Un des espoirs vidéoludiques de beaucoup de fans de Jurassic Park serait de pouvoir se promener sans contrainte dans le parc reconstitué fidèlement en 3D, que ce soit pour retourner en pélerinage virtuel sur les lieux les plus marquants du film, mettre une image sur les paysages décrits dans le livre ou encore explorer des recoins sombres au fond de la jungle où des raptors sont sûrement en train de fomenter un sale coup.
Jurassic Park Operation Genesis, propose donc au joueur de construire le parc à dinosaures de ses rêves sur une île que l'on peut grossièrement modeler à volonté et en choisissant un site de fouilles en fonction des fossiles qu'on peut y trouver. A partir de là, on pose une entrée, une couveuse, quatre clôtures et le parc peut ouvrir.
Cette ouverture prématurée est nécessaire pour gagner des sous et développer le parc via l'achat de technologies, d'infrastructures ou de nouveaux sites de fouilles. Au fil de son développement, le parc gravite les échelons d'une classification basée sur la qualité du parc et le nombre de visiteurs, jusqu'à atteindre la distinction ultime des 5 étoiles. Ce but n'est pas bien difficile à atteindre, il suffit de laisser tourner le jeu quelques minutes pour engranger de l'argent que l'on dépense ensuite sans trop réfléchir dans la prochaine techno disponible ou dans un nouvel enclos.
De temps en temps une tempête éclate ou un raptor pête les plombs, il faut alors réagir rapidement , fermer le parc, prendre les commandes de l'hélico, réparer les clôtureset tout rentre dans l'ordre au bout de quelques minutes.
Clairement l'aspect gestion n'est pas l'intérêt principal du jeu. Celui-ci n'est pas non plus dans l'immersion au sein de l'univers JP. On a bien sûr affaire aux principaux personnages du premier opus, de Henry Wu à John Hammond en passant par Ellie Sattler, dont certains reprennent leurs répliques du film bien que les doubleurs aient changé. Visuellement, les bâtiments ne sont pas des plus fidèles à ce qu'on connait dans les films et les attractions non plus. Au niveau de la musique, le thème principal reprend "Dinosaur Fly By" de la BO de JP///, et c'est tout, les autres pistes sont toutes des morceaux originaux, par ailleurs très réussis. Ils sont tous téléchargeables légalement et gratuitement sur le site personnel du compositeur.
Mais c'est au niveau de l'ambiance que le jeu s'éloigne le plus des films. Isla Nublar signifie "île des brumes", son atmosphère résidait principalement dans son environnement (relief, végétation, climat) que l'on imaginait rempli de recoins où personne n'avait jamais mis les pieds et où était tapi quelque monstre préhistorique non répertorié. Difficile de s'y croire quand d'un bout de l'île on peut voir très clairement ce qui se passe de l'autre côté, quand la plus haute montagne équivaut à la hauteur de deux palmiers, quand il n'y a qu'un arbre tous les 50 mètres ...
Isla Nublar dégageait une aura de mystère que l'on ne retrouve pas du tout dans le jeu et c'est fort dommage.
Alors tout est nul? Non, un mode mission permet d'expérimenter divers aspects du gameplay qu'on n'a pas toujours l'occasion de mettre en pratique lors de la création de parc. Ces missions sont assez variées et vont de la conception d'une attraction, au reportage photo en passant par la conduite d'un troupeau de dinosaure, façon berger héliporté.
Et le plus intéressant réside sans doute dans la vision que les développeurs avaient de leur jeu lorsqu'ils l'ont imaginé: plus qu'un zoo tycoon avec des dinosaures ils disent avoir conçu Operation Genesis comme une simulation de vie de dinosaures avec une surcouche "gestion".
Un exemple concret de ce parti pris est le fait que rien ne se base sur des statistiques: dans un jeu de gestion habituel un distributeur de nourriture serait prévu pour un nombre défini de dinosaures et au-delà de ce nombre les animaux "en trop" auraient toujours faim. Dans JPOG ce ratio n'est pas pris en compte de manière aussi terre à terre : peu importe le nombre de distributeurs dans son enclos, un T. rex continuera d'avoir faim s'il ne croise pas physiquement une chèvre et effectue l'action de la dévorer. Le même principe est appliqué pour les jauges de sociabilité, joie, soif ... c'est le comportement des dinosaures, visible à l'écran, qui influe sur les variables du jeu, et non l'inverse.
Il reste donc le principal, les dinosaures. Vingt-cinq espèces sont disponibles, toutes celles présentes dans les films de la saga, ainsi que quelques autres inédites. Très réalistes, leurs animations sont vraiment réussies, fidèles à celles des films, de même que leurs cris. Le mode mission permet de débloquer le "Site B" qui est en fait une deuxième île sans contrainte de budget ni de technologie sur laquelle on peut recréer un monde perdu, un mode ajouté par les développeurs quand ils se sont rendu compte qu'ils passaient des heures à regarder les dinosaures évoluer et interagir, entre eux ou avec leur environnement. On se prend alors à jouer au naturaliste en variant les combinaisons d'espèces pour découvrir de nouveaux comportements.
En bref, Jurassic Park perd son côté "île aux monstres" pour devenir un zoo préhistorique bien propre avec sentiers balisés et marchands de glaces. Si le jeu manque de profondeur et de challenge son principal intérêt réside dans les dinos eux-mêmes, fidèlement modélisés, qu'on se prend à couver, soigner et admirer, quitte à laisser de côté les autres aspects du jeu.