Temps de jeu : 10 heures
Mon deuxième Katamari Damacy
Reçu dans le Humble BANDAI NAMCO Bundle 4
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#63]
Épisode fondateur d’une série atypique, Katamari Damacy profite d’une version intitulée « Reroll » pour enfin fouler le continent européen. En effet, le titre d’origine paru en 2004 sur PS2 n’est jamais arrivé jusque chez nous, à l’inverse du public américain. Alors imaginée par Keita Takahashi sous le giron de Namco, la série débarque donc sur Nintendo Switch sous la forme d’un remaster. Disponible depuis le 7 décembre 2018 au prix de 19,99 €, il est fort probable que vous soyez passé à côté de sa sortie. Il faut dire que Bandai Namco Entertainment, l’actuel éditeur, ne l’a pas joué fine : le titre, clairement de niche, parut le même jour que Super Smash Bros. Ultimate. Pour autant, Katamari Damacy Reroll mérite que le joueur curieux s’y attarde un tant soit peu. Explications.
Le Petit Prince et l’Énorme Katamari
Katamari Damacy Reroll est un titre absurde. Voilà, c’est dit. Absurde, parce que tout ce qui se déroule sous nos yeux est volontairement étrange, pour ne pas dire assurément bizarre. Le Roi du Cosmos, maître des entités stellaires, a fait une gaffe : il a détruit, par accident dira-t-on, toutes les étoiles dans le ciel. Alors, au lieu de corriger lui-même sa maladresse, il vous envoie vous, son fils adoré mesurant à peine quelques centimètres, réparer les astres brisés. Après tout, vous êtes le Prince, ce petit être doté d’une force incommensurable et d’un Katamari près à tout absorber ! Le Katamari, késako ? Il s’agit là d’une boule capable d’amonceler tout un tas de corps étrangers pour grossir, grossir et encore grossir, jusqu’à devenir une masse informe et immense. À ce stade-là, si vous ne connaissez absolument rien à la série, vous devez, à la lecture de ce test, vous sentir complètement perdu.
Vous vous demandez certainement quel est le but du jeu, quelles sont les mécaniques de gameplay, ou encore si l’histoire a un sens ? Ne soyez donc pas surpris : l’histoire n’a aucun sens, non. Comme mentionné plus haut, vous, le Prince, devez reconstruire la voûte céleste à l’aide de votre Katamari. Entre chaque mission, le Roi vous téléportera entre votre chez-vous et la Terre, au Japon, chez les Hoshino. Une famille tout ce qu’il y a plus normale, à la différence près que le père est astronaute – vous ne l’êtes pas vous, non ? – et que les deux enfants sont les seuls à voir le Prince et son étrange artéfact. Quelques saynètes clairsemeront l’aventure, toujours prêtes à décrocher un sourire ou deux devant l’improbabilité des actions se déroulant sous nos yeux. Les cinématiques ont par ailleurs profité de cette version Reroll pour bénéficier d’un ravalement de façade et s’afficher glorieusement en haute-définition. Le jeu a par ailleurs été traduit en plusieurs langues, dont le français.
They see me rollin’, they screamin’
Le jeu lui-même profite de graphismes affinés et de textures moins vieillottes, en plus d’un upscale de l’image en 16:9. Très joli, le titre profite d’une direction artistique qui ne subira certainement jamais le poids des années. Tout en low-poly, le rendu, très simple, passe à merveille et ferait presque oublier que le jeu avait déjà près de quatorze ans dans les pattes. Le doublage japonais reste d’origine, tandis que le Prince, ses cousins et la Reine du Cosmos ont vu leur design changé pour se rapprocher davantage des artworks de Keita Takahashi, plus arrondis que leur apparence dans le jeu d’origine. On notera aussi quelques animations supplémentaires pour le Prince, notamment lorsque son Katamari atteint la taille désirée, afin de le rendre plus vivant. Quelques retouches dans l’équilibrage des missions dans l’optique de les rendre plus faciles sont aussi à indiquer. Finalement, c’est du côté de la bande-son et des contrôles qu’on trouvera le plus de différences notables.
