Une première présentation scotchante, un rendu trop beau pour être vrai, une héroïne badass, un studio sûr de sa force, des retours presse enthousiastes… Et des putains de robots dinos !! Dire que j’étais impatient de poser mes paluches sur le nouveau jeu de Guerrilla Games relève de l’euphémisme.
À l’heure du bilan, la déception est de taille. Le jeu n’est ni complètement nul ni même mauvais, mais il n’est pas loin d’être médiocre en tendant seulement vers le bon en de trop rares occasions.
Passons rapidement sur l’évidence, il faudrait être aveugle ou d’une mauvaise foi sans nom pour ne pas le reconnaître : le jeu atteint des sommets en matière de rendu graphique, en particulier sur son support. Si Uncharted 4 a déjà montré que, bien exploitée, la PS4 en a sacrément dans le bidon, on peut raisonnablement dire que Guerrilla Games a repoussé bien plus loin les limites de la machine. Ayant joué sur PS4 Pro, il m’est difficile d’évoquer la version PS4 classique. J’ai toutefois cru comprendre que la différence entre les deux versions n’était pas colossale, ce qui en dit long sur la performance du studio néerlandais et de sa maîtrise de la machine dès son deuxième jeu sur celle-ci (après Killzone : Shadow Fall).
Si quelques chutes de framerate sont à noter lorsque l’écran est surchargé (comprendre : Aloy combat simultanément huit dinos à proximité d’un lac dans lequel paît un Grand-Cou, au milieu d’une végétation dense et d’explosions de toute part), elles restent assez rares et ne m’ont jamais pénalisé.
S’agissant de la direction artistique globale, autant les musiques m’ont plu, autant je me suis rapidement lassé des teintes graphiques majoritairement utilisées (sépia, rouille…). Le jeu manque clairement de variété à ce niveau et les couleurs automnales finissent par laisser s’installer une forme de monotonie déplaisante. Lorsque le sépia recule, c’est pour mieux imposer les couleurs noire et blanche avec la roche et la neige. Cette espèce de nature morte s’est avérée assez pénible à traverser, en ce qui me concerne. C’est d’autant plus regrettable que parfois, en de très rares occasions, des décors plus verts surgissent au détour d’une colline et mettent une claque tant le mariage des couleurs se révèle sublime. À ce sujet, lorsque la brume et les teintes rosées du ciel enveloppent l’horizon, la tarte en pleine gueule est foudroyante. La mâchoire se décroche et un « putain c’est beau » s’échappe inévitablement.
Au rayon des joyeusetés, Aloy se contrôle à merveille. La maniabilité trouve le bon équilibre entre souplesse et rigidité. Il est assez aisé de faire ce que l’on souhaite, avec un temps de réaction très bon. Ce dernier point est d’autant plus important que la relative fragilité naturelle d’Aloy par rapport aux engins qu’elle doit affronter justifie la perte de vie rapide et importante au moindre coup. Il est donc d’autant plus appréciable de la sentir répondre au doigt et Aloy,...hmm à l’œil. Le nombre d’opérations réalisables est assez conséquent et les développeurs ont globalement bien tiré profit des différents boutons de la Dual Shock 4. Ça peut paraître superfétatoire de le préciser, mais je suis assez tatillon sur ces petites questions d’ergonomie qui peuvent vite me rendre rustre comme un bûcheron lorsque je m’emmêle les pinceaux dans les commandes.
Je m’interroge juste sur la pertinence d’avoir prévu deux systèmes de soin : le premier, classique, à base de potions à ingérer ; l’autre consistant en une barre que l’on remplit en ramassant des plantes et qui se vide à mesure que la barre de vie se recharge d’un simple appui sur la touche « haut ». Du coup, cette touche est condamnée par ce système de soin qui me semble faire doublon. Elle aurait notamment pu servir à changer à la volée de type de munitions lorsqu’une arme est équipée. Cela aurait compensé un autre problème.
En effet, la roue de sélection des armes et munitions peut manquer de précision, de par sa petitesse au regard du nombre de choses à y sélectionner. Concrètement, vous pouvez y faire figurer quatre armes, une dans chaque direction. Si vous avez placé l’arc à droite, par exemple, alors que vous inclinez le joystick dans cette direction pour le sélectionner, il vous faut également légèrement l’incliner plus ou moins vers le haut/milieu/bas pour sélectionner le type de munitions. En situation de calme, ça ne pose pas de problème. En combat survolté, sachant que l’ouverture de la roue de sélection ne stoppe pas le jeu mais ne fait que le ralentir, il peut arriver de foirer sa sélection par empressement. Ça finit par ne plus trop se produire avec le temps. Mais malgré tout, une touche dédiée au changement de type de munitions aurait été la bienvenue.
