Hellpoint
6.5
Hellpoint

Jeu de Cradle Games et tinyBuild (2020PC)

J’ai aimé Hellpoint, car j’aime l’aspect “dungeon crawler” des Souls. La simple idée d’errer dans un labyrinthe sans carte, de m’enfoncer dans le danger en ayant le sentiment d’aller trop loin, de tout risquer à chaque pas, moi j’adore ça. Dark Souls 1 était brillant sur cet aspect. Ensuite ça s’est simplifié. Le troisième opus étant à mon sens le plus clément et le plus linéaire des Souls (beaucoup de feux de camps, téléportation dès le début du jeu, une progression toute droite avec deux-trois bifurcations).


Cet appétit du labyrinthe, c’est ce qui me poussera un jour à essayer King’s Field. J’ai pu y toucher rapidement en émulation. Résultat : la maniabilité affreuse (vous n’imaginez pas à quel point !) n’a pas su me dissuader. J’ai eu le temps d’entrevoir un labyrinthe ô combien laid, mais également intriguant, immédiatement complexe, impardonnable pour le joueur.


Alors oui oui, comme vous, j’aime aussi les affrontements pointus, les boss titanesques, et je pense que c’est ce qui explique le succès des Souls, car c’est ce que beaucoup de gens retiennent, et ce que beaucoup de clones tentent de reproduire. Et c’est là qu’on en vient à Hellpoint – pardonnez-moi cette longue introduction. Car Hellpoint, c’est finalement le seul souls-like (à ma connaissance) qui a retenu un aspect plutôt qu’un autre.


Faire des bons combats, faire du boss-rush, ça demande une technique que le studio n’a clairement pas, et qu’il a peut-être essayé de reproduire, très maladroitement.


Car autant être franc : les boss sont médiocres, souvent une poignée de patterns mollassons à retenir, et rien de plus. Les combats rappellent la lourdeur d’un demon’s souls, mais sans leur propreté. Les animations des ennemis ne sont pas terribles. Il y a une latence des coups à laquelle je ne me suis jamais trop habituée. La plupart des attaques de boss ont une hitbox incompréhensible, et surtout, l’énorme défaut : l’animation de stun est trop longue. Si longue qu’on peut se faire stun par un boss et prendre d’autres coups sans rien pouvoir faire. On meurt d’être stun ! Voilà c’est dit. Il fallait que ce soit dit. Si ça vous fait peur, n’y allez pas. De toute façon, vous le remarquerez très vite. Les premiers mobs, puis le premier boss vont vous refroidir si c’est ce que vous attendez du jeu. À long terme, vous pourriez même ne pas avoir envie d’explorer, car au bout de votre exploration vous attendront des mauvais boss. C’est un reproche que je peux tout à fait entendre. Et puis il faut dire ce qui est, les premières minutes de jeux ne sont pas très engageantes.


C’est seulement après le second boss qu’un changement s’opère.


Vous devrez faire un choix entre deux portes, sans possibilité immédiate de revenir sur ce choix. À partir de là, votre parcours pourra totalement différer des autres joueurs, et chaque zone que vous allez traverser vous mettra face à divers chemins. Plus que jamais (plus encore que dans DS1) j’ai eu le sentiment de me perdre. Assailli par la multiplicité des voies, je ne savais pas laquelle suivre, cherchant un checkpoint qui tardait à venir, ne sachant si j’allais le trouver à gauche, à droite, dans cet escalier en contrebas, ou bien au bout de ce gouffre plongeant. On est rapidement déstabilisé par l’absence de « goulot d’étranglement » dans le level design, qui permet généralement aux designers d’être certains que le joueur tombe sur un checkpoint ou un item. Ici, les items utiles sont planqués là où vous n’êtes pas encore allés.


Hellpoint, c’est donc d’abord ça. La base d’Irid Novo, et ses nombreux embranchements, raccourcis, backtracking, portes dérobées.


C’est aussi une atmosphère réussie : celle d’une station spatiale désertée de ses habitants, emportée dans le mouvement d’un trou noir, envahie de démons. On comprend une catastrophe passée, on comprend qu’on se dirige vers une plus grande. La musique et la direction artistique soulignent cette destinée apocalyptique. Les environnements parfois un peu vides ne gênent pas, car on y croit. On accepte sans mal cette station épurée, métallique, froide, entourée de nuit.


