. Les prompts pour saisir les objets sont liés à la forme de l'objet. En somme la hitbox de l'objet, c'est sa modélisation 3D. Autant vous dire que pour saisir une toute petite clé accrochée à un mur, on est parfois en train de s'arracher les cheveux pour pas grand chose. Sur console, et XboxOne en particulier, ce détail est accentué par le placement malencontreux du bouton d'interaction sur Rb. Si vous avez déjà tenu une manette de One, vous saurez qu'Lb et Rb son de petites gâchettes très dures, non analogiques, assez désagréables à utiliser et surtout pas très répondantes. Ça n'a l'air de rien mais cela se combine avec le fait qu'il faille faire une pression longue pour saisir un objet et rapidement, on se retrouve avec un jeu mille fois plus laborieux qu'il n'a besoin de l'être en terme d'interaction pure avec les éléments de décor.


On passe donc son temps à se galérer dans les portes qui ne s'ouvrent que d'un côté et se referment si l'on est dans le passage - absolument exécrable en cas de poursuite évidemment - à ne pas arriver à juste activer ou à prendre un objet, ou passer par une fenêtre dans le feu de l'action, ou enfin à glisser d'une plateforme, d'un tuyau, d'une échelle sur lesquels on était pourtant bien positionné. En un mot comme en mille, c'est maladroit en terme de jouabilité, en particulier quand on doit exécuter un mouvement rapidement.


Là où ça devient particulièrement problématique, c'est quand au bout de littéralement deux minutes de jeu, on se rend compte que l'on va pratiquement constamment être en mouvement rapide. Parce que le voisin est beaucoup trop fort.


Mon voisin le gropper.


Déjà, en terme de vision, il suffit d'être dans les 180° où il regarde pour se faire instantanément voir à n'importe quelle distance, sauf de nuit où soudainement il ne voit pas à deux mètres devant lui quand bien même il a constamment une lampe torche dans la main. Cela veut dire que l'on ne peut pas croiser son visage sans être automatiquement en mode poursuite.


Une fois la poursuite engagée, le seul moyen de le perdre est de ne plus être dans son champ de vision. Seulement le bougre court à la vitesse du joueur (ou très légèrement moins vite). Compte tenu des problèmes d'interaction avec les portes, les objets qu'il faut saisir à l'arrêt puisque pression longue de touche, les fenêtres qui doivent être cassées et ne peuvent pas juste être ouvertes, et autres objets que le voisin jette notamment de la colle au sol qui ralentit le joueur, le plus simple est malheureusement de se laisser prendre plutôt que de chercher à fuir.


Car si le voisin voit loin et ne lâche pas vraiment l'affaire une fois en mode jogging dans le jardin, il est revanche magnanime quand il s'agit du sort de son jeune saccageur. Une fois attrapé, le jeu nous remet littéralement devant la maison (ou en début de niveau) et nous laisse garder TOUS les objets que l'on avait en main à ce moment, ainsi que TOUS les emplacements d'objets que l'on a déplacé dans le jeu. Ainsi, au lieu d'explorer la boule au ventre, de trouver un objet, de se cacher dans un placard en se faisant presque voir et d'aller utiliser l'objet en serrant les fesses pour ne pas se faire découvrir sur le chemin, en mode Amnesia par Pixar, on aurait tôt fait de courir une première fois prendre l'objet, puis une second à l'endroit où l'utiliser, puis une troisième pour progresser plus loin, se faisant choper à chaque étape sans punition notable que de subir le jingle de poursuite pendant cinq secondes avant de se faire avoir.


C'est triste, mais c'est autant du à la qualité de l'IA qui est trop "forte" (surtout en terme de détection en réalité) qu'à l'absence de possibilité pour la tromper. On a aucun vrai élément pour l'emmener de manière consistante quelque part. Il y a bien le fait de casser une vitre, ou de faire sonner un réveil, mais ce sont des solutions de trop courtes durées qui n'immobilisent pas le voisin assez longtemps pour vraiment être efficaces. Il y a aussi la possibilité de ralentir le voisin en lui jetant des trucs au visage quand il nous poursuit; mais on se heurte ici encore à la prise en main exécrable qui oblige à maintenir la touche de lancer pour avoir un jet puissant. Et comme, mis à part le son pas toujours fiable, on a presque jamais idée d'où se trouve le voisin, il est très rare que l'on joue infiltration, alors que le jeu semble vraiment vouloir qu'on le joue ainsi. Seule la dernière portion du jeu a suffisamment de pièce pour qu'on puisse espérer faire du cache-cache une stratégie viable.


Et c'est dommage tout cela, parce que le jeu est clairement fait avec cette idée d'infiltration et de jeu avec le voisin en tête. Cela se voit notamment dans cette fameuse IA évolutive que les amateurs du jeu aiment à mettre en avant. À chaque fenêtre cassée, à chaque couloir emprunté sans permission, le voisin ajoutera des pièges, des caméras et autres artifices pour empêcher le joueur de faire deux fois la même chose. Tremble MGSV! Tu as trouvé ton égal!


En fait, non. De piège, on ne verra que le piège à loup qui est désactivable en passant dessus et en tapotant A pendant deux secondes, sans que cela fasse du bruit en sus et n'attire le voisin. Et pour ce qui est des caméras, peut-être ai-je joué de malchance à une version buggée, mais je n'ai jamais eu de répercussion à danser la lambada devant; à ma connaissance, elles sont juste cosmétiques et pas vraiment fonctionnelles.


Pour le résumer assez simplement Hello, Neighbor! est une super idée qui se fait étouffer par une exécution amatrice et des choix de game-design incohérent. La maison est trop petite pour avoir un personnage qui voit aussi loin et réagit aussi vite. Les interactions avec les objets du décor empêchent souvent de faire réellement ce que l'on veut faire. Il faut systématiquement recommencer dix fois la même action pour la réussir; soit parce que le voisin nous attrape soit parce qu'on doit recommencer un micro-challenge de plateforme qui ne fonctionne qu'à moitié. Et les développeurs le savaient en lançant le jeu. C'est pour ces raisons que le voisin ne réinitialise pas les objets déplacés et tenus par le joueur quand il l'attrape; pour éviter la frustration, au lieu de repenser l'IA et/ou les possibilités de la manipuler. Mais ce n'est qu'un pansement sur un tuyau qui fuit...rapidement, il y aura de l'humidité partout. Dommage, car le concept reste là, et la formule de cette maison ouverte avec sa petite chasse aux clés toujours une bonne idée.

seblecaribou
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le 24 oct. 2018

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