À ce stade, le tableau semble globalement très positif. Et pourtant, quelque chose cloche, et ce, dès les premières minutes.
Aloy n’est pas le personnage que les critiques ont élevé comme « meilleur personnage féminin de l’histoire du jeu vidéo » (j’exagère à peine). À vrai dire, je ne l’aime pas. Elle nous a été présentée comme complexe, courageuse et déterminée.
Si ce n’est pas totalement faux, cela n’atténue en rien le fait que, dès l’entame de l’aventure, elle s’affirme comme une enflure égoïste en tournant le dos à celui qui lui a tout enseigné et qui a pris soin d’elle depuis sa plus tendre enfance. Elle aurait tout aussi bien pu renoncer au rite de l’Éclosion, ne pas souhaiter intégrer la tribu qui les a tous deux rejetés comme des gueux, surtout si cela lui permettait de rester auprès de Rost. Ça n’empêchait pas de développer une histoire intéressante. Ses traits de caractère auraient été « forte, déterminée, complexe et indépendante ». Là, présentée ainsi, transpirant l’individualisme et antipathique à souhait, je l’ai immédiatement détestée.
En d’autres termes, tout au long de l’aventure, elle est restée pour moi celle qui est capable d’abandonner son père adoptif, le laissant seul, pour tenter de rejoindre des gens censés n’être personne pour elle. Dès le départ, je l’ai appelée Connasse.
En fait, c’est l’écriture qui s’impose comme le premier gros défaut du jeu. Autant la scénarisation que la narration ne sont pas à la hauteur. À nouveau, on déplore que les moyens ont été mis pour le moteur et pour la campagne marketing, mais pas pour s’assurer un niveau d’écriture remarquable.
Pourtant, quand on passe après The Witcher 3, on n’a plus le choix. Qu’il s’agisse des développeurs ou des joueurs, le niveau d’exigence en ce domaine a été bouleversé et on ne peut plus se satisfaire d’histoires au rabais, de quêtes racontées avec les pieds et de dialogues qui tombent à plat en permanence. Et en ce qui concerne ces derniers, il n’est pas seulement question du doublage français très mauvais, je parle surtout de leur écriture. Je n’ai jamais pris au sérieux un dialogue dans ce jeu. Pire, en phase d’exploration, Aloy commente tout ce qu’elle fait et voit. Si le procédé n’est pas nouveau, le niveau de ridicule de ses réflexions donne juste envie de la jeter dans un ravin : « Oh la neige est aussi blanche que des os », « Brrrr il fait froid, j’en tremble »… Et il faut l’entendre tirer des conclusions en mode enquête… Je regrette de ne pas les avoir toutes notées, le niveau de connerie de ce qu’elle racontait était tel que ça me sortait systématiquement du jeu. Je ne compte plus les interventions de ma moitié, qui gardait une oreille plus ou moins attentive à ce qui se passait dans le jeu, pour me dire à quel point ces réflexions ou pseudos punch-lines étaient débiles.
Souhaitant rendre leur jeu touffu en matière d’activités, les développeurs ont introduit les creusets. Espèces de bases dont on ne connaît pas vraiment les origines, les creusets sont remplis à ras-bord de dinos. Toujours dans le noir (pour celles que j’ai vues), ces zones sont les pires du jeu, d’autant qu’il n’y a rien à y trouver, à part quelques améliorations pour le stuff et la capacité de pirater certains dinosaures.
En parlant d’équipement, il va falloir aborder la question de l’idiotie du game design, deuxième point noir de Horizon : Zero Dawn (H :ZD). Copiant-collant le système de craft des pires heures de Far Cry, le joueur est condamné à procéder à un génocide d’animaux allant du lapin au rat, en passant par les poissons, les ratons laveurs, les sangliers et les renards ; tout ça pour récupérer des ressources permettant d’améliorer d’un niveau (sur quatre) chaque composant de son équipement.
Si ce système de progression n’est déjà pas passionnant intrinsèquement, il devient véritablement pénible lorsque, accrochez-vous, vous n’êtes pas assuré(e) de trouver un os de sanglier en tuant un sanglier. Eh bien non, les développeurs ont trouvé intelligent d’intégrer un taux de drop, histoire de ne pas pouvoir looter à coup sûr l’objet voulu. Pourtant, je ne peux parler au nom de tous les joueurs, mais en ce qui me concerne, je n’ai pas acheté H :ZD pour éradiquer la population terrienne de dindes. Ça m’emmerde même de devoir faire ça.
Le jeu aurait pu être intelligent en proposant ce système et une ou plusieurs alternatives : pouvoir acheter les éléments de craft, pouvoir même acheter l’amélioration tout court pour ceux qui ne veulent pas s’emmerder avec ce genre de conneries.
