Et moi, je jouais à Moktar !

Hé oui, pendant que vous étiez devant votre télévision à trouver les diamants cachés de Sonic et la Star Zone cachée de Super Mario World, moi je partais au secours de la Zoubida sur mon tapis volant ! Comme je vous en avais déjà parlé, quand CJ était petit, les consoles de jeux n’étaient pas admises à la maison. J’avais eu le privilège d’être l’un des premiers équipé informatiquement dans le quartier, avec mon super Commodore 64, mais il fallait bien admettre qu’en ce début des Nineties, il commençait à faire pâle figure au coté des Megadrive et Super Nintendo…

Ceci dit, mes deux meilleurs amis n’avaient pas plus de consoles que moi chez eux à cette époque… Allait commencer la grande aventure du jeu sur PC ! Bon, il fallait bien admettre que celui que nous avions à la maison était loin de me donner envie. Avec son écran monochrome et son beeper intégré, il n’avait pas grand chose pour rivaliser coté jeu avec le commodore 64, si ce n’est un chargement un peu plus rapide. Mais fallait-il encore en trouver, puisque le paternel avait choisi de brider l’appareil avec un lecteur 5’1/4 à l’ancienne.

C’est donc avec mes amis Alain, Julien et Vivien que j’allais partir en quête de substituts de Super Mario, et l’un des premiers titres à faire son effet sera Blues Brothers réalisé par les français de Titus. Plus que probablement très inspiré par Tic & Tac : Rangers du Risque sur NES, ce jeu de plate-forme en utilise une mécanique assez similaire, la possibilité de contrôler deux personnages en même dans un jeu de plate-forme, où nos deux héros peuvent ramasser des caisses, qui leur serviront d’armes contre leur ennemis ! Graphiquement le jeu est bien réussi et offre en mode VGA, un style graphique un poil au dessus des jeux NES. Les musiques reprennent les thèmes de Blues Brothers, et même en mode PC Speaker, le résultat est attractif. Séduit par la qualité du jeu, je serai alors à l’affut des jeux suivants que seront notamment la série Prehistorik et Les Aventures de Moktar.

Moktar, Moktar, mais oui bien sur ! C’était l’amoureux de la Zoubida, celle-là même qui offrait une nouvelle place dans le TOP 50 à l’humoriste français Vincent Lagaff. Si pour moi à l’époque Moktar était le meilleur jeu de plate-forme de tous les temps, sur mon PC, du coté de chez Titus le projet Moktar était un projet tout ce qu’il y a de plus alimentaire. Réaliser un jeu vidéo sur ce que nous appellerions maintenant un buzz, en 2 ou 3 mois, en reprenant le code déjà pondu dans Prehistorik et Blues Brothers, dixit le chouette article publié dans le Pix n Love #15, dont j’ai terminé la lecture pendant mes vacances.


Avec des graphismes et animations qui n’ont pas à pâlir face aux consoles phares de l’époque, le jeu de Titus, sort en 1991 avec quelques éloges de la presse spécialisée. Bien qu’il ne soit qu’un jeu parmi d’autres pour ses producteurs, son auteur Eric Zmiro a choisi de ne pas se satisfaire de ce qui avait été fait, mais bien de revoir toute la programmation du moteur de jeu. Le gameplay devient donc bien plus profond que parcourir les quartiers mal famés de Marakech en lançant caisses et bouteilles vides sur des clochard pochetrons, de grosses bruttes et de sales cabots. Assez rapidement, le joueur pourra se rendre compte que les différents objets que Moktar peut ramasser sont parfois à conserver précieusement. Les caisses par exemple permettent aussi d’atteindre des bonus cachés en hauteur, en montant dessus, voire en empilant plusieurs caisses. La balle magique rebondit et peut servir de trampoline. Il y a bien sur le tapis volant qui permet de planer et, pour peu que l’on prenne de la hauteur, traverser pas mal de zones de la map à l’écart du danger. Le skate board est également bien pratique pour prendre des raccourcis sur des palissades remplies d’échardes. Rapidement, il faudra commencer à réfléchir avant d’agir. Vous l’aurez compris, il est parfois plus utile d’éviter un ennemi que de gaspiller une caisse nécessaire pour grimper sur un mur où se cachent quelques bijoux. Parfois, il faudra tout simplement prendre soin de quelques caisses à transporter d’un coté à l’autre du niveau pour en atteindre la sortie ! Et bien entendu, une fois balancé, l’objet est perdu, imposant parfois à notre brave Moktar de chercher un moyen rapide d’en finir avec son chagrin de ne pouvoir revoir sa belle Zoubida !


