L'allégorie du manichéisme
Depuis le temps que j'attendais de jouer à Limbo, pseudo sex symbol de la scène indépendante, je me suis enfin plongé dans cet univers manichéen. Et je n'en suis pas vraiment sorti indemne.
Alors oui, l'ambiance sonore et visuelle est extraordinaire, et nous plonge corps et âmes dans le jeu. Mais cela, tout le monde le sait, tout le monde le dit. Et pour 90% des gens, cela suffit à en faire le meilleur jeu indé ever (sachant que c'est évidemment le seul auquel ils ont jamais joué). Faisons donc fi des convenances, l'univers de Limbo est extrêmement travaillé, mais cela n'a jamais fait un jeu culte.
Non, ce qui fait que Limbo est si magnifique, si grandiloquant, c'est son level design. Simple, faussement tordu, se mêlant parfaitement au Die & retry abusif comme on l'aime. Alors oui, des rageux à ce niveau il y en a également la dose. "J'avance et je meurs, mais c'est HORRIBLE et FRUSTRANT". Oui, c'est le principe. Et dans Limbo, il est parfaitement amené : vous vous ferez avoir une fois, contournerez le piège puis, dans le cas de figure plus ou moins similaire qui suivra, la question qui viendra est inévitablement : dois-je faire la même chose, ou l'inverse ? Ces petites questions, ces petites morts pré-programmées auquel il est quasiment impossible d'échapper lors d'un premier run, font tout le sel de l'expérience, et mettent magnifiquement en contraste l'apparence enfantine du jeu et les morts sanglantes dont pourrait se réclamer un certain Kratos. Et entre deux pièges mortels, on pourra passer du temps à chercher des solutions ambiguës et complexes aux diverses énigmes parsemant l'aventure, là où elles sont en réalité simples et logiques.
Et le mieux dans tout cela, c'est que chaque situation est unique : chaque puzzle, chaque piège, comporte cette étincelle d'un génie simple, mais efficace, que l'on croise trop peu de nos jours. Certains diront que vue la durée de vie du jeu c'est encore heureux. Etant plutôt du genre à aller relativement vite dans mes jeux d'habitude, tout en en profitant, j'ai ici mis environ 5 heures à finir l'aventure, ayant bien pris mon temps pour dénicher chaque secret. Alors oui, la fin arrive brusquement, et il manque peut-être un fil conducteur implicite et subtil à la Braid, une seconde lecture, mais cela n'empêche en rien Limbo d'exercer sa magie.
Limbo n'invente donc rien, et vous ne serez pas plus intelligent ou un gamer plus reconnu parce que vous y avez joué et que vous l'avez apprécié. Pour peu que vous vous immergiez dans l'univers, il n'en reste pas moins une des expériences les plus poignantes et les plus viscerales de cette génération. Et pour cela, Limbo ne vole en rien sa renommée.