Requiem pour une promesse
Il est souvent dit que les grands récits littéraires permettent au lecteur de se sentir moins seul en lui faisant ressentir par le biais de personnages imaginaires des émotions qu'il pensait toutes personnelles. Fidèle à ce précepte, Last Window nous plonge dans un récit poignant d'humanité où les crimes ne sont pas là pour satisfaire les pulsions morbides du joueur mais pour nous ramener à notre propre imperfection humaine. Délaissant un dynamisme outrancier au profit d'un récit plus réaliste et intimiste, Last Window s'attarde ainsi davantage sur la résolution des problèmes sentimentaux de ces protagonistes que sur la résolution policière à proprement dit. C'est là tout le parti pris du jeu d'imposer au joueur un rythme lent pour mieux lui faire apprécier l'humanité de ces personnages, perdant en nervosité ce qu'il y gagne en émotion.
Bien sûr, il faudra accepter l'interactivité perfectible du jeu transposant l'aventure dans un registre davantage proche d'un grand roman graphique que du véritable roman interactif dont il avait l'ambition. Si le maniement se révèle assez inventif pour retranscrire dans le gameplay les mouvements du héros taciturne, le récit est toujours aussi désespérément dirigiste même si quelques nuances louables ont été apportées pour que le joueur puisse obtenir (ou non) des informations supplémentaires selon ses talents de diplomates. Mais il est inutile de le nier : c'est en position de lecteur que vous appréhenderez majoritairement le récit et non en intervenant direct. Au moins cette suite évite l'écueil principal de son prédécesseur en clarifiant bien mieux ses objectifs, permettant au récit de se poursuivre sans trop d'interruptions intempestives au lieu de perdre le fil en étant bloqué trois heures à cause d'un élément que le joueur aurait négligé.
Amplifié par la beauté de l'animation illustrant les sentiments des personnages, le récit de Last Window est à nouveau une plongée touchante dans un univers bien proche du notre, un lieu où les apparences trompeuses nous aveuglent et où la vérité n'est pas aussi simpliste qu'elle n'y paraît. Sans chercher à plaire à un plus large public qui pourrait être gêné par son concept, Last Window a préféré être fidèle à ses convictions en corrigeant simplement les lacunes de son prédécesseur. Un choix tranché qui lui valu autant l'admiration indéfectible d'une communauté de fans que le dédain des joueurs à sa sortie. Il est bien triste que sur l'une des consoles les plus vendues de ces dernières années, l'un des jeux au scénario le plus élaboré et ayant le plus affirmé l'originalité de sa console, ait causé la faillite de ses créateurs. Et s'il est enrageant de ne pouvoir espérer connaître la conclusion de cette crépusculaire aventure, la justesse de l'émotion véhiculée par le jeu, elle, demeure toujours.
PS : Un making of intéressant sur la création du jeu, s'attardant sur son animation.
https://www.youtube.com/watch?v=xv6L26DZYEs&list=FL-n0bBaWn6eG1ufDSa-mMDA&index=2