Lord of the Lies
Vous avez déjà essayé de tailler un petit garçon dans un bout de bois ?Même avec un opinel, ce n'est pas évident, il reste toujours des bouts qui dépassent, l'illusion n'est pas parfaite, il suffit...
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le 27 oct. 2023
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"Ce n'était clairement pas intentionnel" a déclaré Round8 Studio quand on les a accusés, à juste tire, d'avoir scandaleusement plagié chaque ingrédient de la recette FromSoft. Un tel culot, ça force le respect, car en jouant au jeu, la copie est si évidente, et ils ne font tellement rien pour s'en cacher, que j'étais convaincu qu'elle était assumée.
Il suffit de jouer aux premières minutes de Lies of P pour réaliser tout a été copié : contrôles, caméra, sons, interface, mais surtout la boucle de combat, d'exploration, de loot et de level up, level design par zones avec des portes à sens uniques qu'on débloque progressivement et qui nous ramènent à un feu de camp qu'on utilise pour recharger ses fioles de soin ou se téléporter. Bordel, ils ont même repompé la gardienne du feu qui vous fait level up, et j'aurais juré qu'elle avait la même doubleuse (Ndlr: Non, mais c'est la voix de Millicent dans Elden Ring)
L'ambiance, le rythme et les sensations de jeu sont strictement identiques, mais toute ressemblance avec un Souls est purement fortuite, hein. Heureusement pour Round8 et pour moi, cet exercice de plagiat est si bien exécuté que je ne peux que saluer le résultat, et si vous cherchez un Souls à vous mettre sous la dent, c'est clairement le haut du panier.
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Bloodborne est souvent mentionné comme l'inspiration principale, à cause de similitudes dans l'ambiance et la direction artistique. On l'a comparé à Sekiro pour son emphase sur la parade, mais à mes yeux, c'est plutôt un très bon clone de Dark Souls 3.
Le studio a cependant parfaitement digéré Bloodborne et Sekiro et en intègre certains éléments, mais ce qui le rend si réussi à mes yeux, c'est qu'ils embrassent aussi la philosophie bien moins punitive et élitiste d'Elden Ring, et livrent un jeu difficile et exigeant, qui mettra votre endurance et vos nerfs à rude épreuve, mais n'a pas cet humour noir à la FromSoft qui m'irrite tant, et cette propension à vous flageller sans raison.
Je ne qualifierais en aucun cas le jeu de bienveillant, mais je l'ai presque toujours trouvé juste, tandis que Dark Souls 3 m'a souvent donné envie d'enfoncer ma manette dans la gorge de ses créateurs.
Ça passe par une accumulation de petites améliorations de la formule :
¤ Pas de piège invisible qui vous tue immanquablement lors de votre premier passage
¤ Pas d'ennemi caché dans un angle mort qui vous pousse vers une mort certaine au pire moment possible
¤ Moins de pénalité si vous mourrez avant de retrouver vos âmes. J'avais peur que ça trivialise un peu l'exploration, mais ça m’a rendu plus curieux de tout visiter, et non moins prudent.
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Comme un FromSoft, le jeu a beaucoup (trop) de systèmes, mais les explique bien mieux. Entre les points d'attributs à répartir, Le "P-Organ" (ça ne s'invente pas) qui vous sert d'arbre de talents, l’assemblage d’armes, la progression des pièces, votre bras robotique, un cube à la con auquel je n'ai jamais touché, un grinder pour ajouter des effets à votre armement et que sais-je encore, vous avez largement les moyens de personnaliser votre Timothée Chalamet.
Comparé aux Souls, la plus grosse amélioration à mes yeux est la gestion des armes. Pour commencer, une mécanique d'usure vous encourage - sans vous forcer - à alterner. Et comme le jeu vous arrose généreusement de ressources, pour peu que vous preniez le temps d’explorer, vous pourrez booster plusieurs armes et faire des expériences jusqu'à trouver votre combo idéal.
J'ai fini par m'arrêter sur un couple "énorme clef à molette" (pour casser des gueules dans les couloirs exigus et assommer les mini-boss) + "Scie rouillée de 2 mètres de long" (pour balayer les ennemis les plus agiles et scier les chevilles des boss depuis une distance respectueuse).
Les armes sont composées de deux morceaux : un manche et une lame, que vous pouvez librement combiner et... c'est vraiment génial. Votre clef à molette est trop lourde et trop lente ? Attachez-la à un manche plus court pour des coups plus rapides. Votre scie n'a pas assez de portée ? Pourquoi ne pas la combiner au manche d'un sabre permettant des attaques virevoltantes vers vos adversaires ?
Le seul défaut de ce système est qu'on reste quand même verrouillé par son build dans une catégorie d'équipement, car chaque manche s’adapte à l’une des trois compétences d'attaque. Cela dit, le jeu vous permet de tout changer pour d'explorer chaque style de jeu, bien plus librement que ses modèles.