Cette réflexion doit également être menée en ce qui concerne les armes et leur obtention. En quoi est-ce intelligent de proposer les armes à l’achat quand le joueur pourrait les fabriquer ? En quoi est-ce pertinent de te proposer dès le départ chez les marchands deux versions d’une arme, l’une rare et l’autre plus commune, la première étant plus performante ? Il est évident que le joueur va opter pour la première, rendant de facto la deuxième inutile…
Et notez que chaque arme achetée va déclencher une « quête didacticiel » qu’il faudra impérativement réaliser si vous voulez décrocher le trophée platine. On en est là… Bien sûr, rien ne vous oblige à les faire. Néanmoins, des points d’expérience sont à la clé. L’absurdité est poussée au point que vous devez absolument activer ladite quête, alors que ça aurait pu se compléter en sous-marin durant la progression. Si vous réalisez ce qui est attendu de vous, sans activer la quête au préalable, ça ne sera tout simplement pas comptabilisé.
Et on peut quand même s’interroger sur le degré de respect des joueurs là-dedans. Sommes-nous-on si cons que nous avons a besoin d’un didacticiel pour apprendre à utiliser une arme ? Les joueurs ne savent donc plus expérimenter de nos jours ? L’infantilisation inutile…
En vérité, les développeurs ont organisé la distribution des armes par zone. Tant que tu n’as pas atteint la zone B, tu ne peux utiliser que les armes disponibles dans la zone A. La circonstance que des dinos robots se promènent partout sur la map et que le joueur doit faire tomber des éléments de ces dinos en les combattant n’a vraisemblablement conduit personne à dire : « les gars, au lieu d’emmerder les joueurs à buter des rats pour fabriquer un nouveau carquois, on ne pourrait pas plutôt le pousser à cartonner du dino pour qu’ils améliorent les armes avec des composants ? ».
Il y avait vraiment un énorme potentiel. Le joueur aurait pu aller s’attaquer à un ennemi bien plus fort pour tenter de s’emparer d’éléments servant à considérablement améliorer son stuff. Le jeu aurait récompensé les prises de risques. C’est comme cela que j’imaginais le jeu : un vrai monde ouvert, rugueux et dangereux, où tu observes ton ennemi, à l’abri, avant d’aller le piéger et profiter de l’effet de surprise. J’imaginais que l’on pourrait visiter librement l’univers, que l’on serait amené à croiser des ennemis bien trop forts à éviter à tout prix avant d’y revenir plus tard. Tout est en réalité très linéaire. Les développeurs décident du moment où l’on change d’armes et ils contrôlent l’avancée dans les zones. Tout ce que le joueur fait dans le jeu, il ne le fait pas par plaisir ou envie, mais par obligation.
C’est d’autant plus flagrant en ce qui concerne les quêtes secondaires qui popent au fil du chemin que l’on est obligé de suivre pour la quête principale. Le jeu sait exactement où Aloy va passer et quand. C’est sur cette prescience du déplacement obligatoire que les développeurs ont disséminé leurs quêtes, pour être sûrs que le joueur ne les ratera pas. Alors docilement, le joueur reste sur son rail et fait les choses dans l’ordre.
C’est en fait tout le système de progression qui a dix ans dans la tronche et qui fait battre le jeu de l’aile.
Bien sûr, il y a quinze mille trucs à récupérer partout, des projecteurs, des poupées moches ou des fleurs de métal. Ça ne sert objectivement à rien et on se dit que Guerrilla Games n’a pas retenu que les meilleures choses des jeux Ubisoft.
Notez d’ailleurs que si vous souhaitez des réponses sur le lore, à savoir comment la population terrestre s’est presque éteinte à une époque pour en arriver au retour des hommes habillés avec des peaux de bêtes, il vous en coûtera de trouver des bloc-notes et journaux audios desquels, à force d’interprétations, vous imaginerez une reconstitution des faits à peu près crédible. Bref, les développeurs ne se sont pas trop emmerdés pour ça. Ils ont tout dilapidé aux quatre coins du jeu et seuls les plus persévérants trouveront tout. En ce qui me concerne, j’ai décidé de m’en foutre autant que les développeurs.
Le point qui fait le plus mal est le dernier : l’intelligence artificielle. Lors de la présentation du jeu, les développeurs n’avaient évidemment pas choisi les ennemis au hasard. L’espèce de T-Rex mécanique semblait intelligent, il était vif et résistant. Ses attaques ne semblaient pas téléguidées ou trop prévisibles. Bref, le jeu s’annonçait épique.