Oui, il est clair que découvrir Les Aventures de Moktar à notre époque et en comprendre toutes les subtilités demandent de se remettre dans le contexte. La plupart des joueurs modernes auront du mal dès le 2° écran à se faire au scrolling choisi par l’équipe de Titus dans ces jeux de l’époque. Un choix technique imposé par la diversité des cartes graphiques de l’époque, mais qui pourtant était pour moi toute la subtilité de ce jeu. Arriver à voir un peu plus loin au bon moment, sans éveiller un clochard endormi par exemple, voir s’il est intéressant de prendre des risques pour aller dans cette direction, etc.

Les premiers niveaux semblent assez linéaires, avec quelques petites zones secrètes faciles à découvrir. Mais rapidement les passages secrets et raccourcis apportent une envie d’exploration des niveaux passionnante, qui s’amplifie avec les quêtes du Code Secret. Astuce géniale proposée par Titus, chaque niveau cache en son sein un code secret unique (calculé sur base des composants de la machine) qui permet de repartir du niveau que l’on visite alors. Il faut donc de préférence d’abord partir en quête du code secret, plutôt que d’atteindre la fin du niveau, histoire de s’assurer de pouvoir repartir de celui-ci lors de la prochaine partie. Et je peux vous dire qu’au bout d’un certain moment, j’ai commencé à ne plus trouver tous les codes, m’obligeant à traverser plusieurs niveaux sur une même partie, ce qui est loin d’être facile.

Il m’aura fallu plusieurs années et heures d’acharnement pour traverser la ville, les immeubles en construction, les égouts, le métro (où ce cache le premier gros passage secret rempli de bonus), la crypte, les deux zones de HLM aussi difficiles l’une que l’autre, les boss, avant d’arriver au niveau 8, à nouveau dans les égouts. Un niveau immense que j’ai pu terminer une fois ou deux afin d’atteindre le niveau suivant dans la pyramide, jusqu’au jour où j’ai trouvé dans ce niveau 8 un passage secret me permettant d’atteindre le niveau 14, dernier level et ainsi terminer le jeu. Wouuuw quelle aventure ! Et il y avait encore de sacrés niveaux de fous à découvrir à ce que révèle maintenant Mr Internet! Vous conviendrez que pour un jeu à faire rapidement pour surfer sur le succès d’un 45 Tours chanté par un humoriste local sur le thème de Moktar et de la Zoubida, on en a pour notre argent. J’ai même réussi à y jouer quasi en mode aveugle, tant je connaissais déjà le premier niveau, aillant réussi d’un coup de moktar.com -h à faire tourner le jeu sur ma carte Hercule Graphics en 2 couleurs (imaginez bien que l’on n’y voyait pas grand chose)

Musicalement, Les Aventures de Moktar était assez correct, le rendu FM de carte sons compatibles Adlib/Sound Blaster de l’époque ne pouvait faire grand chose d’extraordinaire, mais les mélodies étaient entrainantes et reprenaient de temps à autre le thème de la Zoubida, sans que cela ne devienne désagréable. Oh bien sûr, pour l’époque, la version Amiga était bien meilleure, avec un « Lagaf » digitalisé à chaque fois que l’on prenait un bonus et le « Eeeet qu’est-ce qu’on fait maintenant » à la sauce Benny B quand on laissait le personnage immobile à l’écran, mais j’imagine que cela devait parfois être un peu lourd quand on trouvait une vingtaine de bonus à ramasser.

Le jeu aura donc un certain succès, au point que Titus se retrouve à envisager une commercialisation du jeu hors de la France. Personne n’y connait Vincent Lagaff et son sketch sur la Zoubida, le sujet pourrait même mal passer. Sans grande originalité, le jeu se fait alors appelé Titus the Fox, et le sprite de Moktar est remplacé par la mascotte de l’équipe, un renard qui au fond sera dans la lignée des Sonic le hérisson, Bubsy le chat, Zool la fourmi et Mr Nutz l’écureuil. Bizarrement, sur console, le jeu n’aura droit qu’à une version GameBoy en noir et blanc pas très fun, suivi d’une conversion sur Game Boy Color.

