Lies or Die
Préambule: plateforme PS5, patch v1.02, mode performanceJe ne vais pas y aller par 4 chemins: le jeu est très bon. C'est un solide souls-like, je dirais même un Sekiro-like que j'expliquerais...
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le 21 sept. 2023
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A l'heure où l'IA est devenue une réalité du jour au lendemain et que les craintes suscitées par la science fiction se concrétisent de jour en jour, il n'est guère étonnant d'assister à une résurgence évidente du mythe fondateur de Pinocchio, conte précurseur de l'automate, tandis que la frontière entre la création humaine et la création artificielle s'est déjà grandement flouée : le Pluto d'Urasawa se voit enfin adapté sur Netflix, Guillermo Del Toro livre sur la même plate forme sa vision du conte en animation tandis que Zemeckis livre sa version Live (apparemment foireuse) de la réinterprétation Disney et voilà que débarque aujourd'hui ce Lies Of P qui veut taire consciemment le nom de son protagoniste pour ne pas être infantilisé aux yeux du grand public. Car dans le jeu vidéo, le nihilisme trouve finalement assez vite bon accueil et après la version macabre d'Alice opérée il y a des décennies à présent par American McGee (et la déformation plus méconnue du Chaperon Rouge dans The Path), un autre conte se voit ainsi triturer pour mieux mettre en évidence ses questionnements lugubres sur les esprits humains ayant engendrés un tel chaos. Et s'il y a bien une série qui a fait de la dépression son fil conducteur tangible c'est bien l'impitoyable série des Souls Like dont P se revendique un héritier dès le texte d'accroche sur la jaquette; fort heureusement si vous êtes également allergiques à la fameuse mécanique invraisemblable de la roulade et ses frames d'invulnérabilité (Nous sommes peu nombreux mais nous luttons dans l'ombre) le titre a le bout goût de s'inspirer également de Sekiro et sa parade bien plus instinctive et haletante; enfin puisqu'il n'y a décidément pas de mal à singer les plus grands, P va également emprunter à Nier Automata quelques attributs en matière de direction artistique et de thématiques existentielles; il n'y a pas à dire : pour un premier jeu, les coréens de chez Neowiz ne manquaient clairement pas d'ambition.
Une ambition qui s'avère largement à la hauteur de ses illustres influences, bien qu'elle soit entachée par quelques écueils aisément pardonnables pour une première création. Oui, Lies Of P est une aventure plaisante à parcourir : la parade est grisante à maitriser (même si on pourra déplorer l'omniprésence de boss monstrueux au lieu d'antagonistes épéistes propres à mettre à l'épreuve vos talents de duelliste), les prothèses offrent des alternatives bien plus convaincantes que Sekiro en la matière et de manière globale, le système d'évolution est très satisfaisant pour muer votre marionnette fragile en exterminateur de ses pairs. Mais surtout, Lies Of P est une aventure plaisante à vivre car c'est bien d'un parcours initiatique dont il est ici question et le jeu parvient à véhiculer une touchante sensibilité sur l'apprentissage des émotions et le plaisir de faire le bonheur autour de soit dans un monde trop souvent dépourvu d'humanité; certes, la mécanique des mensonges s'avère malheureusement bien plus simpliste qu'escomptée, comme si le jeu ne souhaitait pas trop questionner la moralité du joueur en dépit de quelques dilemmes qui s'extirpent de ce manichéisme omniprésent, mais la satisfaction demeure malgré tout de voir sa persévérance récompensée et cet orphelin reconnu pour sa propre identité par ses camarades d'infortune; à ce titre, le Hub central de Lies Of P est probablement le plus réussi et impactant de la longue tradition des Souls Like et nul doute qu'il demeurera dans les mémoires de nombreux joueurs à ce titre.
