Le chien reste le meilleur ami de l'homme
Kane est borgne. Borgne, veuf et tracassé par sa fille, qui lui voue une haine sans pareil. D'ancien taulier du grand banditisme, il est successivement passé de futur condamné à passeur à fugitif à Punisher avant de finalement disparaître, laissant derrière lui ce psychopathe de Lynch, dont on ne sait jamais vraiment qui il est si ce n'est un homme violent, même avec sa femme, légèrement bipolaire, et qu'il est prêt à tout pour oublier et faire oublier l'homme qu'il a pu être. Mais on ne peut pas changer qui on est.
Tout ça, c'était avant. Désormais, Lynch vit à Shanghai, a une petite amie qu'il aime beaucoup, et il attend Kane pour un dernier coup.
Shanghai, ses avenues chargées, ses contre allées désertes et glauques, ses ateliers clandestins, ses squats, ses buildings, ses restaurants. Kane & Lynch vont tour à tour découvrir, depuis les backstages, cette ville, expérimentant à nouveau les foirages en série et la descente aux enfers que leur statut de malfrat sans scrupule (vraiment ?) suppose. Impose.
Kane & Lynch ne sont plus tout jeunes, et malgré l'énergie qu'ils déploient, leur passé, que dis-je, leur passif, les laisse flotter au fil des événements qui s'enchaînent, des balles qui s'échangent, sans qu'ils puissent vraiment suivre, eux avec leur démarche clodiquante, leur vue qui baisse, et toutes ces lumières, ces flashs, et toute cette pluie et toute cette nuit...
Sublime Shanghai. Magnifique Shanghai, qui éblouit même les aveugles, rarement rendue avec pareille maestria, pareille classe, laissant à la fois dans la bouche de Kane & Lynch ce goût de rêve et de crasse suintante, dégoulinante, et cette amertume aussi.
Kane & Lynch canardent tout ce qu'ils peuvent. D'ailleurs, ils ne peuvent plus faire que ça. A leur âge, rien d'autre ne leur est plus permis, hormis ce regard blasé et second degré sur leur condition de mort en sursis, promettant de belles heures au purgatoire pour leur prochaine arrivée.
Au bout du voyage pourtant, que de mépris pour ces tueurs malheureux, leur histoire poignante et leur façon bien à eux de toujours tout foutre en l'air et de rebondir aussi sec.
Leurs vieux os leur interdisent les prouesses, certes, mais au vu de leurs précédentes aventures, et des efforts qu'ils ont consenti pour reprendre leur vie en mains, quand bien même ils n'ont d'ambitions qu'à très court terme (4h pour boucler le solo mais hey, Portal et ses 2h30 reste considéré comme un chef d'œuvre), Kane & Lynch se révèlent deux braves gars, deux anti héros aux destins contrariés, empêtrés dans un bourbier rocambolesque plus mémorable qu'on pourrait le penser de prime abord.
Kane & Lynch, vous êtes des salauds de la pire espèce. Revanchards, égoïstes, naïfs parfois, forcenés, un peu obtus, mais malgré tout, je vous dis merci.