Le QTE trouve toujours son chemin
Studio indépendant spécialisé à la fois dans le jeu d'aventure (principalement point'n click) et dans l'adaptation de licence bd/ciné/télé, Telltale Games nous propose de revivre Jurassic Park dans une histoire inédite se déroulant en parallèle du premier film, aux côtés d'un tout autre groupe de personnages. Et avec des nouveaux dinos. Il n'en faut pas plus pour attiser la curiosité du fan. C'est donc tout naturellement que je me suis essayé à ce jeu vidéo sobrement intitulé Jurassic Park : The Game.
Premier constat, c'est moche. Très moche. Le manque de moyens se fait cruellement sentir à la vue des pauvres textures et des animations robotiques qui nous ramènent à la préhistoire du jeu vidéo. Bon, j'exagère, mais c'est pour rester dans le thème. Deuxième constat, le gameplay est tout pourri. En gros ils ont pris des fragments de l'A.D.N. de Heavy Rain et ils ont comblé les trous avec du caca. Autant vous dire que c'est pas jojo. Concrètement, ça se traduit par des QTE à la pelle, très peu inspirés et répétitifs. Mais là où Heavy Rain proposait un minimum de gameplay à base de phase de recherche et de Madison à poil sous la douche, Jurassic Park nous sert quelques rares passages de point'n click niveau Adibou avant de repasser à un enchaînement interminable d'actions contextuelles foutraques. De même, n'espérez pas trouver un scénario à multiples embranchements comme dans le modèle sus-cité. Finalement ça va encore plus loin dans le concept de film interactif. La prochaine étape sera sûrement de supprimer l'interaction, et on appellera ça le cinéma.
Pourtant, malgré tout ce que je peux lui reprocher, je n'ai pas détesté parcourir ce Jurassic Park. Parce que si la forme est extrêmement décevante, le fond n'est pas dénué de qualités. Déjà, c'est plutôt audacieux de la part de Telltale de proposer un casting inédit alors qu'ils auraient pu se reposer sur les personnages des films dont le super charismatique mathématicien Ian Malcolm et sa répartie à toute épreuve. Sans surprise, les nouveaux personnages sont loin d'être à la hauteur de Grant, Malcolm et autre Hammond et malheureusement non dénués de clichés, mais ils sont tout de même assez travaillés pour que l'on s'intéresse à eux. Au début du jeu nous ferons connaissance avec deux duos de personnages : un vétérinaire du parc accompagné de sa fille pré-ado avec qui il ne s'entend pas très bien (quand je parlais de clichés...), ainsi que deux individus relativement louches qui sont en fait les contacts de Dennis Nedry. Mais si, le gros informaticien qui vole les embryons de dinosaures dans le film, vous vous souvenez ? Evidemment, tout ne vas pas se passer comme prévu puisque l'on sait tous que ce bon vieux Newman finira en pâtée pour Dilophosaure, ce qui permet de faire du réceptacle à embryons ingénieusement camouflé dans une bombe de mousse à raser un MacGuffin de choix pour le scénario du jeu. Au cours de l'aventure, nous ferons connaissance avec d'autres groupes de personnages et tout ce petit monde va se croiser, se séparer, se recroiser et certains se feront bien évidemment dévorer tout cru. Sinon on ne serait pas dans Jurassic Park.
Mais assez parlé des personnages. Ce qui nous intéresse le plus dans Jurassic Park, c'est les dinosaures, non ? Heureusement, les petits gars de Telltales ont assez bossé ce point là. Bénéficier de la direction artistique du film a dû pas mal aider, sans parler des sons cultissimes (aaah, le rugissement du T-Rex, les cris des raptors...). Mais comme pour les personnages, l'effort a été fait de nous offrir de nouvelles bestioles encore jamais vues que ce soit dans les films de Spielberg ou les livres de Crichton (bien qu'elles y soient mentionnés). Si vous souhaitez conserver la surprise des dinosaures présents dans le jeu, passez au paragraphe suivant sans plus attendre. Si la curiosité l'emporte, lisez donc ce qui suit. On retrouve bien entendu les stars de la franchise que sont le Tyrannosaure et les Vélociraptors (Deinonychus, ce sont des DEINONYCHUS, bordel !), mais aussi les Dilophausaures dont on avait seulement aperçu un spécimen dans le premier film. Les Compsognathus et les Ptéranodons sont quant à eux confinés à de la simple figuration. Mais tenez vous bien, ce ne sont pas moins de trois nouvelles espèces que vous pourrez croiser dans le jeu. Si l'intervention des Herrerasaures, carnivores primitifs, est assez anecdotique, les deux autres créatures sont largement mises sur le devant de la scène. Petit dinosaure nocturne aux yeux globuleux et à la morsure empoisonnée, chassant en groupe, lointain cousin du raptor et partageant l’intelligence de ce dernier, le Troodon deviendra votre nouveau cauchemar. Les mecs de Telltale lui ont imaginé quelques autres particularités bien flippantes dont je vous laisse la surprise. Une sacrée raclure, celui-là. Et le dernier mais non des moindres, même si ce n'est pas un dinosaure il n'en reste pas moins impressionnant : le Mosasaure, gigantesque reptile marin pour lequel un requin blanc ferait figure d'amuse-gueule. Autant le design de l'Herrerasaure est assez banal et celui du Troodon un peu trop creepy, autant le Mosasaure a vraiment de la gueule et on aurait aimé qu'il soit encore plus présent. S'il y a un jour un Jurassic Park IV au cinéma, on veut voir un Mosasaure. On regrettera toutefois que nos amis les herbivores ne soient pas un peu plus mis en avant alors que l'omniprésence du Rex pourra lasser.
Le scénario, sans être exceptionnel, se laisse suivre avec ses nombreuses références à la saga et soulève même quelques questions d'éthique intéressantes. Dommage que quelques retournements de situation surfaits viennent faire chanceler un script qui tenait plus ou moins debout malgré la mise en scène assez calamiteuse. Il faut dire qu'il est difficile de prendre le jeu au sérieux après avoir vu une fillette de quatorze ans distancer un T-Rex à la course à pied ou une espèce de vieux motard affronter trois raptors à mains nues. De manière générale, la façon dont les protagonistes échappent aux dinosaures dans le jeu est très souvent ridicule. Un défaut qui nuit énormément à l'immersion et à la crédibilité des bestiaux qui sont sensé être un peu dangereux, tout de même. Heureusement que la sublime musique de John Williams et là pour nous remonter le moral. On appréciera aussi un bonus sous forme de journal assez intéressant à feuilleter (bien que très court) pour tout fan qui se respecte.
Ce Jurassic Park est un ratage indéniable, et c'est d'autant plus dommage que le potentiel était là. Avec une réalisation plus soignée et un gameplay allant au delà du simple enchaînement de QTE on aurait pu tenir quelque chose de vraiment sympa. Telltale Games semble d'ailleurs s'être rendu compte de ses erreurs car le studio nous est revenu avec une adaptation de The Walking Dead reprenant à peu près la même recette avec infiniment plus de brio. Adaptation qui fut d'ailleurs couronnée de succès critique comme public. Jurassic Park n'en était finalement qu'un simple brouillon, et je me prend parfois à rêver de ce qu'aurait pu être le jeu s'il était passé APRÈS The Walking Dead. Pitié Telltale, sortez-nous une suite maintenant que vous savez faire de bons jeux !