En effet, Katamari Damacy Reroll ne se joue pas comme à l’époque, mais adopte en lieu et place les touches de We ♥ Katamari et de ses suites. Un stick pour pousser ou tirer la boule, l’autre pour la déplacer vers la gauche ou la droite. Cette maniabilité, très spécifique, déroutera facilement le joueur néophyte ; la persévérance est de mise car, une fois assimilée, le titre dévoile de la matière pour les speedrunners en herbe. Le Prince est aussi capable de donner un puissant coup d’accélération et de faire demi-tour. Par chance, si ces contrôles vous posent trop de soucis, il est possible de jouer avec le gyroscope ; la position de la manette dans l’espace déplace la boule, tandis que le boost de vitesse s’effectue avec une secousse bien sentie. Enfin, la bande-son voit certains de ses morceaux déplacés d’un niveau à l’autre. Rien de bien grave donc, surtout quand on entend la qualité de cette dernière. Tout aussi étrange que le reste du jeu, elle possède une force et une énergie à vous filer la banane pour la semaine. Majoritairement composée par Yuu Miyaki, elle vous fera également découvrir tout un genre musical issu de la J-Pop, le Shibuya-Kei ; mélange de jazz, de pop et d’électro, certains rapprochent le genre à celui du Yéyé. C’est terriblement mignon et motivant, de quoi jouer tout en restant positif.
Sacrée boule, dis-donc
Venons-en enfin au cœur même du jeu : son gameplay. Que diable doit-on faire dans un jeu nous plaçant dans la peau d’un microbe et de sa boule gloutonne ?! La pousser, encore et toujours, pour absorber des corps étrangers, la faire grossir et atteindre la taille minimum requise. C’est ça, le but du jeu. Non, ne partez pas ! Ça peut paraître un poil barbant dit comme ça, mais en fait, une fois la première demi-heure passée, c’est absolument génial. On commence tout petit en avalant des punaises et des boutons, avant de s’attaquer à des chapeaux, des ballons de foot, pour mieux terminer sur des véhicules, des bâtiments et même des continents. La Terre est votre terrain de jeu, qu’il s’agisse d’agir à l’échelle d’une chambre ou d’un pays. La principale difficulté vient du chronomètre que le jeu nous impose, généralement aux alentours des six minutes. Avec cela s’ajoute les corps trop gros pour notre Katamari qui, au lieu de s’y coller et de le faire grandir, le bousculera et lui fera perdre de nombreux objets (et donc de précieuses secondes).
D’autres missions, plus annexes, demanderont de reconstituer des constellations, comme celle du Poisson, du Taureau ou de la Vierge. Chacune d’entre elles possède un objectif différent, à savoir collecter X poissons, vaches ou personnages féminins. Des clins d’œil rigolo s’il en est, lesquels permettent de varier un peu les plaisirs. En ligne droite, Katamari Damacy Reroll ne demandera que quatre petites heures. C’est à peine plus pour le 100 % (lequel nous demande de collecter des objets spécifiques nécessitant une certaine taille et une certaine maîtrise du déplacement ou de l’observation), puisque la durée de vie ne dépassera pas les six heures. C’est certes court, mais c’est aussi la bonne durée vu le peu de rejouabilité du titre et le maigre contenu dont il dispose. On peut toujours y (re)jouer à deux, un Joy-Con chacun, ou refaire les niveaux le plus rapidement possible, mais rien de bien croustillant à se mettre sous la dent une fois l’aventure conclue. Le vrai souci, c’est le prix demandé en caisse. Vingt balles pour cinq heures de jeu en moyenne, ça pique.
Verdict
Véritable ovni en son temps, Katamari Damacy Reroll n'a rien perdu de sa superbe étrangeté avec les années. Sa ressortie sur Nintendo Switch dans une version remasterisée nous permet enfin à nous, pauvres Européens oubliés, de profiter d'un titre tout aussi unique que précieux. Véritable bouffée d'air frais dont la production s'apparenterait aujourd'hui à une production issue de la scène indépendante japonaise, il est peu probable que vous ayez déjà joué à un autre jeu dont il partagerait des similitudes. Dépoussiérant la version PS2 à merveille, il s'agit ici de la meilleure version jouable. Passez outre les premières minutes un poil complexes, notamment dans sa maniabilité, et laissez-vous porter, vous et votre Katamari, dans une quête de destruction au rythme joyeux de sa folle bande-son. On ne peut que conseiller l'attente d'une promotion agressive, tant le prix parait excessif pour un remaster d'un jeu divisif vieux de seize ans et dont les corrections et modifications semblent bien légères. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour reforger les étoiles (et son accumulation compulsive...).