Suggéré comme "jeu rétro du mois" dans un Discord que je suis, à la manière d’un “club de lecture”, je me suis lancé totalement à l’inconnu avec ce titre.
Je n’y avais pas joué à l’époque et n’ai donc aucune once de nostalgie pour ce jeu. Pour moi, c’est une véritable rétro-découverte que je qualifierais comme suit : “hyper intéressant historiquement, innovant et unique, mais pratiquement injouable aujourd’hui”. C’est l’occasion rêvée de ressortir l’expression consacrée : “sur le papier, c’est génial, mais…”.
Blood Omen est une sorte de hack’n’slash/Zelda-like gothique 18+ qui mise beaucoup sur son côté “edgy” et violent. On incarne une raclure de noble mégalomane, considérant les êtres vivants comme de simples fontaines de sang en libre-service. Seule la vengeance semble animer ce personnage. C’est assez unique d’incarner un protagoniste dont l’alignement D&D est radicalement “chaotique mauvais”. Cette animosité extrême fait qu’on traverse le jeu en solitaire, sans interactions sociales typiques d’un RPG classique : pas de discussions dans les auberges, pas de forgerons pour améliorer son équipement, pas de quêtes secondaires. On trace sa route, seul, dans un tunnel très linéaire.
Un autre élément singulier : le jeu est entièrement doublé, avec très peu de texte à lire, hormis quelques panneaux indicatifs. Le doublage français est particulièrement amusant : solennel et sérieux, dans un registre de langue très châtié, ce qui donne au jeu un charme suranné, presque comme un “livre dont vous êtes le héros”, mais en version audio. Je ne me risquerai pas à une analyse détaillée du lore, ayant abandonné lâchement le jeu à mi-parcours. En gros, on est sur un scénario classique du type “9 colonnes = 9 boss à tuer”.
Visuellement, le jeu est plutôt beau, notamment grâce à ses éclairages flashy, qui évoquent un Lunacid avant l’heure. La musique et l’ambiance sonore sont réussies. Les donjons, bien construits, rappellent parfois les châteaux de Symphony of the Night. En revanche, les villes manquent cruellement de charme et se ressemblent toutes. Comme Kain ne peut interagir avec les villageois, à part pour les tuer, il n’y a pas d’intérêt à explorer ces zones.
Trigger warning : si vous souhaitez y jouer, privilégiez la version PC. L’émulation de la version PS1 est une catastrophe. Dès qu’il y a plus de trois ennemis dans une pièce, le jeu devient un “GIF animé” à 5 fps. Malgré des tentatives d’overclocking, les performances restent médiocres. Sur les 8 heures que j’ai consacrées à ce jeu, j’en ai passé environ 3 dans des temps de chargement. Chaque changement d’arme ou de sort nécessite de naviguer dans les menus (impossible de binder plus d’un sort). Ce système, pensé pour simplifier les contrôles sur PS1, devient vite insupportable. Au minimum, il aurait fallu un bouton dédié aux sorts à mana et un autre pour les consommables. Cette gestion laborieuse des menus rappelle les Zelda sur SNES ou Game Boy, mais sans la rapidité et la fluidité qui sauvaient l’expérience à l’époque.
Ce jeu est à la fois unique et frustrant : il oscille entre les mondes du RPG PC et console. Il n’a ni la profondeur narrative et mécanique d’un Elder Scrolls, ni la rapidité et l’intuitivité d’un Zelda. J’ai eu l’impression de subir le pire des deux mondes, tout en reconnaissant l’audace de vouloir créer un véritable “Western-RPG sur console”. Même si je n’y ai pas joué, il semble que Soul Reaver ait poursuivi cet aspect Zelda-like, en y ajoutant du platforming (très critiqué, apparemment).
Bref, une bizarrerie totale qui mérite d’être saluée pour son ambition, même si elle est (très) loin d’être parfaite.