En définitive, s'il y a bien une chose qui empêche Lies Of P de prétendre au titre de chef d’œuvre interactif, c'est bien dans la structure relativement conventionnelle de ses niveaux et surtout sa direction artistique étonnamment timorée; le Level Design est ici purement fonctionnel et consiste principalement à débloquer des raccourcis vers votre point de départ sans autre interconnexion insoupçonnée, le jeu se plaira pourtant à deux reprises à relier deux environnements pour épater le joueur sans que cet entrelacement n'ait vraiment une réelle incidence sur votre progression; pas de châteaux titanesques dissimulés derrière des indices abscons ou de boss inattendus derrière un mur factice : dans Lies Of P, tout le contenu de l'aventure se situe sur votre route et peut être les développeurs ne pouvaient-ils s'accorder, pour une première production, de camoufler à la vue du joueur autant de contenu que leurs confrères Japonais. Mais plus regrettable encore, et moins justifiable, s'avère être la direction artistique du titre, pourtant très prometteuse depuis ses premiers trailers lointains : non pas que le jeu soit pourtant incapable d'envolées esthétiques, la Rue Rosa Isabelle constitue à ce titre le pinacle de Lies Of P autant en matières de décors, d'antagonistes et même de Level Design mais tout le reste de l'aventure s'avère désespérément sobre en comparaison : des mines, des grottes et des forêts tristounettes ou des villages abandonnés dénués de narration environnementale, il est vraiment étonnant que Lies Of P passe preuve d'un tel classicisme dans les environnements proposés alors que son génial concept devrait lui permettre toutes les fantaisies en la matière; bigre, même l'austère Nier Automata s'avérait parfois plus audacieux à ce sujet et il n'y a bien que le dernier niveau de Lies Of P qui donne le sentiment de se lancer à l'assaut d'une forteresse inexpugnable. Dommage, vraiment dommage; une déception couplée au triste constat que le conte originel de Pinocchio est de plus en plus ignoré durant le dernier tiers peu inspiré de P; à ce titre, l'intégration de la fameuse Baleine s'avère franchement risible compte tenu de son importance dans le récit initial et si le jeu emprunte également la même mécanique de mise en scène des Souls avec ses portes s'ouvrant lentement pour mieux dévoiler un environnement imposant, l'impact est souvent bien moindre en comparaison des panoramas vertigineux de l'Entre-Terre.
Enfin, il est bon de préciser que Lies Of P se situe également dans la continuité d'Elden Ring en matière d'adoucissement de la formule autrefois intransigeante des Souls : les spectres bien entendu, dont le Loot est tellement généreux que P aurait pu songer à proposer directement une cloche pour les invoquer, les points de respawns toujours très proches des affrontements de Boss, les pierres à aiguiser incitant à utiliser sans vergogne les buffs offensifs souvent bien plus rares dans les Souls etc etc Les puristes pourront crier à la trahison de la formule originelle tandis que ceux rebutés par la redondance des vieux modèles pourront donner une chance à ce Pinocchio, généreux en contenu comme en âme. Ce Lies Of P bénéficierait-il autant d'un capital sympathie si Bloodborne 2 ou Sekiro 2 étaient déjà une réalité? Assurément non; pas plus que son récit ne serait aussi évocateur s'il ne convoyait pas directement un conte ancré dans les consciences collectives mais les mérites de cette première production ne doivent pas être mésestimés pour autant: les coréens se sont déjà imposés dans les productions cinématographiques et télévisuelles depuis des décennies et il était plus que temps qu'ils insufflent également leur savoir faire dans le jeu vidéo, au delà de jeux mobiles ou de MMO à l'esthétique douteuse.
Imparfait mais sincère; courbant le dos face à ses influences intimidantes mais pourtant sacrément solide sur ses fondations : la première esquisse prometteuse d'une franchise qui saura peut être se détourner de ses aînés pour mieux embrasser sa propre individualité. En attendant, si vous aussi, vous n'étiez pas surpris de voir cette larme apparaitre durant les derniers instants du récit, alors Lies Of P aura su également toucher votre cœur.
Et personnellement, je n'en demande pas plus au jeu vidéo.
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Créée
le 9 janv. 2024
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