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Et comme cette critique devient trop longue, voici quelques autres qualités qui permettent à Lies of P de s'élever bien au-delà de la pâle copie qu'il aurait pu être :
■ Il parvient beaucoup mieux à raconter une histoire sans pour autant vous doucher de dialogues, de cinématiques, ou d'exposition forcée. Le jeu distille les informations sur son univers de la même manière qu'un Souls, via l'environnement, les objets et quelques notes glanées ici et là, mais le fait sans être volontairement abscons.
■ Vous pouvez faire ses quêtes secondaires sans avoir besoin d'un Wiki à chaque étape. Les informations que vous donnent les personnages restent vagues, mais si vous ouvrez les yeux et explorez ses superbes environnements, ça ne devrait pas être trop compliqué.
En outre, le jeu ne s'attend pas à ce que vous vous souveniez d'un obscur dialogue 15h plus tôt et vous indique les vieilles zones où un NPC vous attend. C'est élégant en termes d'UI, pas trop guidé, et... va bien te faire foutre, Dark Souls 3, avec tes quêtes imbitables que j'ai eu peine à suivre avec le Wiki en alt-tab.
■ Tout comme le faisait Elden Ring, mais aucun FromSoft avant lui, Lies of P a des points de sauvegarde à quelques pas de ses boss. Pour une raison qui m'échappe, ce n'est pas toujours juste à côté et vous devrez quand même vous taper 20 secondes de jogging après chaque mort, mais on est très très (très) loin du niveau de merditude de Bloodborne à cet égard
■ Tant qu'on parle de Bloodborne, la parade de Lies of P est infiniment plus satisfaisante et humainement utilisable. Elle n'est pas basée sur une ressource limitée, et s'active au moment où vous appuyez sur le bouton et pas 5 frames trop tard. Va bien te faire foutre, parade de Bloodborne.
■ La courbe de difficulté est largement mieux maîtrisée que dans les trois FromSoft auxquels j'ai joué. Le premier niveau est assez doux et permettra aux nouveaux venus de se familiariser avec la formule, le premier boss ne vous tue pas en deux coups pour se laver dans votre sang, et vous pouvez invoquer un NPC pour vous aider, qui fonctionne exactement comme... devinez quels jeux.
Ça n’empêche pas le jeu de vous faire roter du sang assez rapidement, et vous n'échapperez malheureusement pas à l’écueil des derniers boss beaucoup trop difficiles, avec leur lot de mécaniques débiles ou injustes, des attaques qui couvrent la moitié de l'arène et AOE impossibles à éviter, mais à ce stade, ça fait partie du contrat.
■ Les ennemis cessent de vous attaquer quand vous êtes morts, et certains ont même un emote pour se foutre de votre gueule (saleté de clown, je te hais)
■ Visuellement, c'est beaucoup plus lisible et moins fouilli que Bloodborne. C'est aussi plus élégant et original que le dark gothic fantasy des Souls, même si certains environnements manquent un peu de charme.
La bande son est également plus éclectique et ne vous balance pas systématiquement une chorale de 200 moines en colère au moindre combat de boss. Certaines pistes sont agréablement mélodiques et je me suis souvent surpris à chantonner la musique du Firelink Shri-- pardon, de l’hotel Krat.
J'ai bien conscience que toutes ces prétendues qualités peuvent être perçues comme des défauts par les aficionados de la recette originale, mais j'ai beau avoir enchainé DS3, BB et Elden Ring en l'espace de six mois, je considère Lies of P comme une évolution positive de la formule, car il retire beaucoup de friction inutile sans rien perdre de la tension et de la difficulté qui en font le sel.
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C'est donc un très bel exercice de régurgitation auquel s'est livré Round8. En plus de nous offrir un clone de Souls au gameplay précis et ciselé, ils ont l'arrogance de moderniser la formule et d'en corriger presque tous les défauts.
Le jeu n'est pas parfait pour autant. Déjà, il manque singulièrement de fraicheur, et la sensation de déjà-joué ne vous quittera jamais, au point que durant les premières heures, je me suis sérieusement demandé "à quoi bon". Mais je me suis vite laissé emporter par cette boucle d'exploration, de combat, et d'amélioration de mon personnage, qui a fait ses preuves, et se révèle ici remarquablement addictive.
Les environnements sont magnifiques, avec un style victorien gothique qui déborde de charme, des décors bourrés de détails dont aucun n'a été laissé au hasard, et un boulot fantastique sur les reflets et les matières. Le bestiaire se renouvelle bien, et s’il n’a pas le panache des monstres d’un Elden Ring, on attend avec impatience la nouvelle arme à leur enfoncer dans les boyaux.
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il y a 2 jours
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