Quitte à doucher vos derniers espoirs si vous n’avez toujours pas craqué pour le jeu, H :ZD n’est jamais épique. Les ennemis sont tellement idiots que vous n’aurez quasiment jamais rien à craindre. Le plus simple est de chercher la limite de la zone au-delà de laquelle n’ira jamais le dino robot. Une fois que vous l’avez trouvée, il va bugger en faisant systématiquement demi-tour… Il semble loin le temps où des dragons dans Skyrim pouvaient vous poursuivre sur des kilomètres.
Beaucoup ont vertement critiqué, et à raison, l’IA des êtres humains que l’on affronte. Ceux-ci sont effectivement d’une bêtise sans pareil, au point que vous pouvez abattre un bandit sous les yeux d’un autre, celui-là ne traînera pas longtemps avant de retourner à ses petites occupations, à savoir vous tourner le dos. Heureusement, ces affrontements ne sont pas très nombreux et ils ne pèsent pas très lourd dans la balance en ce qui me concerne.
En revanche, les dinosaures robots constituent le plat de résistance. Du coup, il semble un peu plus dérangeant d’observer qu’ils n’ont qu’une minable routine, deux types de comportement selon qu’Aloy est repérée ou non, et deux voire trois variantes d’attaques pour le mode combat. Il me semble important de le noter, lorsqu’une frange de la presse s’est crue inspirée en véhiculant l’idée que les dinos robots avaient des comportements extrêmement variés et travaillés, que chacun d’entre eux disposait de pages et de pages de détails sur leurs comportements possibles, limite qu’une bible par dinosaure robot avait été écrite… Il est déplorable de noter qu’une fois encore, une partie de la presse a roulé pour un développeur et son éditeur, en lui faisant de la pub plutôt qu’en faisant de l’information et de la critique.
Qu’on s’entende bien, les animations des bestiaux sont globalement bonnes. Leurs mouvements sont bien décomposés et les plus imposants pètent la classe.
En revanche, pour ce qui est de leur intelligence et de leur comportement, on repassera. Si je ne nie pas que certains modèles, sur vingt-cinq en tout, réservent quelques surprises, beaucoup sont d’une connerie affligeante.
Je suis resté hébété devant ce Grand-Cou qui tourne en rond ad vitam æternam. Il aurait pu se promener librement dans toute la zone qu’il est censé couvrir, ç’aurait été génial. Mais non, il tourne sans jamais s’arrêter sur un circuit déterminé et on attend seulement du joueur de trouver l’endroit d’où sauter pour atterrir sur son dos… C’est ridicule.
Les autres dinos ne sont pas en reste, puisque, non seulement ils se laisseront approchés sans problème pour que Aloy puisse les pirater, dès lors qu’elle arrive dans leur dos, mais même en l’ayant repérée, ils sont capables de l’oublier en quelques secondes dès lors qu’elle se planque dans un buisson.
Bien sûr, certains d’entre eux, en particulier les prédateurs, sont plus taquins et teigneux. Pour autant, être repérée ne veut pas forcément dire qu’Aloy est nécessairement en danger tant les ennemis sont faciles à abattre. En effet, soit leur point de faiblesse est trop important soit leur bêtise les rend trop prévisible.
Bref, rares sont les combats desquels le joueur sort étourdi ou même juste fier.
Je concède ne pas avoir vu tous les dinos puisque j’ai fini par abandonner le jeu aux alentours de la vingt-cinquième heure. Certains rétorqueront peut-être que les derniers sont géniaux. Je considère qu’un jeu ne doit pas devenir intéressant au bout de trente heures.
Ma plus grande déception les concernant a été de constater qu’ils n’interagissent pas entre eux. Ils ont juste un système d’alarme connecté qui implique que, si l’un vous repère, tous passent en mode combat. Mais en mode normal, ils suivent une routine et ne donnent pas l’impression de vivre ou même réagir à l’environnement.
Tout ça semble très faux, tout comme la rigidité des visages des personnages qui repoussent toujours plus loin la malaisance due à l’uncanny valley.
Pour une première de Guerrilla Games dans le registre de l’open world, j’avoue que j’en attendais bien plus. J’imaginais qu’ils s’y étaient lancés armés de plein de bonnes idées. J’espérais surtout qu’ils apporteraient un peu de fraîcheur et proposeraient une expérience différente.
Malheureusement, force est de constater que beaucoup chez Guerrilla ont dû passer trop d’heures sur Far Cry Primal.
Trop convenu, trop linéaire, trop contrôlé, trop prémâché, trop chiant, trop facile, Horizon rate complètement son entrée dans la cour des grands alors que le tapis rouge lui avait été déroulé. Il promettait de l’originalité, mais fait presque tout comme tout le monde. Pire, il ne tire aucune bonne idée de son concept de base.
Reste un spectacle éblouissant et quelques parties de chasse endiablées. Pas mauvais, mais pas bon non plus. Plus que jamais, l’écrin ne fait pas la qualité du bijou qu’on y cache.