Je suis friand de beaucoup de séries des années 80 et 90 avec lesquelles j'ai grandi : Ghostbusters, L'Arme Fatale, Star Wars, Terminator, Alien, Predator et j'en passe, mais Indiana Jones n'en fait pas partie. J'ai trouvé les films agréablement divertissants à l'époque, mais je n'ai jamais eu envie de les revisiter comme je l'ai fait maintes fois avec ceux que je viens de citer. Si j'aime ses aventures, Indiana Jones me déplaît autant que la plupart des personnages incarnés par Harrison Ford, mais c'est surtout le 4ᵉ film qui a étouffé ma sympathie pour la trilogie originale.
Pour tout dire, je ne suis pas non plus fan d'infiltration, ni de puzzles, et je n'avais donc absolument aucune raison de jouer à un jeu d'infiltration puzzle dans l'univers d'Indiana Jones, mais je ne regrette pas de l'avoir fait. C'est typiquement le genre de situation où seul un abonnement comme le Game Pass m'a fait franchir le pas, en me permettant de tester les premières heures pour comprendre par quelle magie vaudoue le titre se payait des notes aussi dithyrambiques (87% sur OpenCritic, 9/10 sur Steam)
Je m'y suis lancé sans conviction, certes, mais aussi vierge de tout à-priori, n'ayant suivi ni les annonces autour du jeu, ni ses bande-annonces, et poliment ignoré les articles qui en ont chanté les louanges. Le temps de revoir Les Aventuriers de l'Arche Perdue pour me remettre dans l'ambiance, me voilà prêt à revêtir la veste en cuir et le Fedora de l'aventurier qu'on n'avait pas vu sur PC et consoles depuis 15 ans.
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The Great Circle ne commence pas sur les chapeaux de roues. Son premier niveau reprend plan pour plan la scène d'ouverture des Aventuriers de l'Arche perdue et m'a fait piètre impression : personnages au rendu daté, animations rigides, une forêt couloir exigüe, une caméra qui n'arrive pas à se décider entre première et troisième personne... il n'y a pas grand-chose qui fonctionne. Et ce n'est ni la plateforme minimaliste ni le puzzle simpliste qui m'ont fait changer d'avis
S'ensuit un prologue narratif où vous contenterez principalement d'aller d'un marqueur à un autre pour écouter des conversations raisonnablement bien écrites. Cette introduction un peu poussive pose des enjeux narratifs si ténus qu'ils ne valaient vraiment pas le billet d'avion jusqu'en Europe, mais donne une excuse à Indie pour partir en quête de frissons et de réponses, avec une maladive obsession qui le mènera aux quatre coins du globe.
On commence par le Vatican pour enquêter sur un vague mystère, ni fascinant ni excitant, mais c'est aussi là que le jeu s'ouvre et vous laisse explorer librement une large zone urbaine. C'est une liberté à laquelle je ne m'attendais pas, après des années de Lara Croft et de Nathan Drake sur rails. Et après 10 ans de mondes ouverts boursoufflés et inutilement énormes, j'ai apprécié ces petites zones, très denses, aux décors richement détaillés, qui s'apparentent un peu à ce qu'on trouve dans Bloodlines ou Human Revolution.
Le jeu va ainsi alterner ces petites zones ouvertes et des passages plus guidés, parfois fortement mis en scène. Attendez-vous à des heures de dialogues, car Indie explore rarement seul, une quantité effarante de cutscenes de bonne qualité avec des visages bien plus réussis que ce que m'avait fait craindre l'intro et une mise en scène efficace.
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Côté gameplay, c'est un menu en trois services :
■ L'exploration des environnements, la découverte des tombes et de leurs nombreux pièges et puzzles est ce qui vous occupera principalement, et c'est aussi là que le jeu brille le plus. C'est rarement très compliqué, et pour des joueurs au cerveau aussi atrophié que le mien, les devs ont trouvé l'équilibre parfait entre le trivial et un peu trop facile d'un Uncharted ou God of War, et l'imbitablement compliqué d'un Tomb Raider Anniversary. J’ai quand même galéré une paire de fois, mais jamais au point de me foutre en rogne.
C'est souvent original, juste assez malin pour que je me sente intelligent, et toujours curieusement tactile. Tout est fait pour vous faire ressentir la friction des mécanismes, la rotation d'engrenages millénaires et le frottement de vieilles pierres ensevelies par des siècles d'oubli.
