La Vie est belle
Life Is Strange pourrait être défini de bien des manières mais ce que ma mémoire de joueur retiendra c’est qu’il s’agit du premier jeu vidéo m’ayant donné le sentiment d’être humain. Jamais une...
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le 3 févr. 2015
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Je découvre le fameux Life is Strange, 6 ans après tout le monde. Un jeu qui aura marqué son temps et que certains auront érigé en monument inviolable. Vous avez vu la note, je n'en fais pas partie. Mais je mentirais en disant que la visite des lieux n'était pas sympathique, même dans ses ratages.
Alors je ne vais pas faire une énième diatribe sur les paradoxes temporels que le jeu engendre, ni sur les incohérences du scénario (sauf une, je suis taquin). Mais j'ai tout de même été gêné par l'écriture de Life is Strange. Le jeu ne me parait pas être un portrait de la jeunesse des années 2010, mais la vision que des quarantenaires se font de la jeunesse des années 2010. Ca se ressent dans l'écriture des personnages adolescents, incroyablement caricaturale. Les scénaristes n'ayant aucune idée de comment peut penser une génération qui a grandi avec Internet, les réseaux sociaux et les portables, ils se contentent d'accumuler les mots-clés pour ranger tout le monde dans les petites cases (hipster, geek, punk,...) et de ressortir des clichés simplistes (selfies, drogues, fêtes,...); et malgré mon mépris pour la période de l'adolescence, je trouve ce traitement bien trop sévère. Dans un autre ordre d'idée, je déplore que le scénario du jeu, pourtant censé être une enquête, ne crée absolument aucune fausse piste ou ne pousse pas le joueur à créer lui-même ses théories. Les scénaristes insistent tellement pendant tout le jeu sur la probable culpabilité d'un personnage en particulier que n'importe quel joueur ayant vu 2 films policiers dans sa vie se doutera qu'il y a aura un twist. C'est décevant, et pas bien palpitant, malheureusement... Pourtant le jeu arrive à faire mouche par instants, notamment dans son traitement du harcèlement scolaire ou des conséquences de la mort d'un proche, et placer l'histoire dans la perspective d'une jeune femme amène de bonnes idées (chapitre 5, no spoil).
Paradoxalement, ce sont les personnages adultes qui sont les mieux écrits du jeu. C'est évident, le jeu étant écrit par des "vieux", il est logique qu'il parvienne à donner de la consistance aux "vieux". Malgré tout, je ne me suis pas tant que ça attaché aux personnages, même pas à Max qui est beaucoup trop candide, et dont les leçons de morales qu'elle adresse aux différents personnages (même si elles sont pertinentes) me paraissent moins sortir de sa bouche que du script des scénaristes tant elles paraissent forcées. C'est aussi pour ça que j'ai adoré le personnage de Chloé. Certes une caricature de jeune rebelle soit-disant punk (plutôt grunge, messieurs les scénaristes de ce jeu-vidéo sur l'adolescence), mais bien plus travaillée et attachante que tous les autres personnages, à la fois un personnage lumineux qui aide Max à se sortir le balai qu'elle a dans le fondement, et en même temps une jeune femme triste, en colère contre le monde et contre elle-même, perdue dans sa vie depuis un terrible drame qu'elle ne parvient pas à surmonter. C'est bien simple : Chloé portait le jeu sur ses épaules à mes yeux, me libérait de conversations insipides avec des personnages aussi riches en personnalité que des plots pour m'emmener vers de nouveaux horizons, dans un grand élan de rebelle adolescent aussi naïf que charmant. Le début du chapitre 4 a même réussi à me toucher, même si le jeu, comme souvent dans ses moments émotion, rajoute trois couches de mièvreries dans les dialogues pour forcer les larmes du joueur à sortir de leur foyer oculaire.
J'ai par contre eu un gros problème avec la fin. Déjà elle balaye totalement tous les choix que l'on a faits durant tout le jeu car ils ne sont absolument pas pris en compte pour ouvrir d'autres possibilités (Je le répète : Littéralement Aucun choix fait dans le jeu n'a d'importance, que ce soit pour modifier la fin ou dans l'univers du jeu en lui-même), mais en plus elle se résume à un choix binaire trop simpliste : Pourquoi laisser mourir Chloé sauverait forcément la ville ? Et en quoi la tempête est liée au pouvoir de Max ? D'accord pour la théorie du chaos, mais concrètement, comment ça marche ? Si tout est dû à ses retours incessants dans le temps, il suffirait qu'elle revienne en arrière, sauve Chloé et se contente de faire arrêter les coupables sans plus utiliser le voyage temporel. Je comprends l'idée de mettre les personnages face à leurs responsabilités et de nous inculquer la leçon des choix et de leurs conséquences en nous faisant payer un lourd tribut, mais pour le coup j'ai trouvé ce dernier choix trop simple et facilement évitable. Et quand un choix binaire ne me parait pas si inéluctable que cela (ça arrive quelques fois dans le jeu d'ailleurs), ça ressemble juste à un scénario rempli d'incohérences. C'est donc en bon anarchiste anti-impérialisme narratif vidéo-ludique que [SPOILER] j'ai décidé de ne pas faire ce que les scénaristes attendaient de moi, et de laisser crever toute cette bande de caricatures sur pattes qu'est Arcadia Bay pour sauver Chloé !
Et je ne regrette rien !
D'ailleurs le voyage dans le temps est une mécanique de gameplay sympathique, mais finalement pas si exploitée que ça, avec toujours le même schéma de : Situation à régler --> Tentative N°1 --> Échec --> Retour dans le temps --> Tentative N°2 --> Réussite. Le chapitre 5 arrive à réinventer le principe et à lui donner un aspect ludique bienvenu, mais c'est malheureusement la seule exception. Comme toujours dans ce type de jeux narratifs, le gameplay est trop secondaire. Et ça n'est pas l'impossibilité de prendre librement des photos qui me fera dire le contraire. Quand ton jeu met en scène un personnage qui utilise un appareil photo, le B-à-ba veut que le joueur puisse être libre de faire des photos et de composer des albums (Project Zero sur PS2 le faisait très bien 20 ans avant !), et non pas limiter cela à des vignettes à collecter.
Même si je mets énormément en avant les défauts du jeu, je ne l'ai pas pour autant détesté. L'écriture caricaturale a quand même son charme et la relation Chloé-Max est très sympathique, même si on a bien plus l'impression de les voir s'amuser entre elles durant tout le jeu plutôt que d'enquêter (par contre vraie question : Est-ce que quelqu'un a vraiment tenté la romance ? Je veux dire elles se sont à peine retrouvées depuis une semaine, Chloé recherche Rachel avec laquelle elle semblait plus qu'amie. Est-ce que la romance ne serait pas un peu forcée ?). Je comprends que l'on puisse se laisser porter par l'ambiance, l'histoire et les héroïnes du jeu, et je ne pense pas que Life is Strange démérite son succès. Après tout, s'il a réussi à parler à un large public malgré ce que je considère comme des grossièretés d'écriture, on ne peut qu'être heureux pour lui. Mais je garderai personnellement rancune de cette fin trop simpliste, qui se torche avec les décisions du joueur durant toute sa partie et impose un choix cornélien en apparence, mais en réalité tout à fait évitable.
C'est la vision des créateurs, il faut la respecter. Mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas la critiquer.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste La vie sociale ?? Bof... (2021)
Créée
le 28 mai 2021
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