Statues délabrées d’anciens dieux oubliés, entrepôt poussiéreux ou s’entassent armures de chitines ébréchées et épées émoussées, autels dédiés aux anciens héros, tous désertés, délaissés, abandonnés. Autant de preuves que la ville d’Hallownest se meurt. La métropole hypogée de cette uchronie insectoides ne vit plus que dans le reflet trouble de sa gloire passée. Mastodonte qui, dans sa lente agonie, attire déjà des charognards en quête de gloire et de richesse. D’autres y viennent pour chercher des réponses, mettre à nu les anciens secrets du royaume, prêt à faire l’exégèse d’un monde qui s’est oublié lui-même.
Qu’importe les motivations, en vérité, Hallownest est déjà morte. Les derniers habitants errent dans les galeries de ce Babel d’hexapodes. Mantes religieuse, larves et moustiques, cafards, poux, termites, les clans sont nombreux, prêt à défendre ce qui reste de leur territoire, portant haut la couleur de leur faction. La civilisation s’éteint doucement, les instincts primordiaux reprennent le dessus.
Seul l’aventurier qui garde en tête certains préceptes pourra prétendre s’emparer des trésors que regorge l’ancien empire. Ici, la lutte pour la survie est permanente. La prudence est la règle, mais la curiosité est toujours récompensée. Hallownest se dévoile à lui peu à peu, et se révèle immense. Le voyageur se perd dans une vaste spirale, fait d’obstacles, de heurts, d’abandons, pour mieux revenir par la suite, davantage équipé, plus endurci.
Les décors défilent, magnifiques, osant le gigantisme dans ce monde microscopique. Parfois organiques, parfois fait de pierre, d’os, et d’acier. Cette société souterraine se décline en écosystèmes uniques, beautés sinistres animées superbement, récompenses méritées après les épreuves passées. La musique accompagne l’Hollow Knight dans son errance, toujours présente sans être intrusive, souvent mélancolique, nostalgique, réverbération symbolique de ce monde au bord du gouffre.
En ces terres, l’énergie tirée de l’âme des ennemis vaincus est manipulable. L’Hollow Knight est capable de lancer à la volée des sorts destructeurs, mais aussi de se soigner. L’exploration s’appréhende en conséquence différemment : une erreur n’est pas fatale, chaque faute est amendable. La rédemption n’est jamais loin, à condition de dominer suffisamment son environnement. La difficulté ne se réduit pas à une rencontre infortune, mais s’échelonne sur l’ensemble de l’expédition.
Le système de soins apporte également une dynamique nouvelle dans les affrontements. En plus de l’attaque et de l’esquive, le rythme de chaque combat s’enrichit d’un nouveau tempo qu’il faudra dompter pour sortir victorieux.
De Castelvania à Super Meat Boy, en passant par Dark Souls et Metroid, les influences d’Hollow Knight sont visibles, et assumés. Sans y apporter quelque chose de foncièrement novateur, l’équilibre subtil de chaque élément de gameplay ne s’enraye jamais. Sauf peut-être quand le titre s’efforce de pasticher l’un de ses ainés.
Reste quelques problèmes : des soucis d’optimisations, un système de cartes pour le moins revêche, une difficulté en dent de scie … Détails insignifiants.
Ce qu’on retient d’Hollow Knight, finalement, ce sont les épiphanies qui se succèdent au fur à mesure de la progression. La première fut la sincère surprise de se découvrir appréciant l’exploration de ce monde, plaisir dense, sans écueil ni déclin. La seconde fut cet instant, ce basculement, où l’on appréhende pleinement les codes du titre et ce qu’il a à nous offrir, où l’on arrête de lutter contre le jeu pour, en fin de compte, badiner avec lui.
La dernière se fait après la fin secrète. Un regard en arrière et l’on s’aperçoit que notre aventure, chaque boucle de gameplay, toutes nos actions, en somme, sont intimement intriquées, justifiées, non seulement dans un scénario et un lore soigné, mais aussi dans une métaphore permanente. Dans un monde peuplé d’insectes, l’allégorie de la caverne aurait surement eu un sens différent. Finalement, quels sont les principes moraux d’un cafard ? Que pense-t-il de l’ombre, lui qui passe sa vie sous terre ? Que pense-t-il alors de la lumière ?