■ Le parkour est simpliste et ne vous mettra jamais en difficulté. On vous demande rarement de trouver votre chemin, le jeu utilise la sempiternelle peinture / poussière blanche qui vous dit où aller. Il arrive ponctuellement qu'on se paume un peu dans des décors sombres ou touffus, mais les phases de plateforme sont surtout des transitions d'une scène à une autre. J'ai apprécié la lourdeur du personnage et ses gémissements dans l'effort, qui en font un être humain bien plus crédible que Nathan Drake qui fait des sauts de 15m en se rattrapant par un doigt.
■ J'étais curieux de voir le studio MachineGames sortir de sa zone de confort en faisant un jeu dans lequel on trucide des nazis-- Oh wait. Mais au lieu de les tuer à l'arme automatique, on les défonce à coups de pelles, de casseroles et de marteaux, ce qui est bien plus réjouissant. De nombreuses séquences vous font traverser des camps de nazis ou de fascistes que vous pouvez infiltrer ou décimer à l'arme à feu. J'ai fait presque tout le jeu en me faufilant et j'ai trouvé cet aspect du jeu étonnamment réussi.
Les mécaniques sont toutes simples et il suffit de s'accroupir pour se faufiler entre les patrouilles. Le level design vous permet toujours de casser les lignes de vue, les signes de détection sont clairs, et c'est une infiltration très laxiste, où il est facile de passer inaperçu, exactement comme dans les films, quand le héros gambade dans le camp ennemi sans attirer l'attention, juste parce qu'il a baissé la tête au bon moment. Cette apparente facilité est contrebalancée par un grand nombre d'ennemis, ce qui donne à l'exercice une aura de difficulté souvent illusoire, mais satisfaisante.
Techniquement, vous pouvez aussi vous emparer d'un fusil et faire des têtes, mais j'ai l'impression que ce n'est pas la stratégie dominante, et je ne m'y suis que rarement essayé.
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Visuellement, le jeu est honnête et offre quelques très beaux décors, mais avec ses animations datées et des personnages inégaux, on est très loin d'un Naughty Dog (notamment Uncharted 4, pourtant sorti il y a 8 ans). Découvrir toutes ces destinations exotiques à la première personne est un vrai régal, et c'est un choix qui colle à l'orientation plus posée et moins acrobatique du titre qui n'essaye pas d'aller à 200 à l’heure en faisant exploser tous ses décors, mais correspond davantage au rythme tranquille du premier film.
En revanche, il faut que quelqu'un m'explique pourquoi le jeu repasse sans cesse à la troisième personne. Ça n'aura jamais cessé d'être désagréable, et si c'était juste pour nous rappeler qu'on joue Indiana Jones, l'abondance de cutscenes s'en charge déjà. Cyberpunk 2077 a prouvé récemment qu'on pouvait mettre n'importe quoi en scène à la première personne, et aucun des changements de caméra de The Great Circle ne m'a paru nécessaire.
Je n'avais pas de grosse attente vis-à-vis de l'écriture, mais une fois de plus, le jeu m'a agréablement surpris. The Great Circle vous fait incarner un Indiana Jones moins con, bourru et misogyne que dans le premier film, et j'ai même réussi à le trouver occasionnellement sympathique. Les seconds rôles sont honnêtes, mais c'est surtout l’antagoniste qui m'a fait forte impression : à la fois bien joué et finement écrit, il en devient presque attachant au fil de l'aventure. Pour le reste, c'est un scénario typique d'Indiana Jones qui sert d'excuse pour voler et voguer aux quatre coins du monde et démêler des mystères bibliques sur fond de troisième Reich.
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J'ai beaucoup apprécié le jeu, car je n'en attendais rien et n'ai donc cessé d'être agréablement surpris, mais ça n'en fait pas un chef-d'œuvre hautement recommandable. C'est un bon jeu d'aventure qui mélange efficacement des gameplay simples et bien exécutés et fait honneur à la licence qu'il adapte en modernisant le matériau d'origine sans le dénaturer.
Le jeu respecte votre temps et se laissera dompter en une quinzaine d'heures si c'est la trame principale qui vous intéresse. Pour ceux qui veulent s'immerger davantage dans les années 30, vous pouvez en fouiller chaque recoin, trouver tous les secrets, résoudre des puzzles dans des tombes secrètes, et vous acquitter d'une petite collection de quêtes secondaires, dont certaines valent le détour.
Aucun remplissage, pas de barrage artificiel pour vous coincer un peu plus longtemps sur le jeu, pas d'XP et de loot, pas de Shop et season pass ? Où est passée l'habituelle odeur de charogne des live service où on sacrifie le gameplay sur l'autel de la rétention ? The Great Circle est un jeu honnête comme on en fait heureusement encore.