Moktar aura la cote sur mon PC 80386 DX40 (40Mhz donc) avec mon méga de mémoire, ma toute nouvelle carte vidéo Trident VGA 256 couleur et son écran 14″, ma carte son compatible Sound Blaster, mon nouveau lecteur de Floppy et mon disque dur de 20Mo, je me retrouvais avec la meilleure machine du quartier. Et donc bon pour recommencer le jeu depuis le début (puisque les codes sont uniques) et serai rejoint en 1993 par le nouveau super titre de Titus : Prehistorik 2, proposant des graphismes encore meilleurs, un gameplay plus profond et des niveaux complètement fous. Mais ce sera pour une prochaine histoire du fond de ma mémoire !

S’il vous prenait l’envie de découvrir Les Aventures de Moktar, il faut savoir que le moteur de jeu était calculé pour fonctionner sur un processeur 16mhz, et que par exemple, sur un PC 486 proche des 60 à 80Mhz, notre brave Moktar semblait avoir bu un ancêtre de RedBull, le moindre frôlement de clavier le faisait courir au cent mille diables. Fort heureusement pour les nostalgiques que nous sommes, un projet de ré-écriture du code a été mis en place, afin que nos machines modernes puissent y jouer facilement. Le jeu peut être téléchargé sur le site d’Abandonware France, qui regorge depuis 12 ans maintenant de bon nombre de mes jeux d’enfance. Ce qui me rappelle que c’est sur ce site que j’ai fait mes débuts sur Internet.

Télécharger le moteur OpenTitus : http://sourceforge.net/projects/opentitus/
Télécharger Les Aventures de Moktar : http://www.abandonware-france.org/ltf_abandon/ltf_jeu.php?id=462

Et si vous n’êtes pas encore convaincu…


Bon et sinon Pype, tu nous fais une conversion sur Nintendo DS ?
cyborgjeff
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Jeux vidéo, Mon TOP 50 de jeux vidéo intergénérationnels et Vieux Jeux MS-DOS (TOP 30)

Créée

le 29 sept. 2012

Critique lue 4.5K fois

8 j'aime

2 commentaires

cyborgjeff

Écrit par

Critique lue 4.5K fois

8
2

D'autres avis sur Les Aventures de Moktar - Vol 1 : La Zoubida

Les Aventures de Moktar - Vol 1 : La Zoubida
griffithred
7

Si on fait abstraction du titre du jeu et de la jaquette...

Malgré un scrolling un peu lourd et un graphisme un peu redondant, le jeu regorgeait de passages secrets...Et c'est ça qui m'a vraiment fait tripper! J'ai adoré me perdre dans les niveaux immenses à...

le 17 janv. 2011

2 j'aime

6

Du même critique

Casse-Noisette et les Quatre Royaumes
cyborgjeff
8

Un conte magique comme Disney sait nous en offrir.

S'attaquer à un ballet de la fin du XIX° siècle composé par Tchaïkovski basé sur un conte de Noël allemand écrit quelques années plus tôt, voilà le joli défi que s'est donné le mastodonte Disney dans...

le 1 nov. 2018

9 j'aime

Braid
cyborgjeff
3

Critique de Braid par cyborgjeff

Ben mince !! Je suis franchement déçu de ce jeu dont je parle et je parle depuis presque 2 ans… dont j’ai lu tant de bonnes critiques mettant en avant son originalité, son retour à la 2D magnifique...

le 31 oct. 2012

8 j'aime

14

Les Aventures de Moktar - Vol 1 : La Zoubida
cyborgjeff
8

Critique de Les Aventures de Moktar - Vol 1 : La Zoubida par cyborgjeff

Et moi, je jouais à Moktar ! Hé oui, pendant que vous étiez devant votre télévision à trouver les diamants cachés de Sonic et la Star Zone cachée de Super Mario World, moi je partais au secours de la...

le 29 sept. 2012

8 j'aime

2