Enfin, Hellpoint, c’est aussi des bonnes idées de gameplay.


J’ai lu à droite à gauche des avis se plaignant qu’à part l’univers SF, Hellpoint n’était qu’une copie-conforme des Souls. La surprise n’en a été que plus grande quand j’ai constaté, qu’au contraire, sur bien des points Hellpoint refuse d’être un copieur et tente des choses bien à lui. Je vais donc être obligé de spoiler des mécaniques de jeu. Et je m’adresse davantage à ceux qui connaissent le jeu. Si vous ne l’avez pas fait, et que vous souhaitez conserver le plaisir de la découverte, ne lisez-pas ce qui va suivre.


C’est parti pour l’énumération :



  • Les brèches ne font pas réapparaître les ennemis quand on s’y repose mais les ennemis reviennent de manière cyclique.

  • Plus on se bat avec une arme, plus on gagne en familiarité et on acquiert différentes compétences/movesets propres à cette arme, entre lesquels on pourra switcher. Des compétences type : ruée en avant, jet d’armes, qui peuvent se révéler très pratiques.

  • Lorsqu’on meurt, en plus de lâcher nos axions (nos âmes), on crée un mob clone placé aléatoirement dans la zone, qui porte les armes qu’on portait en mourant, et qui se révèle plus ou moins résistant en fonction du cycle.

  • On ne peut pas se téléporter d’une brèche à l’autre (à quelques exceptions près). En revanche, il existe des items en nombre limités, les synchronisateurs de brèche, qui nous permettent de décider quelle brèche servira de téléporteur. L’idée est intelligente. Car la station est si réticulaire, qu’on comprend assez vite que c’est à nous de nous approprier l’espace, et qu’il va falloir utiliser ces items pour penser nos allers-retours dans la station.

  • On ne récupère pas directement des armes, mais on les crafte. En récupérant d’abord un patron, des matériaux, et une imprimante 3D. Ce qui nous oblige encore à opérer un choix : dépenser ses précieux axions et ses matériaux pour obtenir une arme qui, peut-être, ne nous plaira pas.

  • Il existe différents portails à travers la map qui nous permettent de passer dans l’underworld. L’enfer depuis lequel sortent les monstres qui ont envahi la station, et qui va constituer des zones-jumelles (en mode miroir). Dans cet underworld, on va pouvoir récolter des matériaux spécifiques pour le craft, rencontrer des PNJs uniques, affronter des boss spéciaux, et même découvrir des passages qui n’existent pas dans le level design normal.

  • Enfin et surtout, il y a ce cycle autour du trou noir qui influence beaucoup de choses. Sorte de mécanique englobante et impactante, qu’on met du temps à comprendre, à la manière des tendances des mondes dans demon’s souls. Selon la place de l’aiguille sur l’horloge, de nouveaux ennemis apparaîtront, ils seront plus ou moins résistants, des accès s’ouvriront, des marchands vendront des items différents, des évènements ponctuels se déclencheront, etc etc.


[FIN DU SPOIL]


Et là, je n’ai pas eu besoin d’évoquer les armes à feu ni les sauts qui, étrangement, sont les deux seules choses évoquées un peu partout dans les critiques. C’est-à-dire des mécaniques rapidement visibles (des fois, je me demande sérieusement si les gens jouent aux jeux qu’ils critiquent, ou si 2-3h leur suffisent pour se forger un avis).


Un mot pour la fin.


C’est clair qu’Hellpoint n’est pas parfait, et n’est pas un jeu à faire si vous êtes seulement intéressés par les game changer. Si Hellpoint 2 il y a un jour, j’aimerais toutefois que Cradle Games poussent leur formule encore plus loin. Qu’ils oublient les boss, qu’ils ne cherchent plus à être un souls-like, mais qu’ils mettent le paquet sur le labyrinthe, les mécaniques de jeux nébuleuses, et tout ce qui nous pousse à explorer : les codes chiffrés disséminés dans le jeu, les brèches cachées, les sorties en extérieur, les monolithes. Je rêverais d’une suite qui multiplie davantage cet aspect-là. Et si au passage, ils pouvaient diversifier le bestiaire, ce ne serait pas de refus.

-Alive-
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le 2 sept. 2021

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